La Taxe Intérieure sur la Consommation des Produits Energétiques menacée par la crise

La Région maintient ses taux maximaux de TICPE Grenelle, une recette de 50M€, au service prioritaire des mobilités durables, qui risque de fondre devant la baisse des consommations de carburant.

La collecte de la TICPE a rapporté à l’Etat 37,7 Mds€ en 2019. Son affectation, décidée par la Loi de Finances, est la suivante : 17 Mds€ (45,1%) pour le budget général de l’Etat, 12,3 Mds€ (32,6%) pour les collectivités territoriales, à parts égales pour les Régions et les Départements, 7,2 Mds€ (19,1%) pour la transition écologique et 1,2 Mds€ (3,2%) pour l’AFITF, l’Agence de Financement des Infrastructures de France. La TICPE est la quatrième recette fiscale de l’Etat, derrière la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
Si l’on considère le poids des taxes sur le seul gazole (80% de la consommation de carburant en France), calculé sur un prix moyen 2019 de 1,43€ le litre, le produit (pétrole, raffinage et distribution) coûte 0,58€ (40,6%) et les taxes (TICPE et TVA) 0,85€ (59,4%). La TICPE représentant à elle seule 42,7% du coût du litre de gazole. Le consommateur de carburant roulent donc à 60% pour l’Etat, les Régions, les Départements, la transition écologique et l’équipement des infrastructures routières. 

UN TIERS DE LA TICPE AUX DÉPARTEMENTS ET AUX RÉGIONS

Depuis 2006, dans le cadre du financement de certains transferts de compétences, les Régions perçoivent une partie des recettes de la TICPE, calculée sur la base des consommations de carburants (essence et gazole) constatées sur chaque territoire. Les régions n’ont aucun pouvoir de taux sur cette part de TICPE. Les taux de cette part « compensation », fixés par l’Etat, sont de 68,29 cts€/litre pour le carburant SP95, de 66,29 cts€ pour le SP95-E10 et de 59,4 cts€ pour le gazole. Ils ont été gelés à la suite du mouvement des gilets jaunes de 2018, en principe jusqu’en 2022.

Depuis 2011, les Régions ont la possibilité de majorer le tarif de la TICPE, dans le but de financer, comme la loi l’exige, des infrastructures de transport durable. Cette majoration ne vise que les carburants vendus aux consommateurs finaux sur leur territoire. Le plafond de cette part, dite Grenelle, votée chaque année par le Conseil régional, est de 0,73 centimes d’euro par hectolitre de supercarburants et de 1,35 centimes d’euro par hectolitre de gazole. La quasi-totalité des Régions, dont le Grand Est, applique ce plafond.

Dans le Grand Est, cette majoration de la deuxième part de TICPE (entre 50 et 55 M€ dans les cinq derniers budgets), abonde le financement des Lignes à Grande Vitesse, TVG Est et TGV Rhin-Rhône, pour un montant de 850 M€, ou encore le volet ferroviaire du Contrat de Plan Etat Région, pour le développement du transport de voyageurs sur d’autres lignes. 

PEUT-ON FAIRE BAISSER OU ANNULER LA TICPE GRENELLE ?

Comme de coutume ou presque, l’amendement du conseiller régional Christian Zimmermann (Rassemblement National), portant sur une baisse de 30% de la majoration plafond de cette part de la TICPE, c’est-à-dire une baisse globale de 15 M€, a animé la fin de la dernière séance plénière du Conseil régional. Autant dire une bataille pour moins de 0,5% du budget de la Région et un amendement rejeté.

Rappelons que lors de sa mise en place la majoration Grenelle de la TICPE avait été rejetée par l’ancienne Région Poitou-Charentes présidée par Ségolène Royal et que plus récemment Laurent Wauquiez a fait voté une réduction de 20% de cette taxe par le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Depuis la création de cette part Grenelle de l’environnement, les taux votés par le Grand Est sont les taux maximaux, déjà en vigueur dans les trois anciennes Régions. Pour ses trois principales composantes (compensation transferts de compétences, part modulable et part Grenelle), les recettes régionales, telles qu’elles figurent dans les budgets primitifs, sont passées de 423 M€ en 2016 à 434 M€ en 2019, soit une progression de 2,6% essentiellement due à la partie compensation.

La situation s’infléchit en 2020, avec un recul des recettes TICPE (compensation et parts régionales modulables) qui passent de 434 à 428 M€ et se décompose en une légère hausse de la part compensation et une baisse de près de 8 M€ des parts modulation et Grenelle. 

LA TICPE GLOBALE PÈSE 15% DES RECETTES DU GRAND EST

La TICPE (476,6 M€, toutes parts confondues, au Budget Primitif 2020) est la deuxième source de recettes de la Région Grand Est, derrière la CVAE, Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (662,5 M€) et devant l’emprunt (362,8 M€), les Fonds européens (249 M€), les certificats d’immatriculation (180 M€), la Dotation Générale de Décentralisation (96 M€) et l’IFER, Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux (57 M€). La TICPE pèse 15% des recettes du BP 2020.

Quant à l’avenir de la TICPE, liée au volume de carburant consommé et non au prix, notons que sur les dix premiers mois de 2020 la consommation de carburant a baissé en France de plus de 14% (-12% pour l’essence et -15% pour le gazole). Et, comme une consolation, remarquons que la France n’est que le 8ème pays de l’Union Européenne pour la plus forte taxation des carburants (64% de taxes), entre le Pays-Bas (68%) et la Bulgarie (52%).