L’apprentissage dans l’artisanat se redynamise

Les artisans font régulièrement des démonstrations grâce aux CMA afin de présenter leur métier et susciter des vocations. (Photo : Benjamin Busson)

L’apprentissage dans l’artisanat dans le Grand Est retrouve une bonne dynamique depuis la mise en place de l’augmentation de l’âge pour devenir alternant. Pourtant, cette nouvelle disposition n’est pas sans soulever un certain nombre de problématiques.

L’édition 2019 du baromètre ISM-MAAF de l’artisanat évalue, pour la quatrième année consécutive, l’implication des entreprises artisanales dans la formation des apprentis et la transmission des savoir-faire. Dans la région Grand Est, elle met en exergue une nette hausse des entrées en apprentissage de + 3 % atteignant 30% pour les jeunes de plus de 25 ans. Cette évolution s’explique par le vote de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », adoptée le 1er août 2018, qui réforme la formation professionnelle. Cette nouvelle loi allonge l’âge possible d’entrée dans l’apprentissage à 30 ans et oblige les plus de 26 ans à être rémunérés au minimum au niveau du Smic. Une aubaine pour de nombreux jeunes souhaitant se réorienter.

UNE ENTRÉE PLUS TARDIVE DANS L’APPRENTISSAGE

« On peut saluer cet effort fait par le gouvernement qui permet de trouver une autre catégorie d’apprentis, parfois avec une vie professionnelle déjà derrière eux et donc une aptitude au monde du travail déjà développée », souligne Eric Plestan, président de la chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA) de l’Aube. « Ce qu’on constate, c’est que les jeunes, avec un bac +2 se rendent compte qu’ils ne peuvent pas trouver d’emploi car ils n’ont pas une formation assez diplômante. Ces derniers s’orientent alors vers l’apprentissage, afin de réapprendre un métier avec un débouché sur et rapide, qui leur permettra deux ou trois ans plus tard, d’ouvrir leur propre entre- prise », précise celui qui a fait sa carrière comme artisan peintre et poseur de revêtement dans le bâtiment.

« Dans la région Grand Est, elle met en exergue une nette hausse des entrées en apprentissage à (+ 3 %) atteignant 30% pour les jeunes de plus de 25 ans », indique le baromètre. 200 jeunes de plus de 25 ans ont ainsi démarré leur apprentissage sur l’année 2017-2018. La reprise est en revanche très disparate selon les départements mais aussi les secteurs. L’Aube et les Ardennes affichent une belle dynamique avec +23% et +18% du taux d’apprentis ayant démarré un diplôme en 2017- 2018.

« Dans l’Aube, nous mettons en place un certain nombre d’événements et d’initiatives pour présenter nos métiers, qui souffrent encore pour certains, d’une mauvaise image », relate Eric Plestan. Pour cela, la CMA de l’Aube est très présente dans les collèges et lycées.

« Nous mettons en place chaque année l’opération “Bravo les artisans”, à l’espace Argence de Troyes où nous présentons plus de 250 métiers. À l’occasion de cette opération, des stages d’une trentaine d’heures sont proposés afin de mettre un premier pied dans l’entreprise. » Et ça marche, car les jeunes qui font ces stages montrent ensuite à leurs camarades ce qu’ils ont appris. La manifestation suscite des vocations car chaque année, des élèves poursuivent dans la voie où ils ont effectué ces stages.

CASSER L’IMAGE DE L’APPRENTISSAGE

« Il est très important d’intervenir auprès des établissements scolaires mais aussi des familles », insiste pour sa part, le vice-président de la CMA 51 Thierry Gilbin. « Il y a encore et toujours cette image d’Epinal, qui fait penser que l’apprentissage c’est pour ceux qui ne sont pas bons en classe, alors que ces formations en entreprise amènent aujourd’hui à une véritable professionnalisation. C’est le cas dans le bâtiment notamment où on forme jusqu’au niveau ingénieur. » Pourtant, malgré ce regain d’intérêt et la place de l’artisanat comme premier employeur d’apprentis en France, beaucoup de secteurs n’arrivent pas à recruter. En premier lieu, le bâtiment, même si le BTP est largement choisi par les apprentis qui sont 36% à être formés dans ces métiers. « Pour travailler dans le bâtiment, aujourd’hui, il faut avoir de vraies connaissances, il faut savoir lire un plan complexe, faire des mesures, travailler les surfaces en terme d’isolation… tout cela demande une formation adéquate », insiste Eric Plestan. La pénibilité de ces métiers aussi entre en compte, même si selon le président de la CMA 10, « elle n’est plus la même qu’il y a 20 ans. » Si les plus de 25 ans ont moins de difficulté avec ce concept de pénibilité et l’apprentissage en général, la difficulté d’embaucher réside dans les « primo apprenants. » Il faut dire qu’un jeune de 16 ans est payé environ 400 euros la première année, ce qui pour certains n’est pas assez, alors que dans le même temps, un jeune de plus de 25 ans, avec la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » doit être payé au SMIC. « Pour les entreprises, cela pose plusieurs problèmes », soulève Thierry Gilbin, qui a effectué sa carrière dans la boulangerie. « Quand un employeur doit payer un salarié au SMIC alors qu’il n’est présent que la moitié du temps, c’est compliqué. Non seulement au niveau de la rentabilité de l’entre- prise mais aussi, par rapport aux autres salariés qui sont là, en CDI, payés à plein temps de la même manière. »

1 MILLION D’ENTREPRISES À REPRENDRE D’ICI 10 ANS

Pourtant, dans les dix prochaines années, l’artisanat va avoir un cruel besoin de salariés et de repreneurs. On estime à 25 % le nombre d’artisans qui vont prendre leur retraite d’ici 5 ans et à 1 million le nombre d’entreprises à reprendre en France d’ici dix ans. Dans l’Aube, la CMA s’engage tous les jours, en mettant en relation entreprises à reprendre et jeunes. « On va voir les entreprises, on fait une estimation de leurs besoins, on leur propose des apprentis… Tout cela est important pour l’économie mais aussi le tissu social, car un territoire sans entreprises c’est un territoire mort », avertit Eric Plestan.

LE FINANCEMENT DES CFA EN JEU
Alors que le Projet de loi de Finances 2020 a été présenté en Conseil des Ministres, le réseau des Chambres de Métiers (CMA) et artisanat espère la confirmation de son intégration dans la réforme des « coûts contrats » : 200 millions manquant aux budgets des 112 CFA de France. Les contrats d’apprentissage signés dans les 112 CFA des CMA ne bénéficient pas du financement au coût-contrat tel qu’appliqué au 1er janvier 2020 par la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, soit un différentiel de près de 50 % selon les formations. Une situation vécu comme injuste puisque les contrats d’apprentissage des nouveaux opérateurs privés de la formation (ex : Schneider, LVMH etc) bénéficient eux de ces subventions dès 2019. « Si LVMH fait signer un contrat pour un CAP maroquinerie, il recevra 11.454 €, alors que le même contrat dans un CFA de Lyon bénéficiera de 6 000 € », indique Bernard Stalter, président France des Chambres des Métiers et de l’Artisanat.