L’Albert Ier mise sur le slow tourisme

Emmanuel Hilaire, propriétaire exploitant des hôtels Albert Ier et d’Orsay à Toulouse.

L’établissement familial indépendant fourbit ses armes pour se démarquer et gagner en visibilité.

Contraints de cesser leur activité du fait du confinement, certains ont « profité » de la période pour… passer à l’action. C’est le cas de l’hôtel Albert Ier, rue Rivals à Toulouse, qui a mis à profit cette mise en sommeil pour plancher sur une carte touristique unique en son genre qui fait l’éloge du slow tourisme et met en avant au-delà du patrimoine culturel et gastronomique, acteurs locaux, vie de quartier et bons tuyaux, le tout agrémenté d’itinéraires à suivre à pied, en courant ou à vélo… Un projet qu’Emmanuel Hilaire avait dans ses cartons depuis plusieurs mois et que la crise a permis d’accélérer. Ex-directeur de bureau d’étude au sein de Lagrange Productions, une usine du groupe Saint-Gobain, ce dernier a quitté l’industrie il y a huit ans pour rejoindre l’entreprise familiale. L’hôtel Albert Ier est dans le patrimoine de la famille Hilaire « depuis trois générations », s’enorgueillit l’exploitant. Ses grands-parents, originaires de l’Aveyron, ont acheté l’établissement en 1956, un édifice datant, pour partie, du XVIe siècle, situé à l’emplacement des anciens ateliers du peintre Pierre Rivals, réquisitionné pendant l’Occupation, et sur lequel a régné pendant 20 ans Anne-Marie Hilaire. À partir de 1998, ses fils David, puis Étienne et enfin Emmanuel ont pris la direction de la structure. Dotée de 47 chambres, elle emploie 13 personnes en équivalent temps plein.

Trois mois, c’est le temps qu’il a donc fallu au staff de l’hôtel et ses équipes pour peaufiner ce nouvel outil de communication distribué aux clients de l’hôtel depuis sa réouverture le 2 juin, qui a aussi mobilisé professionnels de la communication et créatifs locaux comme Catherine Rivière et Céline Colombo. Si le confinement a permis de faire avancer le projet plus rapidement, Emmanuel Hilaire se défend de tout opportunisme. « Permettre à nos visiteurs de découvrir le Toulouse qu’on aime, nous avons toujours eu cet ADN. Il y a plus de 20 ans, mon frère réalisait déjà des petits guides de sa propre initiative à une époque où les offices de tourisme n’étaient pas si développés. Depuis, nous avons continué à faire évoluer le support jusqu’à, il y a deux ans, sortir une carte. Là, c’est la deuxième version. Elle porte des valeurs que la crise que nous traversons a mises en avant. On parle en effet de plus en plus de consommation responsable, de circuits courts. Ce projet nous l’avions déjà avant la crise. On a simplement mis à profit le confinement pour y travailler. »

Les circuits courts, c’est du reste un des leitmotivs de cet établissement indépendant trois étoiles qui soigne particulièrement ses petits-déjeuners – « c’est le dernier souvenir qu’emportent nos clients en partant, alors autant qu’il soit de qualité ! », explique Emmanuel Hilaire. « Le fromage vient de chez Xavier au marché Victor Hugo, le café, du torréfacteur Bacquié, la charcuterie du Cochon Régaleur, les œufs du Tarn, les confitures de chez Bioloklock, les jus du Domaine Laffitte dans le Tarn-et-Garonne, etc. On met vraiment en avant un patrimoine et la qualité », détaille-t-il. Un moyen aussi de se démarquer face à la concurrence des grandes chaînes hôtelières, dotées d’importants moyens de communication, et surtout d’accroître sa visibilité pour moins dépendre des plateformes de réservations, qui prélèvent jusqu’à 17 % de commission.

SLOW TOURISME

« C’est aussi ça le slow tourisme, poursuit Emmanuel Hilaire. On n’est pas obligé de faire des milliers de kilomètres pour être dépaysés. On s’aperçoit qu’on ne connaît pas notre environnement à 200 km. On n’est pas obligé non plus de surconsommer. Le slow tourisme, ce sont des rencontres, un partage de bonnes adresses et la possibilité de vivre des expériences… L’idée est aussi d’alerter nos clients sur cette problématique : renouer avec l’authenticité, s’imprégner d’une culture locale et en finir avec un rythme effréné. »

Créer du contact avec sa clientèle et pourquoi pas la fidéliser, c’est aussi l’enjeu de ce nouveau support de communication alors que la clientèle est très clairsemée cet été, tandis que les touristes étrangers, eux, ont quasiment déserté la Ville rose. « Actuellement, le taux d’occupation pour l’ensemble de la profession dans l’agglomération est de 50 %, précise celui qui est aussi membre du Club hôtelier toulousain. Il nous manque entre 30 et 40 % d’occupation alors même que l’offre d’hôtels est réduite de moitié. En effet les très gros établissements ne peuvent pas travailler à rythme réduit et sont donc encore fermés. » L’exploitant, dont l’équipe n’a repris qu’à 80 % et bénéficie toujours du dispositif d’activité partielle, s’inquiète comme ses confrères à la tête de petites structures « lorsqu’en septembre, ces gros établissements vont rouvrir. Nous devrions retrouver une clientèle d’affaires mais avec le développement du télétravail, il y a moins de déplacements. Nous ne savons pas comment cela va évoluer. Nous avions recruté une personne pour animer la partie séminaire et événementiel – l’hôtel met à disposition quatre salons, soit 160 m2 en tout –, mais là aussi, si l’activité ne reprend pas, cela va devenir plus compliqué. »

Autre incertitude: le programme de rénovation qu’Emmanuel Hilaire comptait lancer pour transformer en trois étoiles l’hôtel d’Orsay, acheté l’an dernier avec son frère Étienne, lui aussi devra attendre. À travers ce nouvel établissement d’une quarantaine de chambres qui emploie huit temps plein, pour le coup, les deux frères ont joué les opportunistes. « Le quartier de la gare Matabiau est en pleine évolution, avec les ramblas et la future tour Occitanie. Nous croyons également beaucoup à la redynamisation de la rue Bayard où des artisans et métiers de bouche sont revenus s’installer. Et puis le canal du Midi est un vrai atout, notamment avec le développement du tourisme à vélo », ajoute-t-il. Ses deux établissements sont d’ailleurs labellisés Accueil Vélo.