Delphine Gallin, avocate au barreau de Marseille, a pris la présidence de l’ACE, Avocats Conseil d’Entreprise, il y a tout juste un an. Première femme élue a la tête de cette association, elle fait notamment de l’interprofessionnalité une priorité. Entretien en amont du 27e congrès national les 17 et 18 octobre, à Lyon.
Qu’attendez-vous tout d’abord de ce congrès de Lyon, votre premier comme présidente ?
Un congrès est toujours le temps fort d’un syndicat et je me sens toujours chez moi dans un congrès ACE, presque comme dans une famille. Comme présidente, je suis très fière aussi de la mobilisation des équipes, de l’investissement bénévole des membres dans la préparation et la réussite de cet événement. Le congrès est également pour moi un moment d’ouverture vers l’extérieur avec l’accueil de nombreux confrères, de décideurs… C’est un vrai partage et j’y suis très attachée.
Quel est votre positionnement aujourd’hui par rapport au reste de la profession ? Et, plus large- ment, quels sont vos rapports avec les professionnels du droit et du chiffre ?
L’avocat conseil d’entreprise trouve ses fondamentaux dans le milieu de l’entreprise. Il porte dans son ADN l’entrepreunariat. Mais notre action s’étend aussi au justiciable au sens large. Pour rappel, la fusion des avocats et des conseils juridiques en 1992 a mis fin à la séparation du juridique et du judiciaire. À l’ACE, nous sommes ouverts à toutes les pratiques et branches du droit. Nous avons toujours été un fervent promoteur de l’interprofessionnalité et de la grande profession du droit. Nous avons d’ailleurs un partenariat avec l’IFEC (Institut français des experts comptables) et des liens très forts avec l’AFJE (Association française des juristes d’entreprise). C’est assez naturel pour nous, ce sont des professionnels avec qui nous travaillons au quotidien. J’ai pour ma part beaucoup oeuvré à la réforme des professions réglementées et l’interprofessionnalité lorsque j’étais membre du Conseil national des barreaux et présidente de la commission Statut professionnel de l’avocat. L’avocat conseil n’est pas un avocat à part. Nous n’avons pas une vision contraire aux intérêts collectifs. Nous sommes au service de l’ensemble de nos confrères.
Un mot sur l’association que vous présidez. Qu’est ce qui la caractérise ? Quelles sont vos priorités ?
Créée en 1992, l’association des Avocats Conseil d’Entreprise représente l’ensemble du barreau d’affaires français, réunissant les cabinets de conseils d’entreprises de toutes dimensions, français et internationaux. Elle regroupe entre 1 800 et 2 000 membres et compte 24 commissions de travail. Notre syndicat souhaite s’adresser à tous nos confrères, les convaincre que l’on peut s’inspirer de la pratique de l’entreprise pour porter la croissance d’un cabinet. Nous entendons promouvoir l’avocat d’abord quelle que soit sa pratique. Certaines de nos commissions par exemple sont transversales. C’est un processus long mais la fréquentation de nos congrès ou de nos commissions montre que nous sommes dans le vrai. Nous nous sommes toujours également beaucoup investis dans la formation (ouverte à tous nos confrères). Nous sommes en train de développer une plateforme pour permettre à nos membres de se for- mer à distance. J’ai bon espoir qu’elle soit opérationnelle d’ici à fin 2019.
Nous voulons également étendre nos représentations, nous rapprocher des TGI (tribunaux de grande instance), de taille moyenne et de plus petite taille. Quant à la digitalisation, c’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup réfléchi et tout le monde en a aujourd’hui bien compris la nécessité. Nous avons une com- mission dédiée aux technologies avancées depuis dix ans. Nous avons toujours plaidé pour l’utilisation de l’intelligence artificielle au bénéfice de la croissance. C’est un thème qui sera également largement évoqué lors du congrès où sera invité le réseau des incubateurs.
Êtes-vous favorable à la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise comme le préconise le rapport du député Gauvain remis début juillet au Premier ministre ?
Le sujet est complexe et protéiforme et il est difficile d’être totalement pour ou totalement contre lorsqu’on prend la peine d’étudier sérieusement la question. Aujourd’hui, il y a une forte mobilité chez les jeunes avocats qui exercent d’abord comme avocat puis quittent le barreau pour rejoindre l’entreprise. Or ce sont les avocats qui financent les écoles et la formation. Nous souhaiterions déjà qu’ils puissent rester inscrits au barreau même en étant salarié, et ce avec un statut spécifique. L’autre point à prendre en compte, c’est l’ouverture au monde et les enjeux stratégiques qui en découlent. En France, on ne peut cumuler le statut de juriste et d’avocat, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays. C’est une des rares grandes puissances économiques qui n’accorde pas de protection aux avis juridiques. C’est une vraie fracture de compétitivité. La création d’un statut d’avocat salarié permettrait d’assurer cette protection.
Propos recueillis par Hélène Vermare, pour RésoHebdoÉco