Didier FagesLa voix des œnologues

Didier Fages veut faire entendre la voix des œnologues et défendre leurs positions dans les débats sociétaux.

Le président du Groupe Sofralab, basé à Epernay, a été élu président de l’Union des œnologues de France en mai 2019.

«L’œnologue est aujourd’hui du process de transformation depuis la plante jusqu’à la boisson finie. Plus que jamais, il est impliqué et connaît les notions de respect de l’environne- ment, les différents types de culture et les cépages pour élaborer les vins les plus respectueux possible ».

Fraîchement élu à la tête de l’Union des œnologues de France pour trois ans, Didier Fages représente 1 300 adhérents répartis sur six régions de France.

Une association qu’il a rejoint en 1984, dès son entrée dans le monde du travail à Château-Thierry. Après des études d’œnologie à Montpellier et à l’Ihedrea de Paris, il
entre chez Westfalia en tant que Technico-commercial. Bien que travaillant dans l’Aisne, il habite Reims et commence à intégrer les réseaux de dirigeants, à commencer par le CJD (Centre des Jeunes Dirigeants). « J’ai toujours été attiré par le côté syndical au sens noble du terme, à savoir apprendre, connaître et transmettre. On apprend beaucoup des autres, et dans ce sens le CJD est une très bonne école où l’on écoute sans juger et on partage ses expériences ».

Quelques années plus tard, il rejoint la Maison Moët & Chandon où il intègre le service commercial en tant que négociateur auprès de la Grande Distribution. Une expérience enrichissante à une époque où les grandes marques n’assument pas encore complètement leur positionnement en grande surface. Et en 1993, il intègre le groupe Sofralab en tant que directeur commercial. Il y occupera ensuite le poste de directeur général pour en devenir le président en 2011.

Basé à Magenta, près d’Epernay, ce groupe familial pèse aujourd’hui 45 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte 170 salariés répartis en France et un peu partout dans le monde. Avec une activité principale, dont Sofralab est un des leaders mondiaux : la fabrication de produits œnologiques de la conception jusqu’à la fabrication du vin, comme les levures naturelles ou les bactéries. Pour cela, il peut s’appuyer sur une équipe de techniciens, une douzaine de laboratoires, mais aussi pas moins de 35 œnologues.

RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

« Nous proposons tous les produits nécessaires à l’élaboration, à la stabilisation et à la conservation du vin », explique Didier Fages. « Nous sommes dans l’œnologie raisonnée depuis très longtemps. Nous travaillons avec des professionnels qui veulent des produits respectueux de l’environnement et qui seront utilisés uniquement lorsque cela est nécessaire ». Une philosophie qui rejoint celle de l’Union des œnologues. « Aujourd’hui on ne peut évidemment pas échapper au débat sur la responsabilité sociétale et environnementale de la viticulture. Or, il est dans le rôle des œnologues de s’exprimer sur tout ce qui concerne le vin. Aujourd’hui nous sommes écoutés mais pas encore suffisamment reconnus comme des acteurs incontournables. Notre ambition c’est de le devenir ».

C’est pourquoi l’Union des œnologues de France met de plus en plus l’accent sur de nombreux thèmes tels que la formation, l’environnement ou l’innovation, entre autres. Elle travaille aussi activement au développement de l’apprentissage. « Nous nous préoccupons notamment du contenu de notre Diplôme National d’œnologie pour l’adapter en fonction des besoins de professionnels ».

Et parce que le vin est aussi un sujet de société, Didier Fages entend bien participer aux débats sociétaux afin de faire entendre la voix des œnologues et défendre leurs positions : « Sur la tendance des vins nature ou bio, nous voulons partager nos connaissances scientifiques afin qu’il n’y ait pas de déviations organoleptiques, par exemple. Mettre la science au service du nature en quelque sorte ». En matière environnementale, le réchauffement climatique et ses conséquences sur le vin seront également au cœur des discussions à venir de toute la profession.

IMPLICATIONS AUPRÈS DU TERRITOIRE

En amont comme en aval de la production de vin, l’œnologue doit maîtriser aussi bien la connaissance de la plante que celle du marché. « On parle beaucoup de réchauffement climatique et des conséquences qu’il aura sur les vins que nous allons produire. Nous devons être à la pointe de cette évolution à l’échelle planétaire, car il se produit du vin partout dans le monde. Nous devons nous préoccuper des mutations liées à ce réchauffement pour accompagner les nécessaires évolutions à mettre en place ».

De même sur la question de la consommation du vin et sur les sempiternels débats qui l’entourent, le président se veut très clair : « Le vin a une valeur historique et sociétale très ancrée dans la société française et plus généralement latine. Il ne faut pas oublier qu’il contribue largement à la balance du commerce international. Et d’un autre côté, il doit évidemment être consommé avec modération, avec toute une éducation qui doit être faite. Nous devons nous exprimer sur les tendances de consommation excessives et alerter. C’est aussi notre responsabilité et elle est forte ».

Aveyronnais d’origine, Didier Fages aurait pu reprendre l’exploitation agricole familiale située à Estaing, où il est né, entre Laguiole et Rodez. Mais il a scellé son destin dès son entrée dans les études d’œnologie qui l’emmèneront à Paris puis au cœur de cette Champagne qui l’adoptera. Il s’y engagera dès son arrivée, que ce soit au CJD puis au Club APM et au Medef, multipliant les implications auprès du territoire. Vice-président de la CCI Marne, en charge de la formation et de l’emploi, il est aujourd’hui membre du comité exécutif de Neoma Business School.

Il suivra de très près les nombreuses évolutions notamment en matière environnementale, sujet auquel il est très attaché. « La Champagne a toujours été un modèle d’organisation, qui a souvent été copié d’ailleurs, que ce soit au niveau de sa gouvernance, de sa politique de régulation de la production ou des rejets. Elle a su mettre en place des évolutions durables dans le temps. La qualité des vins de Champagne ont eux aussi été en constante progression, avec de nombreux efforts réalisés sur le SO2 ou sur la forte diminution de l’utilisation des entrants », explique le président de l’Union de œnologues, bien placé pour alerter sur la progression constante des effervescents mondiaux et de l’impact sur cette concurrence pour le champagne. « L’avenir de la champagne passera par une premiumisation et par une recherche de l’excellence face à de nombreux mousseux à bas prix. D’autant que l’exigence environnementale a un coût ».

Parcours

30 octobre 1958 Naissance à Estaing (Aveyron).
1984 Entre chez Westfalia (Château-Thierry, Aisne) en tant que technico-commercial.
1988 Adjoint aux comptes-clés chez Moët & Chandon.
1993 Directeur commercial de la Station œnotechnique du groupe Sofralab.
Mai 2019 Elu président de l'Union des œnologues de France.