Après une première expérience au Royaume-Uni, mêlant la pratique de l’architecture et son enseignement au sein de la prestigieuse université d’Oxford, le baroudeur originaire d’Aix-en-Provence est venu s’installer à Nuits-Saint-Georges où, avec Marine Jacques-Leflaive, il a créé son agence, l’Atelier zéro carbone architectes (AZCA).
Il paraît que ce sont toujours les cordonniers les plus mal chaussés… C’est au cœur de la côte viticole, à Nuits-Saint-Georges, que nous avons rencontré Emmanuel Dupont. Dans une galerie d’art fraîchement ouverte sur un terrain qui attend toujours la maison qu’il devrait partager avec Marine Jacques-Leflaive, le jeune architecte s’est confié sur son histoire et ses projets.
Originaire d’Aix-en-Provence, celui qui est né à Strasbourg s’est installé en Bourgogne en 2009. Sa formation et son expérience, c’est à l’international qu’il les a réalisées. Dès le lycée, Emmanuel Dupont met le cap vers les îles britanniques et obtient son baccalauréat international à Dublin, en Irlande. « C’est là que j’ai rencontré une personne totalement passionnée d’architecture et qui m’a transmis sa passion. Et une fois que nous sommes touchés par cela et qu’on tombe dedans, on n’en sort plus et c’est un pur bonheur », confie Emmanuel Dupont. De retour en France, il intègre l’École spéciale d’architecture, à Paris, et réalise ses études avec celle qui deviendra par la suite sa femme et son associée, Marine Jacques-Leflaive. Durant ces cinq années de formation, il part même une année à l’université d’architecture de Hong-Kong et collabore, à son retour avec Thales Airborn System, à Brest, et Franck Salama Architectes, à Paris. « Avec Marine, nous sommes partis, juste après nos études, au Royaume-Uni pour nous faire de nouvelles expériences », explique-t-il. Arrivés à Londres, Marine intègre le cabinet ZED factory, spécialisé dans le domaine de la conception et du développement zéro carbone, et Emmanuel collabore pendant deux ans avec le cabinet japonais Toh Shimazaki Architecture, avant d’enseigner pendant cinq années l’architecture à Oxford Brooks University. « Ça a été une très belle et très enrichissante expérience. Londres est une ville magnifique où il se passe plein de choses », se souvient-il. Et il y a eu la crise de 2008… L’activité en architecture a totalement périclitée, l’occasion, pour le jeune couple de se remettre en question et de penser leur avenir. « Finalement, nous étions dans une grande métropole et nous nous sommes rendus compte que le microcosme de l’architecture dans une grande ville avait ce petit quelque chose de particulier. Nous travaillions principale- ment sur de l’urbanisme et c’était une activité à laquelle nous n’avions pas forcément envie de nous confronter. Il y a beaucoup de monde en ville et beaucoup de concurrence, c’est compliqué d’y faire son trou. » En parallèle, Marine et Emmanuel avaient un projet de maison autonome à Puligny-Montrachet et ont donc choisi de revenir en Bourgogne. « Nous avons commencé à travailler sur ce petit projet sans aucune ambition de créer une agence derrière. »
LA DYNAMIE : DE LA VIGNE À L’ARCHITECTURE
Les convictions environnementales du couple ayant toute leur place dans ce projet, ils ont décidé de s’associer pour créer leur propre agence, l’Atelier zéro carbone architectes (AZCA), à Nuits-Saint-Georges. « L’architecture éco-dynamique est partie d’une sensibilité personnelle et finalement d’une forme d’héritage familial. Puisque c’est la mère de Marine, Anne-Claude Leflaive, qui a instauré la bio-dynamie au sein de son domaine et a participé à la pérenniser en Bourgogne, confie Emmanuel Dupont. Nous avons finalement voulu appliquer ce qu’ils faisaient dans les vignes, dans nos bâtiments. Il se trouve qu’aujourd’hui les gens avec qui nous travaillons ont cette philosophie dans la vigne que nous essayons de retranscrire dans nos projets en bâtissant en paille, en terre, en bois,… » Depuis maintenant dix années, AZCA développe de nombreux projets entre Tournus et Chablis, avec l’appui de sept architectes et trois collaborateurs travaillant davantage sur la partie administrative. « Lorsque nous sommes arrivés d’Angleterre, nous ne connaissions rien de la façon de construire en France. Nous avons donc fait à peu près ce que nous voulions, en toute liberté. Quand on a fait la Cave de l’œuf, pour le Domaine Leflaive, à Puligny-Montrachet, Anne-Claude Leflaive n’arrêtait pas de répéter que nous le faisions parce que nous ne savions pas que c’était impossible… Nous avons challenger toutes les normes de la construction sans le savoir », illustre-t-il. Aujourd’hui et après 15 ans
d’expérience dont dix en Côte-d’Or, Emmanuel Dupont souhaite transmettre sa passion et sa philosophie en enseignant ce qu’il n’a pas appris à l’école et en intervenant dans certaines écoles d’architecture comme celle de Nancy. « Les mondes constructifs changent tout le temps… Même si nous reprenons des savoir-faire d’avant, nous essayons de les mêler à des savoirs scientifiques. Nous apprenons tous les jours », ajoute-t-il. Après avoir réussi à développer une architecture en repartant sur des matériaux naturels, le prochain objectif pour AZCA est le traitement du patrimoine. « En Côte-d’Or, nous avons de très belles pierres, mais aussi des villages quasiment abandonnés et des choses qui sont en train de tomber en ruine. Nous sommes convaincus qu’avant de construire du neuf, il serait plus judicieux de réhabiliter l’existant. Il faut s’occuper de notre patrimoine et c’est notre fer de lance pour les dix prochaines années », développe Emmanuel Dupont. Pour lui qui a fait le choix d’aller exercer en dehors des grandes villes, « c’est dans la ruralité que sont les potentiels du futur. Si je n’avais d’ailleurs qu’un conseil à donner aux futurs architectes, ce serait : “allez vous installer en campagne” ! ».
L’ART : ENTRE PASSION ET ENGAGEMENTS
Ces dernières années, Emmanuel Dupont s’investit aussi dans la culture. Après avoir mis sur pieds le festival Volcan de Nuits en 2018, il a inauguré le 10 septembre dernier un nouvel espace dédié à l’art contemporain, la Galerie Volcano. « Nuits-Saint-Georges et la côte viticole sont des lieux magiques. Je n’arrête pas de découvrir des choses, que ce soit dans le domaine de la construction, du patrimoine, du vin, de la culture, c’est un endroit où l’histoire s’est très souvent jouée. Il faut en faire partie et être acteur », confie-t-il. Dans cette maison qu’ils ont rachetée à leur voisin et entièrement réhabilitée en quatre mois, le couple a aujourd’hui de nombreux projets : « en plus de la galerie, nous souhaiterions en faire un petit café et pourquoi pas proposer des thermes pour les hivers un peu brouillard. Nous voudrions prendre soin du corps autant qu’on espère prendre soin de l’esprit ». Plus qu’un plaisir et une passion, « c’est un projet social qui devient aussi une forme d’engagement. Nous souhaiterions vraiment offrir de la culture de qualité à travers l’art contemporain aux nuitons et aux touristes de passage ».
