Lallemand Animal Nutrition développe Numcell avec le CEA

250 personnes travaillent en Occitanie pour le groupe canadien Lallemand, dont 80 dans le secteur de la R & D.

À Blagnac, les équipes de recherche de Lallemand font aboutir un projet de R & D mené avec le CEA pour améliorer les services offerts à ses clients.

Mettre « l’intelligence artificielle au service de l’industrie de l’alimentation animale », c’est ce pari qu’ont réussi les équipes de recherche de Lallemand Animal Nutrition, basées à Blagnac, et celles du CEA de Toulouse et de Grenoble. Le groupe canadien Lallemand, spécialisé dans le développement, la fabrication et la commercialisation de levures et de bactéries, est implanté à Toulouse depuis une vingtaine d’années. Impliqué à l’origine dans la production de levures pour la boulangerie, depuis plus d’un quart de siècle, le groupe valorise ces levures à travers d’autres applications telle l’œnologique, la nutrition et la santé humaine, la protection des plantes, la cosmétologie ou encore la nutrition animale avec notamment le rachat il y a quelques années d’une unité de fabrication de bactéries près d’Aurillac, qui produit des ferments pour les fromages et des conservateurs d’ensilage. Devenue l’une des plus importantes divisions du groupe, Lallemand Nutrition Animale développe aujourd’hui des inoculants d’ensilage des probiotiques et des dérivés de levures destinés à l’alimentation des animaux d’élevage essentiellement.

NUTRITION ANIMALE

À Blagnac, siège de Lallemand France, sont regroupées des équipes de différentes divisions du groupe dont la nutrition animale, et notamment « des laboratoires de R & D, axés sur la partie process, c’est-à-dire le développement des bioprocédés pour produire nos micro-organismes, et un laboratoire d’application, explique Mathieu Castex directeur R & D de Lallemand Animal Nutrition. Ce laboratoire a différents objectifs, l’un d’eux étant de développer des méthodes d’analyse et notamment de quantification des micro-organismes dans les aliments pour animaux d’élevage. Nous avons jusque-là développé       des méthodes basées sur la microbiologie classique. Et puis, il a quelques années, nous avons décidé de développer des méthodes plus rapides, plus automatisées de quantification de ces micro-organismes. C’est comme ça que nous avons identifié le CEA et que nous avons lancé le projet de recherche. »

ORGANISMES VIVANTS

Pour comprendre l’intérêt pour Lallemand de développer de nouvelles méthodes de quantification, il faut rappeler ce que sont les probiotiques. « Ce sont de micro-organismes vivants apportés par voie orale, par l’alimentation, la boisson, etc., pour fournir un effet bénéfique sur l’animal, explique Mathieu Castex. Chaque souche probiotique est unique et chacune a des effets uniques. Notre travail consiste donc à sélectionner la meilleure souche pour une application donnée. Pour les porcelets, nous utilisons par exemple une levure probiotique pour limiter les désordres digestifs au moment du sevrage. Pour les vaches laitières, on utilise d’autres levures pour favoriser, dans le rumen, l’installation de bactéries bénéfiques pour la digestion du fourrage et des fibres alimentaires. Notre savoir-faire réside dans cette capacité à sélectionner et ensuite produire ces micro-organismes. »

Lallemand Animal Nutrition commercialise ses probiotiques et prébiotiques auprès des fabricants d’aliments pour les animaux d’élevage. « Nous vendons des micro-organismes vivants. Et, ajoute Mathieu Castex, pour que leurs effets soient optimums lorsque l’animal les ingère, il faut maintenir cette viabilité. Or ces micro-organismes sont incorporés dans des aliments pour le bétail dont les procédés de fabrication peuvent être assez stressants (traitements thermiques, pression, etc.). Ces contraintes nous ont, du reste, conduits à développer des technologies pour les protéger des procédés de fabrication des aliments. Nous avons aussi développé des services pour qualifier les procédés de nos clients, fabricants d’aliments, pour leur montrer que lorsqu’ils l’utilisent dans leurs produits, le micro-organisme reste vivant dans l’aliment. Nous avons ainsi développé des laboratoires d’analyse client qui reçoivent des milliers d’échantillons par an à travers le monde, pour s’assurer de la survie des micro-organismes dans les aliments. »

ACTIVITÉ STRATÉGIQUE

Une activité devenue stratégique pour le groupe puisque, assure Mathieu Castex, « en apportant ce service à nos clients, cela permet de nous différencier par rapport à la concurrence. Cependant cette activité a un coût parce que, jusqu’à présent du moins, cela fait appel à des techniques de microbiologie classiques, des process lourds en termes de méthodologie, et assez longs. Cela suppose des temps d’incubation, puisqu’on fait pousser les levures, pour pouvoir les quantifier, et idem pour les bactéries, etc. Nous étions donc à la recherche d’un système qui pourrait nous faire gagner du temps et nous permettrait d’améliorer le service qu’on fournit à nos clients. Nous avons fait le tour des technologies qui permettraient de parvenir à ce résultat. Nous en avons évalué plusieurs et retenu la technologie d’imagerie Lensfree, sans lentille, développée par le CEA Leti de Grenoble. Ensuite il a fallu l’adapter à notre problématique, ce qui a pris plus de trois ans. »

Ce projet de recherche mené en partenariat par le CEA et Lallemand, géré par les équipes de Mathieu Castex, a abouti à la mise en place d’une nouvelle technologie, baptisée Numcell, que le groupe implémente progressivement dans ces laboratoires d’analyse clients en Angleterre, aux États-Unis et en Océanie.

« Nous passons désormais dans une seconde phase, ajoute-t-il, un deuxième projet de recherche avec le CEA, qui a pour objectif de rendre le système un peu plus haut débit, capable d’analyser plus d’échantillons, pour pouvoir éventuellement proposer ce procédé à nos clients. C’est-à-dire leur permettre d’être autonomes dans l’analyse de ces échantillons, pour procéder chez eux à l’analyse des aliments qu’ils fabriquent. »

De fait, les besoins d’analyse d’échantillons ne cessent de croître. « Cela revêt donc pour nous un enjeu important de pouvoir disposer d’un outil plus performant qui nous permette de répondre plus rapidement à nos clients. Le temps de traitement d’un échantillon, entre sa réception et l’obtention du résultat, est de six à 12 heures avec cette nouvelle technologie, quand habituellement il faut compter quatre jours ! »

Le système d’analyse devenu désormais beaucoup moins lourd, « on peut imaginer également de créer des petits laboratoires au plus près de nos clients dans différents pays », ajoute Mathieu Castex. Sachant que la technologie issue du partenariat entre Lallemand Animal Nutrition et le CEA peut avoir d’autres applications. « Elle est tout à fait adaptée pour faire de la quantification dans nos usines de levures et de bactéries pour le suivi des bioprocédés, à savoir mesurer la concentration des levures à un instant T ou faire du suivi automatique des cultures, ou encore des applications dans le contrôle de la qualité. Nous examinons aussi ces possibilités ».

Porté par une forte dynamique de croissance, Lallemand dispose de six sites en France, soit au total 500 salariés dont 250 en Occitanie dont près de 80 dans le domaine de la R & D. En région depuis 2017, plus de 80 postes ont été créés.

Mathieu Castex, directeur R & D de Lallemand Animal Nutrition.