Cette quadra sportive et volontaire a pris la direction générale de la Maison de l’Initiative, une coopérative d’activités et d’emploi forte de 141 salariés qui a dégagé l’an dernier 4 M€ de chiffre d’affaires.
À 42 ans, Olivia Jérémie, qui a pris l’été dernier pour un mandat de quatre ans la direction générale de la Maison de l’Initiative à Toulouse, une coopérative d’activités et d’emploi qui compte aujourd’hui 141 entrepreneurs salariés, 87 associés et a réalisé 4 M€ de chiffre d’affaires l’an dernier, s’excuse presque d’avoir « un parcours atypique ». Celle qui a grandi dans les Yvelines, fille d’une assistante de direction dans l’Armée de terre et d’un père guadeloupéen, électricien de formation, a en effet un CV long comme le bras tant son parcours est riche d’expériences. Sapeur-pompier volontaire, responsable d’animation auprès d’apprentis dans une maison familiale rurale, éducatrice dans un hôpital pour enfants, chargée de développement dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale accueillant des femmes victimes de violences conjugales… À bien y regarder, les premiers postes qu’a occupés Olivia Jérémie ont bien des points communs : « la volonté d’être utile, d’aider les autres », le besoin « d’avoir un impact à la fois dans la société et sur la vie des personnes », assume-t-elle. Sa manière à elle d’œuvrer pour le bien commun.
Sur le CV, manque une ligne : un bac pro en comptabilité secrétariat, « une formation non choisie, non désirée ». À l’époque, l’élève de troisième manque de confiance en elle, et malgré des résultats corrects, « les professeurs se sont dit que j’aurais plus ma place en milieu professionnel qu’en filière générale. J’ai écouté sagement, tout en me disant déjà que ce ne serait pas mon métier ». Cette sportive de bon niveau (elle a longuement joué au handball en Nationale 2), se voit bien travailler dans le milieu socioculturel. Animatrice en centre de vacances et centre de loisirs, elle a une vie associative riche et veut donner à sa carrière professionnelle « une dimension sociale et sociétale », « apporter quelque chose ». Une volonté qui la conduit à 18 ans à pousser la porte d’une caserne de pompiers. Pendant plus de quatre ans, en parallèle de son DUT en animation sociale et culturelle puis de son premier job, elle enchaînera le sport, les gardes, les astreintes et les poussées d’adrénaline. « On intervient dans des contextes difficiles, des situations d’urgence où l’on peut apporter instantanément un mieux-être, incarner quelque chose de rassurant pour les personnes en détresse ». Une expérience marquante : « on ne fait pas tous face de la même manière. Ce qui me perturbait le plus, ce n’était pas la vue du sang, mais la souffrance, les cris, la douleur. Parce que, là, en tant que pompier on est beaucoup plus impuissant. Toutes les situations qui impliquaient des enfants étaient pour moi d’une violence absolue. C’était très compliqué ».
Son diplôme en poche, elle intègre une maison familiale rurale et travaille comme formatrice et responsable d’internat auprès d’apprentis, « dont certains étaient plus âgés que moi ! ». Après ces « années intenses », elle rejoint un hôpital pédiatrique pour devenir éducatrice auprès d’enfants et d’adolescents malades en moyen et long séjour. À l’écoute de leurs besoins, elle essaie de faire en sorte que leur vie dans le centre de rééducation soit la plus agréable possible. Là, elle « se confronte encore à d’autres choses, explique-t-elle, au regard des personnes sur la maladie, le handicap ». « Tant qu’on n’a pas expérimenté le regard de l’autre sur ces enfants, on ne se rend pas nécessairement compte de la violence à leur égard ». Fin 2002, Olivia Jérémie s’envole vers le sud pour atterrir à Moissac où elle rejoint un centre d’hébergement et de réinsertion sociale pour femmes victimes de violences conjugales. Un court passage qui lui permet de faire le même constat. « On fait face à des situations très violentes, des femmes qui arrivent en urgence pour se réfugier. Quand elles font ce pas, elles quittent tout, tout ce qu’elles ont pu construire, pour se sauver. Elles repartent complètement à zéro, démolies psychologiquement, en perte de confiance totale en elles-mêmes et en les autres », quand ne s’ajoute pas « la détresse des enfants qu’il faut aussi gérer ». « Ce sont des choses dont on entend parler, mais il n’y a qu’une fois qu’on y est confronté qu’on se rend compte de la violence de ces situations ».
Pourtant, elle l’affirme : « je suis contente de toutes ces expériences ». Et s’il lui a toujours été impossible de cloisonner sa vie professionnelle, si elle ne peut pas « oublier », elle utilise pour y faire face des exutoires : le sport, la musique, « et puis surtout je me dis que professionnellement je vais avoir une action, je vais pouvoir être utile à un moment donné et agir. Et ça, ça aide ». Depuis, Olivia Jérémie a enchaîné les postes au sein de l’association Garonne Animation puis de la Fondation des apprentis d’Auteuil, et suivi plusieurs formations diplômantes jusqu’à un mastère en management et gestion des entreprises obtenu il y a deux ans à TBS – une manière de « se légitimer » – qui lui a permis « de prendre beaucoup de recul par rapport à mon parcours » et « ouvert des horizons » comme de viser la direction générale de la Maison de l’Initiative – qu’elle assume depuis juillet 2018 ; une structure, déployée à Toulouse, à Ramonville et en Ariège, qui emploie pour son fonctionnement une quinzaine de collaborateurs et qui aide, via des formations et un accompagnement, les porteurs de projet à tester leur activité tout en bénéficiant de la sécurité du statut de salariés. Un poste qui exige d’elle d’être perpétuellement en veille. « L’entreprise relève de l’économie sociale et solidaire mais évolue dans un milieu de plus en plus concurrentiel. Elle doit à la fois se positionner vis-à-vis de ses concurrents et faire face aux évolutions du marché. » Ainsi pour anticiper la baisse des financements publics grâce auxquels fonctionne en partie la Maison de l’Initiative, celle-ci ambitionne « d’augmenter la part des financements privés grâce à notre capacité interne à commercialiser nos compétences et nos expertises » et mène en parallèle plusieurs projets de développement, autour de la création de filières métier dans le domaine de la formation, du sport, du tourisme durable ou encore de la culture. « Les challenges sont donc multiples ! », assure-t-elle, ravie.