L’annulation de la Foire laisse des regrets aux commerçants

Tekliss, prestataire en sonorisation, image et lumière, accuse le coup de l’annulation en attendant des jours meilleurs.

Pour les quelque 750 exposants de la Foire, l’annulation de l’événement s’avère préjudiciable au niveau économique.

Pour les professionnels de l’évènementiel, l’annonce de l’annulation de la Foire a été ressenti tel « un coup de massue », confie Mendy Lebel-Gosselet, directeur de l’entreprise Tekliss, spécialisée dans la prestation de services, images, sons et lumières. « Nous sommes prestataire officiel de Foire en scène et en plus, nous avons un certain nombre de stands pour des clients privés », explique le chef d’entreprise. Pour lui, comme il nous le confiait dans nos colonnes à la sortie du confinement, (voir numéro 7866) la Foire marquait « l’espoir d’un redémarrage économique, non seulement du monde de l’entreprise mais de toute la région. C’était un vrai message positif pour le territoire ». Aujourd’hui, son sentiment est partagé entre colère et incompréhension : « Jusqu’au dernier moment, le préfet nous assuré de la tenue des événements. Tout avait été préparé : une signalétique adaptée, des bornes de prises de température… Tout cela c’était aussi des dépenses engagées. Nous avons également commencé à monter des stands car il faut savoir que la Foire se prépare un mois à l’avance ! » Ainsi, pour les clients dont la prestation de montage et démontage de stands a été effectuée, « un accord en bonne intelligence a été trouvé pour la facturation ».

Car la Foire, pour Tekliss, devait représenter 60 % du chiffre d’affaires de 2020, l’entreprise ayant été à l’arrêt dès le 15 mars avec des vagues successives d’annulation. Mendy Lebel-Gosselet a d’ailleurs appris dès juin, l’annulation des Habits de lumières de la ville d’Épernay, événement se déroulant pourtant traditionnellement au mois de décembre. Au final, avec celle du deuxième plus gros événement agricole de la rentrée, c’est 80% de son chiffre d’affaires annuel qui n’est pas assuré. « C’est un vrai coup au moral, car on se sentait repartir, confiant et regarder vers l’avenir. Là on pense évidemment à la Foire 2021, cela nous oblige à nous renouveler… mais il faut aussi se rendre compte qu’une trentaine d’emplois d’intermittents ne pourront pas être assurés », regrette Mendy Lebel-Gosselet.

L’HÔTELLERIE-RESTAURATION IMPACTÉE

Pour l’heure, l’entreprise n’a pas contracté de PGE et peut encore vivre sur ses fonds propres, mais pour combien de temps encore ? « On parle de l’annulation d’événements de plus de 5 000 personnes, mais ceux d’une centaine de personnes sont aussi supprimés. » Le prochain horizon reste celui de 2021, avec un appel lancé : « Que les entreprises n’hésitent pas à faire appel à nos services, il faut se serrer les coudes », veut-il croire, optimiste.

Le secteur de l’hôtellerie-restauration est également à nouveau mis a mal. Alors que Jérôme Feck semblait voir la lumière au bout du tunnel depuis la réouverture de son établissement l’Hôtel d’Angleterre – « nous avons fait de très bons mois de juin et juillet dans notre restaurant avec une hausse de fréquentation de plus de 40% par rapport à l’année dernière » – l’annulation de la Foire porte un coup d’arrêt à cette reprise inespérée. « Sur 15 jours, c’est un volume de 250 chambres qui part en fumée », déplore le restaurateur. Outre les chambres, c’est aussi la partie traiteur qui ne pourra pas être assurée. « Pour moi, entre les chambres, les repas, les cocktails, c’est une perte sèche de plus de 80 000 euros », livre Jérôme Feck. 80 000 euros qui viennent s’ajouter à la chute des réservations de l’hôtel sur les mois de juin et juillet, de respectivement -72% et -35%.

Si le restaurant auréolé d’une étoile au guide Michelin sauve un tant soit peu la donne, ce n’est pas suffisant pour l’établissement. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la décision réciproque de l’Angleterre et de la France d’imposer une quatorzaine pour les voyageurs a entraîné le retour au pays de la clientèle anglo-saxonne, pourtant bienvenue et présente durant les mois de juillet et août dans la région. Pour l’Hôtel d’Angleterre, qui porte si bien son nom, c’est une trentaine de réservations perdues d’un seul coup. Restent les « micros-évènements » de rentrée des Maisons de champagne, mais comme là aussi l’heure n’est pas à la fête, rien de garantit qu’ils aient lieu.

« 100 000 d’investissements sur la Foire »

Pour les professionnels qui n’exposeront pas cette année, le manque à gagner est très important. Voilà plus de dix ans que Nicolas Robinet, responsable de l’enseigne Phybris Spa, est présent sur la foire. Cette année, il devait déployer pas moins de quatre stands grâce auxquels il attendait faire « entre 20 et 25% de son chiffre d’affaires annuel ». « Comme nous opérons via un réseau de distribution sur toute la France, la Foire est l’occasion pour nous de rencontrer nos clients, de prendre le temps avec eux de connaître leurs besoins et d’avoir une sorte de retour d’expérience », confie Nicolas Robinet. C’est lors de ces rencontres que des idées de nouveaux produits sont nées, comme celui d’un filtre antibactérien. Cette proximité avec le client a un coût pour l’entreprise qui engage habituellement lors de l’événement châlonnais, 10 à 15 commerciaux supplémentaires. « Entre les stands en eux-mêmes et le stock de produits, nous investissons pour l’occasion plus de 100 000 euros », indique le directeur de Phybris Spa. La Foire devait en plus cette année être l’occasion de lancer une nouvelle gamme… Là aussi, l’annonce devra être reportée. Pour combler le manque à gagner, l’entreprise réfléchit à mettre en place des offres commerciales ciblées, sur la période durant laquelle devait se dérouler la Foire.

SAS Charlier et fils : une semaine sur site pour compenser

Pour Frédéric Charlier, l’annulation de la Foire est incontestablement « un coup dur ». Le dirigeant de la SAS Charlier et Fils à Vitry-la-Ville, spécialiste des charrues et d’outils du travail du sol depuis 140 ans. « Nous avions déjà vécu une période d’activité réduite pendant le confinement, nous n’avions pas besoin de ce coup supplémentaire », explique le dirigeant qui comptait sur l’événement châlonnais pour amortir les difficultés rencontrées au printemps. « A l’instar de mes aïeux qui ont dû surmonter les deux premières guerres mondiales, nous sommes pour l’heure dans un tsunami économique dégradatif ».

« En moyenne sur ces cinq dernières années, la Foire m’assure environ quatre mois d’activité que ce soit pour les ventes de charrues ou les rendez-vous pour les remises en état de matériel », précise le dirigeant, qui a fait ses calculs : les dix jours de Foire lui permettent de générer un chiffre d’affaires de plus de 400 000 euros, soit près de la moitié de son chiffre d’affaires annuel. « A chaque édition, nous mettons en place une opération de déstockage de matériel pendant toute la Foire, qui nous permet de réaliser entre 80 000 et 100 000 euros de chiffre d’affaires et que nous ne pourrons pas faire cette année », regrette-t-il. Autre occasion manquée en raison de l’annulation : le chef d’entreprise avait prévu cette année de présenter ses nouveautés sur son stand. « L’année dernière nous avons intégré toute une gamme d’outil du travail du sol et nous voulions insister sur cette nouveauté lors de la Foire ». Passée la déception, Frédéric Charlier a choisi de réagir rapidement pour permettre à ses clients et prospects de venir rencontrer ses équipes et découvrir ses produits et nouveautés. « Du 14 au 18 septembre, nous organisons une semaine complète d’accueil et de démonstration plein champ pour exposer nos outils qui auraient dû être présentés à la Foire avec en complément des opérations démo terrain, vente VIP, vente destockage, promo magasin, prime de reprise, etc. ». Avec une certitude : « Nous restons plus que jamais mobilisé pour pérenniser notre activité ».