Mettre de l’hydrogène dans les trains, les péniches et les canalisations européennes, le Plan régional vise à faire du Grand Est, une région exemplaire. Verdict dans dix ans, le temps de voir se rencontrer les fournisseurs et les consommateurs d’un vecteur d’énergie verte.
L’hydrogène recèle des potentialités à plusieurs égards par sa haute tenue énergétique, ses possibilités de stockage et de transport et son utilisation pour des usages stationnaires, mobiles et industriels. C’est dans cette perspective que le Plan de Relance national post Covid (avec un engagement de 7,2 milliards d’euros) pose les bases d’un déploiement de la filière hydrogène et que la Région Grand Est propose de se doter d’une stratégie équivalente sur son territoire.
Dès 2019, la Région a soutenu la constitution du consortium DinamHyse et le Club Hydrogène Grand Est, structures portées par le Pôle Véhicule du Futur. Elle est désormais associée avec l’Ademe, la Direccte et la Banque des territoires, dans un groupe de travail qu’accompagne le groupe AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage), constitué des bureaux d’études Element Energy, Seiya Consulting et Hydrogen Advisor.
LES ATOUTS DU GRAND EST
Ce sont les grandes lignes de l’étude de l’AMO qui ont été présentées à la dernière plénière du Conseil régional, avec ce préambule: « Le Grand Est possède de nombreux atouts pour développer une solide économie de l’hydrogène ». En bref, la région est riche en sources d’énergies renouvelables pouvant être mobilisées pour la production d’hydrogène renouvelable (biomasse, électricité éolienne, hydraulique, photovoltaïque, géothermie). Elle est bien pourvue en infrastructures de transport et de distribution de gaz, ainsi qu’en capacité de stockage souterrain, elle dispose d’un bon tissu de production, entreprises et grands groupes, ainsi que d’un secteur recherche et développement fort. Sans oublier la présence d’une bonne dizaine de projets hydrogène, dont deux sur le territoire champardennais : VitrHydrogène, à Vitry-le-François (Marne) et Hydreol, à Chaumont (Haute-Mane).
L’étude répond à la question :
« Comment positionner le Grand Est pour soutenir cette filière ? ». Face à une industrie qui utilise l’hydrogène gris, issu de gaz fossile, la réponse vient de l’hydrogène vert, fabriqué à partir de ressources naturelles et renouvelables, mais beaucoup plus cher à produire. La solution évoquée par l’étude passe par une massification de la production, un investissement conséquent en recherche et développement et un soutien au prix. Pour rappel, l’hydrogène est utilisé en industrie dans la chimie pour la fabrication des engrais et dans le raffinage des produits pétroliers.
L’HYDROGÈNE, UNE NICHE POUR LES PÉNICHES
L’hydrogène pourrait apporter un équilibre économique à la mobilité, à travers l’équipement de flottes lourdes et captives de véhicules privés ou publics, de trains ou de péniches (70% du trafic fluvial européen passe par les voies navigables du Grand Est). Sur cette mobilité, l’étude de l’AMO souligne : « L’enjeu majeur du Grand Est est de réussir à croiser les compétences des acteurs de la chaîne de valeur de l’automobile avec celles de l’industrie de l’hydrogène énergétique ». Sur le sujet de la formation à cette filière, l’idée d’un Campus des métiers de l’hydrogène est lancée.
Comment se démarquer des autres régions, sachant que la quasi-totalité d’entre elles dispose d’un plan plus ou moins comparable ? Mettre l’accent sur trois projets qui pourraient devenir emblématiques : le train hydrogène, avec le financement par la Région de cinq rames TER H2 pour expérimentation à l’horizon 2022, le projet LE3 de péniches hydrogène entre Mulhouse et Metz, porté par le CEA Tech et PSA, ou encore le projet MosaHyc, conversion des canalisations de gaz en canalisations d’hydrogène vert, entre la Moselle, le Luxembourg et la Sarre.
LA RÉGION CONTRAINTE DE RATTRAPER LE RETARD
L’hydrogène n’étant pas un tout, la Région l’intègre dans un mix énergétique adapté aux territoires, ne serait-ce que par mutualisation. Lorsque l’on évoque la mobilité décarbonée, la Région met en avant les usages les plus pertinents comme les transports en commun.
Quant aux objectifs chiffrés, restons prudents. Il en va ainsi de l’annonce des 30 stations de ravitaillement en hydrogène sur le territoire régional d’ici à 2030. La réalité aujourd’hui : 38 stations hydrogène sur le territoire métropolitain, dont une seule dans le Grand Est (Sarreguemines). Et, il faut bien l’avouer, une position faible comparativement aux autres régions : sept stations hydrogène pour Auvergne-Rhône-Alpes, quatre pour l’Ile-de-France, la Normandie, la Bretagne ou la Bourgogne-Franche-Comté. Quant à la mobilité des particuliers, la modestie s’impose avec 300 automobilistes à l’hydrogène à fin 2018 sur le territoire national.
DES AMBITIONS RÉALISABLES
Tout étant cependant possible, la Région chiffre son ambition : 700 bus, 50 cars, 1 200 camions et 100 péniches, sans compter une flotte de trains légers. Une prospective réalisable qui doit tenir compte aussi de la capacité en amont : produire de l’hydrogène vert dans les meilleures conditions. À ce stade, la politique européenne qui consiste à vouloir une décarbonation de l’hydrogène tout en laissant la porte ouverte aux technologies pour y parvenir est une position large.
Reste le coût de l’hydrogène. En admettant que cette politique hydrogène est surtout destinée aux flottes lourdes et captives, force est de reconnaître que le kg d’hydrogène frise les 10 euros et qu’il en faut cinq pour parcourir 500 km en voiture particulière, sans compter le prix d’un moteur hydrogène trois à cinq fois plus important que celui d’un moteur conventionnel.
Le premier bus à hydrogène vient d’être inauguré dans les Yvelines. En Chine, un millier sont en circulation. Quant aux trains, cette remarque très récente du Président de la SNCF : « Je crois que l’hydrogène est la réponse à long terme aux alentours de 2030-2035 ». Faut-il admettre que l’hydrogène est juste une affaire de transition écologique ? Vraisemblablement oui et c’est bien ainsi.