Le bail commercial à l’épreuve de la Covid 19

L’Etat au secours des locataires de baux commerciaux touches par la crise sanitaire : les dispositifs mis en place au titre des abandons et renonciations de loyers.

Comment payer son loyer en cas de fermeture administrative de son local avec pour conséquence un chiffre d’affaire quasi nul ? Le loyer commercial est-il toujours dû ou les circonstances justifient-elles une annulation des loyers dus pendant la période de fermeture administrative ? 

Face aux difficultés de paiement des loyers commerciaux rencontrées par les entreprises obligées de fermer pendant l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement n’a pas choisi de suspendre ni d’annuler le paiement des loyers. 

En effet, lors du premier confinement, l’ordonnance n°2020-316 (article 4) indique qu’aucune mesure coercitive de sanction ne sera appliquée en raison d’un défaut de paiement de loyers. La fermeture administrative ne suspend pas l’exigibilité des loyers mais interdit seulement, pendant sa durée, toute voie d’exécution forcée. 

Les pouvoirs publics ont donc plutôt fait le choix de soutenir les commerçants en mettant à leur disposition un nombre important d’aides et en rappelant que « les contrats doivent être exécutés de bonne foi » (article 1104 du code civil). C’est dans cet esprit que les bailleurs et locataires ont été incités à négocier, de bonne foi, pour trouver ensemble des solutions en période de crise sanitaire. Le gouvernement a donc incité les bailleurs à procéder à une renonciation ou à un abandon de loyers en en mettant en place des dispositifs fiscaux adaptés. 

La loi de finances pour 2021 publiée au Journal officiel du 30 décembre 2020 prévoit par conséquent la création d’un crédit d’impôt au titre des abandons ou renonciations de loyers consentis par des bailleurs aux entreprises touchées par les conséquences économiques de la crise sanitaire (I) et la prorogation du dispositif de déductibilité des abandons ou renonciations de loyers (II). 

I – L’INSTAURATION D’UN CRÉDIT D’IMPÔT POUR ABANDON DE LOYERS 

Les bailleurs peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des abandons ou renonciations définitifs des loyers hors taxes et hors accessoires échus au titre du mois de novembre 2020 lorsqu’ils sont consentis au plus tard le 31 décembre 2021. Les bailleurs concernés peuvent être tant des personnes physiques que des personnes morales. 

A) Les entreprises locataires concernées doivent remplir plusieurs critères : 

1° Tout d’abord, ces entreprises doivent louer des locaux qui font l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours du mois de novembre 2020 ou exercer leur activité principale dans un secteur particulièrement touché par les conséquences économiques de la crise sanitaire (restauration, hôtellerie notamment). 

2° Lorsque le bailleur est une personne physique, il doit être fiscalement domicilié en France et le loyer doit être afférent à des locaux situés en France. 

3° Elles doivent avoir un effectif de moins de 5 000 salariés. 

4° Elles ne doivent pas être en difficulté au 31 décembre 2019. 

5° Elles ne doivent pas être en liquidation judiciaire au 1er mars 2020. 

B) Le montant du crédit d’impôt 

Le crédit d’impôt est égal à 50 % de la somme totale des abandons ou renonciations de loyers consentis aux entreprises de moins de 250 salariés. 

Lorsque l’entreprise locataire a un effectif compris entre 250 salariés et 5000 salariés, le crédit d’impôt est égale à 33,33% du montant de l’abandon ou de la renonciation consenti par le bailleur du local au titre d’un mois est retenu dans la limite des deux tiers du montant du loyer prévu au bail échu ou à échoir au titre du mois concerné. 

C) L’imputation du crédit d’impôt 

1°) Concernant l’impôt sur le revenu 

Pour le calcul de l’impôt sur le revenu dû par le contribuable, le crédit d’impôt s’applique au titre de l’année civile au cours de laquelle les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis, y compris en cas de clôture d’exercice en cours d’année civile. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cette année, l’excédent est restitué. 

2°) Concernant l’impôt sur les sociétés 

Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cet exercice, l’excédent est également restitué. 

Pour bénéficier du crédit d’impôt, les bailleurs déposent une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration dans les mêmes délais que la déclaration annuelle de revenu. 

II- LA PROROGATION DU DISPOSITIF DE DÉDUCTIBILITÉ DES ABANDONS DE LOYERS 

En vue d’inciter les bailleurs à procéder à des abandons de loyers au profit d’une entreprise locataire dans la cadre de la crise sanitaire, la loi de finances rectificative pour 2020 a créé un dispositif permettant la déductibilité des abandons ou renonciation de loyers. Ces abandons ne constituent alors pas un revenu imposable. Ce dispositif est prorogé par la loi de finances pour 2021. 

Trois conditions sont à respecter : 

1) L’abandon de loyer ou la renonciation doit être consenti au profit de l’entreprise locataire entre le 15 avril 2020 et le 30 juin 2021. 

2) Aucun lien de dépendance ne doit exister entre le bailleur et l’entreprise locataire. 

3) Si l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, le bailleur devra pouvoir justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l’entreprise. 

Ces deux mesures d’accompagnement que sont le crédit d’impôt et la déductibilité des abandons de loyers seront-elles suffisantes ? Une décision récente rendue le 20 janvier dernier par le tribunal judiciaire de Paris annonce peut être une nouvelle orientation ; effet, le juge a considéré que l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués, en raison d’une décision des pouvoirs publics survenue en cours de bail, libérerait le locataire de son obligation de payer le loyer durant cette période.

Par Vincent GICQUEL notaire Office DEJOIE FAY GICQUEL LE MASSON à VERTOU