Le Cabaret Vert, conquêtes en terrain conquis

2300 bénévoles font battre le cœur du festival. Une micro-société éphémère aux multiples savoir-faire que le Cabaret souhaite désormais récompenser avec BlaBla Job. (Crédit : M. Tchakmakdjian)

Le Cabaret Vert investit Charleville-Mézières du 22 au 25 août. Caractérisé d’« indépendant et durable », il est surtout un renouvellement perpétuel de challenges.

Depuis désormais quinze ans, le Cabaret Vert est devenu incontournable. Pourtant, chaque année, de nouvelles problématiques génèrent de nouveaux challenges. Et c’est ce qui rend l’exercice aussi périlleux que fascinant. « L’année dernière, nous avons fait 94 000 personnes, se souvient Julien Sauvage, directeur du festival, et même si c’est un super score, ce n’était pas suffisant. Cette année, nous sommes challengés à faire mieux, pour dégager de l’excédent et combler le déficit de l’année dernière ».

Avoir une certitude de réussite, pour tout festival, passe avant tout par la nécessité de réaliser 90% de remplissage, pour équilibrer les finances. Mais cette année, outre l’objectif d’aller au-delà et d’afficher complet, il s’agit aussi, pour le Cabaret Vert, de préserver son indépendance face aux géants de l’organisation de festivals qui interviennent désormais sur le territoire, à échelle nationale et dans une périodicité similaire à celle du Cabaret Vert, à la fin de l’été. « C’est une concurrence importante, d’autant que ces mastodontes de l’organisation de festivals ont aussi leurs propres écuries d’artistes », redoute Julien Sauvage.

Pourtant, même s’il est vigilant, le directeur n’est pas encore inquiet pour son festival : « Le Cabaret Vert bénéficie d’une exclusivité territoriale. Nous sommes les seuls à proposer de telles jauges dans les Ardennes ».

LE CERCLE VERTUEUX DE L’INDÉPENDANCE

Sur un budget de 6M€, le festival, construit en association à but non-lucratif, fonctionne en autofinancement (72%), par des subventions (7%), en société civile (3%) et en fonds privés (18%). Parmi ces fonds privés, 70% sont issus du mécénat et 30% du sponsoring. « Mécénat financier ou mécénat de compétences, le festival se construit grâce à la bienveillance des entreprises du territoire qui savent tirer profit de notre image de marque et de notre notoriété, mais qui ont surtout conscience qu’en aidant le Cabaret Vert, leurs impôts restent en local. Plus qu’eux et nous, c’est le territoire qui est récompensé », explique Julien Sauvage qui n’oublie pas que le festival s’est créé dans un souci de rayonnement territorial et économique. « Nous pensons cadre de vie. Nous l’avons toujours fait ».

Un cercle vertueux, donc, dans lequel s’inscrivent tous les choix du festival en termes d’organisation. « Nous avons pris des engagements sur les 5 ans à venir, pour aller toujours plus loin dans le développement durable », précise le directeur, bien conscient que « c’est la somme de petits détails qui fonde une dynamique exigeante et pragmatique pour la gestion des déchets et de l’énergie ». Un projet est d’ailleurs en pourparlers très avancés quant à la réhabilitation d’une ancienne usine sur le site du festival, qui, en 1896, était parfaitement autonome en énergie. Avec un budget d’1,5M€, les turbines de l’usine pourraient, à l’horizon 2021, alimenter en énergie les 3 semaines d’occupation nécessaire du site pour le festival (installation/désinstallation comprises).

L’HUMAIN EN ÉPICENTRE

L’organisation du festival s’articule autour de 2500 personnes, dont 2300 bénévoles et 200 prestataires/intermittents. Un bénévolat salutaire, donc, mais aussi très technique. « L’installation des 250 toilettes sèches et des 18km de barrières, nous ne la devons qu’au savoir-faire de nos bénévoles ».

S’ils viennent généralement de tous horizons socio-professionnels, certains bénévoles sont aussi à la recherche d’un emploi. « Nous avons donc intégré plusieurs chantiers d’insertion au sein des différentes missions. Nous avons des bénévoles qui prennent du grade, bénéficient de formations diplômantes et de stages », explique Julien Sauvage.

L’année dernière, l’entreprise ENEDIS Ardennes a procédé à quatre recrutements au sein même de l’équipe bénévole en électricité sur le festival. « Nous voulons aller plus loin dans ce concept : et cette année, nous proposons à d’autres entreprises de participer à des campagnes de recrutements, pour des emplois ou des apprentissages, auprès de nos bénévoles. Avec BlaBla Job, un Job Date prévu le 23 août de 10h à 15h, pour nos bénévoles, nous espérons créer une passerelle entre leur investissement auprès de nous et leur retour à l’emploi ».

« Indépendant et durable », certes, mais le Cabaret Vert pourrait aussi, pourquoi pas, être véritablement qualifié de responsable, concerné, solidaire et visionnaire.

DES MÉCÈNES QUI VEULENT CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
En soutenant le festival, les entrepreneurs témoignent de leur attachement pour les Ardennes et souhaitent également faire profiter leurs salariés d’un évènement culturel majeur.
Dirigeant d’ARTI, spécialiste des travaux industriels (maintenance, chaudronnerie, fabrication de machines spéciales…), Cédric Blaimont accompagne le Cabaret Vert depuis quatre ans. D’abord financier, ce mécénat est aussi devenu technique en 2019 : « En présentant mon activité à la direction du festival, je lui ai proposé de mettre à disposition notre capacité de production de pièces métalliques ». Un savoir-faire qui amène la société ardennaise (70 salariés) à fournir des supports pour 120 poubelles et leurs étiquettes. « Le festival est une vitrine des Ardennes, cela contribue à l’attractivité du territoire. Les entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement, donc il est normal de soutenir ce genre de manifestations qui améliorent l’image du département ». Celui qui soutient aussi les Flammes de Charleville (basket féminin) et le club cycliste de Boulzicourt en profite pour offrir également des billets à ses salariés pour la journée du dimanche 25 août (qui propose une programmation plus familiale et grand public).

Philippe Demoor

MÉCÈNE ET BÉNÉVOLE À LA FOIS
Elodie Duval, directrice du Carrefour Contact de Renwez (à proximité de Charleville-Mézières) explique s’impliquer dans le festival professionnellement « pour faire profiter ses salariés de l’événement » et personnellement « pour travailler différemment avec des bénévoles et sortir du quotidien ». Celle qui manage 35 salariés a découvert le festival avant de s’y investir fortement : « Lorsque j’ai contacté les organisateurs, ils m’ont d’abord invitée à venir d’abord découvrir l’événement. Ils m’ont rappelé lors de l’édition suivante pour rejoindre Rémy Talarico, en charge des partenariats ». Concrètement, sa mission est vaste puisque, au-delà d’un don de 7 000 €, Elodie Duval consacre trois semaines de son temps au festival ardennais : « Il faut préparer les décors (montage, peinture…), organiser les espaces pour les partenaires et les évènements comme les apéros pour eux et les bénévoles… ». Son engagement est aussi enthousiasmant pour ses salariés puisque des employés de son magasin viennent aussi « donner un coup de main bénévolement ».

(Photo : H. Dapremont)

Cédric Blaimont (ARTI, à droite), s’est occupé de la découpe laser, du pliage, de l’assemblage et de la soudure. (Droits réservés)