Jacques RouchausséLa terre au cœur

Jacques Rouchaussé

Jacques Rouchaussé dans une des serres de production de salades

À la tête de l’exploitation familiale durant 22 ans, Jacques Rouchaussé a passé la main à son fils Gauthier en 2015. Toujours ardent défenseur du terroir et du travail de la terre, il représente les maraichers au sein du syndicat des Producteurs de légumes de France dont il est président depuis 2012.

C’est à la sortie de Mardeuil, petite commune de la vallée de la Marne, coincée entre la rivière la plus longue de France et les vignes, que se trouve la ferme de la Borde, exploitation familiale de fruits et légumes. Fondée en 1870, elle est aujourd’hui entre les mains de Gauthier, sixième génération de la famille Rouchaussé. Avant cela, son père, Jacques, a repris l’exploitation en 1993 pour la développer et la moderniser. Celui qui est aussi président des Producteurs de légumes de France parle de son métier avec passion et enthousiasme, et encore plus aujourd’hui, dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19. « On observe un retour des consommateurs vers les petits producteurs au détriment des grandes surfaces, pour des raisons sanitaires ou de pénurie de produits. Ce patriotisme alimentaire, comme je le nomme, on le voit s’accélérer depuis 2014 environ, avec une envie de retour au bon, au goût, à la qualité et au local. Les consommateurs reviennent à la saisonnalité des produits », remarque celui pour qui le rôle du maraicher est aussi de « raconter une histoire avec son produit ».

Attaché à sa terre qui a vu naitre la première exploitation de la famille en 1870, cet amoureux de la nature lui a pourtant préféré les airs, pour entamer sa première carrière professionnelle, comme électromécanicien dans l’armée. « Adolescent, sans doute à cause d’une image pas très positive du métier, j’ai décidé de passé un concours d’entrée dans l’armée de l’air, qui était un milieu qui me faisait rêver. » De la base de Saint-Dizier à l’ex BA 112, Jacques Rouchaussé restera 18 ans dans l’armée, les mains dans les moteurs, clous et vis des Mirages F1. Oiseau voyageur, il parcourra un grand nombre de pays durant ces années militaires. Mais en 1993, son père part en retraite. Le choix s’offre alors à lui de reprendre l’exploitation.

« Quand on a 16 ans, on a l’image de la pénibilité du métier mais en murissant, on y décèle l’importance vitale du métier, qui est de nourrir les gens. Après ma retraite militaire, j’ai donc redémarré une formation en passant un brevet technique agricole chef d’exploitation. »

TRANSFORMATION DU MÉTIER

La pénibilité justement, le maraicher aura à cœur de s’en extraire avec la modernisation des équipements mais aussi des techniques agricoles. « Il y a 20 ans, pour la culture des poireaux par exemple, on les récoltait à la main. C’était très fastidieux et aussi très douloureux ! Aujourd’hui, on le fait à l’aide d’une machine sur laquelle on est assis. » C’est d’ailleurs sur l’image du métier que communique Jacques Rouchaussé au sein des Producteurs des légumes de France. Son engagement, il l’a nourri très tôt, pour défendre le métier et ceux qui le composent. De cette Fédération, il en gravira tous les échelons, de la représentation locale à la présidence nationale aujourd’hui. « Il faut donner l’envie aux jeunes de se lancer dans ce métier et leur montrer qu’il a beaucoup évolué. C’est nécessaire si l’on veut arriver à être autonome au niveau de notre alimentation. » Car il faut savoir que 50 % des fruits et légumes que nous consommons sont importés de pays étrangers. « Ce contexte de crise sanitaire, doit aussi nous pousser à réfléchir sur nos modes de consommation et à approfondir le dialogue avec les consommateurs. » Ne souhaitant pas s’appesantir sur l’agribashing, le producteur préfère insister sur la « communication qu’il reste à faire auprès des gens ».

Celle-ci passe notamment par un rapport plus direct entre celui qui produit et celui qui achète. C’est en ayant à l’esprit cette démarche, que son fils Gauthier, a décidé d’orienter l’exploitation en développant une communication via les réseaux sociaux et en accentuant le rapport direct avec le client, grâce à l’instauration d’un drive fermier. « Avant la création de la page Facebook et de l’obtention d’une place sur le marché, nous vendions 90 % de notre production en grande distribution et 10 % en vente directe. Depuis, grâce aux réseaux sociaux et au drive fermier, nous faisons 30 % de notre chiffre en vente directe. » Depuis le confinement et la crise du Covid-19, le nombre de clients du drive fermier a aussi explosé. « Au début du mois de mars nous avions une trentaine de commandes par semaine. Aujourd’hui, (semaine du 13 avril, ndlr.) nous en sommes à 470 commandes en deux jours », livre Gauthier Rouchaussé.

Parmi ces commandes, une majorité de nouveaux clients, dont le producteur espère qu’ils « resteront fidèles après la crise ». Cette nouvelle organisation a ainsi nécessité l’embauche de quatre nouvelles personnes pour préparer et distribuer les paniers. « À cette période de l’année, embaucher, c’est exceptionnel. D’ordinaire, nous sommes entre les légumes d’hiver et d’été, et il n’y a que peu d’activité de récolte », souligne le jeune trentenaire. Son père a d’ailleurs récemment pris la parole à ce sujet, sous sa casquette de président des producteurs de légumes de France, enjoignant les personnes au chômage ou chômage partiel à venir récolter les produits de saisons, asperges, chou-fleur, poireaux pour avril. La grande interrogation reste la main d’œuvre pour les récoltes estivales.

Parcours

1959 Naissance le 30 décembre à Épernay, dans la Marne.
1977 Il entre comme électromécanicien dans l’armée de l’air où il restera 18 ans.
1993 Il reprend l’exploitation familiale à Mardeuil.
2012 Élu à la tête du syndicat agricole des Producteurs de légumes de France.
2015 Jacques Rouchaussé transmet l’exploitation familiale à son fils, Gauthier.