L’aéronautique décarbonée se prépare à Reims

Piloté par Bastien Leroux, ancien champion du monde de voltige aérienne, et alimenté par une essence d’aviation renouvelable à 97%, le VAN RV-8 a relié Sarrebruck (Allemagne) à Reims-Prunay sans la moindre différence par rapport à un carburant classique.

L’aérodrome de Reims-Prunay a accueilli le premier vol international d’un avion alimenté par une essence d’aviation renouvelable à 97%.

Acteur bien connu désormais de la bioéconomie régionale, le groupe Global BioEnergies développe des substituts aux dérivés pétroliers à partir de ressources renouvelables (bois et betteraves essentiellement). Et les applications sont nombreuses, des cosmétiques aux biocarburants. Une preuve de concept de l’efficacité de ses travaux sur le biocarburant aéronautique s’est matérialisée le 15 juin dernier par un vol entre Sarrebruck (Allemagne) et l’aéroport de Reims-Prunay. Une heure de vol, conclue par quelques acrobaties au-dessus de la piste rémoise, avec un avion VAN RV-8 dont les moteurs étaient alimentés par un biocarburant renouvelable à plus de 97%.

Pour y parvenir, le groupe dirigé par Marc Delcourt s’est associé à l’entreprise allemande Swift Fuel spécialisée dans les carburants d’avions respectueux de l’environnement. Son Pdg, Thomas Albuzat rappelle que son biocarburant, utilisé exclusivement sur les avions à moteurs à piston, constitue une alternative écologique au carburant 100 LL, habituellement commercialisé. « Le 100 LL est le dernier carburant autorisé à contenir du plomb », rappelle le dirigeant qui développe depuis 2011 des carburants avec pour principal objectif de proposer une alternative sans plomb au 100LL. Sa société a ainsi commercialisé, il y a 5 ans sur le marché américain, le 100 R, la première essence d’aviation sans plomb. « Le 100 R est exempt de plomb et d’autres additifs toxiques, et donc meilleur pour la santé et l’environnement. En outre, ce carburant brûle beaucoup plus proprement, ce qui réduit les coûts de maintenance pour les pilotes et les opérateurs. Il contient actuellement 10 % d’énergies renouvelables. Mais avec les composés fournis par Global BioEnergies, qui conviennent parfaitement au 100R, nous pouvons même fournir un carburant entièrement renouvelable », explique Thomas Albuzat. Ce premier vol alimenté au biocarburant renouvelable à plus de 97% constitue donc une étape historique vers la décarbonisation du secteur aéronautique, une voie que les acteurs tels que Global BioEnergies et Swift souhaitent emprunter dès à présent. Si cette alternative ne concerne que l’AVGAS (Aviation gasoline pour “essence d’aviation”) pour les moteurs à piston, ce marché représente quand même à lui seul un milliard de litres par an, rien qu’en Europe (100 millions de litres) et aux Etats-Unis (900 millions de litres).

DANS LE SILLAGE DE FARMAN

Pour Global BioEnergies comme pour Reims, cet exploit technologique est un évènement à plus d’un titre. Tout d’abord parce que c’est la première fois qu’un vol international est alimenté par un tel biocarburant. Ensuite parce qu’il vient rappeler, cent ans après le premier vol de ville à ville réalisé par Henri Farman, ce que l’aviation doit à Reims et inversement. Enfin, parce que depuis une vingtaine d’année, l’agglomération rémoise et plus particulièrement son site de Pomacle-Bazancourt s’est imposée comme une référence en matière de bioéconomie et de bioraffinerie. Soutenue tant par les acteurs privés (agriculteurs, coopératives, agro-industriels) que publics (Grand Reims, Département de la Marne, Région Grand Est), la filière de la bioéconomie n’en finit pas d’associer sa réussite à celle du territoire. D’ailleurs, la Région Grand Est vient à ce titre d’adopter un « contrat de filière » pour le développement des biocarburants sur son territoire. Signé avec 44 acteurs, ce contrat vise à faire du Grand Est le leader européen de la production de biocarburants durables, avec un enjeu : « Doubler la part de biocarburants durables dans le mix énergétique régional pour la mobilité d’ici 3 à 5 ans, notamment pour les véhicules légers, lourds, ferroviaires, fluviaux et aériens ».

Un pari qui fait son chemin, au vu des nombreux débouchés offerts par la bioéconomie locale et par les applications déployées par ses acteurs, Global BioEnergies en tête.

Des propriétés cosmétiques déjà prometteuses

Après avoir tenté l’expérience dans les biocarburants pour automobile avec Audi, Global Bioenergies a renoncé à construire une usine de production. « Nous n’avons pas réussi à la faire financer », admet Marc Delcourt, le DG du groupe. La faute à un coût de revient encore trop élevé des biocarburants mais aussi sans doute en grande partie à la priorité donnée à l’électrique par les pouvoirs publics. « Entre-temps nous avons aussi été happés par le marché des cosmétiques », ajoute le dirigeant. En effet, en travaillant sur le développement de l’isobutène (molécule produite à base du sucre extrait de la betterave et de copeaux de bois) le groupe Global BioEnergies a découvert les nombreuses propriétés offertes par son procédé, dont certaines sont utilisables dans le maquillage longue durée.

Introduit en bourse il y a dix ans maintenant, Global BioEnergies compte aujourd’hui pas moins de 10 000 actionnaires dont le premier est le groupe L’Oréal avec environ 17% des actions. « Nous détenons la clé de la naturalité dans le segment du maquillage longue durée, qui pèse 4% du marché de la cosmétique ». Excellent substitut aux silicones, l’isobutène est également une molécule intéressante en matière de soin capillaire. Global BioEnergies a donc lancé le transfert de ses unités de production de son site allemand vers Pomacle-Bazancourt où les capacités de production vont être démultipliées avec le concours d’ARD.

« Nous allons être capables très prochainement de produire deux ou trois millions d’unités de cosmétiques pour le maquillage longue durée. Ces capacités seront portées à 10 millions d’unités en 2022 et nous tablons sur 100 millions d’unités dès 2023 », explique Marc Delcourt, qui a créé une gamme de produits cosmétiques baptisée LAST. Il annonce parallèlement une capacité de production de plusieurs dizaines de tonnes de carburant d’ici 2023.

Avec LAST, Marc Delcourt et son groupe Global BioEnergies s’attaquent au marché des cosmétiques.