Passée par des études de design, la jeune rémoise s’est lancée à son compte pour créer Uchronie et continuer à faire vivre le savoir-faire de la marqueterie, une forme d’ébénisterie en voie de disparition.
Le destin tient parfois à si peu de choses. Mélodie Maybon en a bien conscience, tant sa vocation d’ébéniste s’est construite au fil des hasards de la vie. À 28 ans, la Rémoise a patiemment construit le fil de sa jeune carrière au gré des choix, des rencontres et des accidents croisés sur son chemin. Titulaire d’un bac ES obtenu au Lycée Clémenceau, elle reste indécise quant à son avenir professionnel et dans un futur immédiat à son orientation post-bac, quand sa passion pour les jeux vidéos conjuguée à une appétence relative pour les devoirs imposés par ses professeurs vont guider ses pas.
En recherche d’un bureau fonctionnel grâce auquel elle pourrait naviguer de son écran de PC vers son espace de travail sans se lever de sa chaise, elle ne trouve pas de meuble correspondant à ses besoins dans le commerce. « Je me suis alors lancée dans la fabrication d’un bureau avec mon beau-père ébéniste. J’ai dessiné ce que je voulais et nous l’avons fabriqué ». Le passage du dessin à la conception du meuble produit alors un déclic chez la jeune lycéenne. « En voyant le résultat, j’ai immédiatement ressenti une sensation d’accomplissement incroyable et j’ai voulu la prolonger », se souvient-elle.
C’est décidé : la bachelière choisit alors de se diriger vers une école de design et rallie Troyes pour trois années d’études. Davantage motivée par l’envie de créer des objets bien concrets, et pour « taper dans le bois » elle poursuit son cursus et file dans le Jura, à Moirans-en-Montagne pour y passer un Diplôme des Métiers d’Art (DMA) en ébénisterie. Un diplôme qui situe schématiquement son titulaire à mi-chemin entre le designer et l’ingénieur, sachant établir un compromis entre le beau et le fonctionnel afin que les deux cohabitent dans un seul et même objet.
DIRECTION LA MARQUETERIE
Confrontée, comme de nombreux jeunes diplômés fraîchement sortis de l’école, à une absence d’expérience professionnelle, Mélodie rejoint néanmoins une entreprise de décoration intérieure pour y faire ses premiers pas dans la vie active. Un an plus tard, elle décide de se lancer à son compte et crée Uchronie – Maybon, une entreprise artisanale destinée à la conception-création de cadres végétaux.
Hélas, la jeune entrepreneuse n’aura pas le temps de mettre à exécution ses premiers projets, en raison d’un accident de roller survenu le lendemain-même de la création de son activité. « Suite à cet accident, je ne pouvais plus me servir de certaines machines nécessaires à la création de cadres, comme la scie circulaire ou la raboteuse, qui nécessitent de bons appuis sur les jambes », précise-t- elle. Elle se souvient alors qu’elle a appris, au cours de ses études, à réaliser des boîtes à l’aide d’une scie radiale, qui nécessite davantage l’utilisation des bras et se lance donc plus précisément dans la marqueterie.
« Je me suis spécialisée dans la fabrication de boîtes », revendique- t-elle. « Boîtes à trucs » ou « boîtes à mystères », Mélodie Maybon réalise toutes sortes de contenants avec une particularité : le plaquage et le mélange des matériaux tels que le bois, le cuir, le similicuir de maroquinier ou le papier. « Je n’ai jamais trouvé de produits équivalents chez d’autres artisans », précise celle qui reste malgré tout ébéniste et capable de fabriquer du mobilier sur commande. Si elle vend aussi ses boîtes dans des boutiques telles que « Création des Remparts » à Sedan, l’ébéniste accueille volontiers ses futurs clients sur rendez-vous dans son atelier de Nogent l’Abesse et remarque que le bouche-à-oreille fonctionne très bien également.
FAIRE VENIR LE PASSÉ DANS LE PRÉSENT
« Ce qui me plait aussi c’est la notion de recyclage, qui consiste à transformer un meuble pour lui donner une autre destination ». Une philosophie qui a inspiré le nom de sa société, Uchronie : « La marqueterie est un métier qui se perd et je refuse de laisser ce domaine s’éteindre ! Uchronie c’est ça : c’est un concept de futur alternatif. Au départ, c’est un courant littéraire de science-fiction. Je m’appelle ainsi parce qu’on peut réfléchir à ce qui se serait passé si les grosses industries n’avaient pas mangé l’artisanat, si le mode de consommation était resté sur la petite échelle, sur le local, si on avait développé les Métiers d’artisanat d’art plutôt que de les faire petit à petit disparaître… Chacun a un peu de nostalgie en soi. L’uchronie ne laisse pas le passé où il est, il le fait venir dans le présent ! ».
Et le présent de Mélodie Maybon, c’est justement sa participation à de nombreux salons et marchés pour se faire connaître. Elle sera d’ailleurs présente le dimanche 28 avril 2019 au Marché des artisans d’art qui se déroulera aux Halles du Boulingrin de Reims, organisé par la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Marne. Une bonne occasion pour elle comme pour les quelque 40 exposants du Grand Est, de faire connaître son métier et découvrir son savoir-faire.