La Région prête à rouler pour les Cycles Mercier

Jean Rottner et Jean-Marc Seghezzi entourés de décideurs ardennais.

C’était prévisible. Dans le cadre de ses visites de terrain, Jean Rottner en tournée durant deux jours dans les Ardennes a débuté son parcours à Revin.

À l’occasion de cette visite, le président de la Région Grand Est a rencontré, sur la friche Porcher en déshérence depuis 2011, Jean-Marc Seghezzi, l’homme qui a décidé de relocaliser ici-même un ancien fleuron de l’industrie française: les Cycles Mercier, dont il détient la marque depuis 1999.

500 000 VÉLOS FABRIQUÉS DANS L’ANNÉE

« Nous allons installer deux grandes lignes de montage complètement autonomes de 80 mètres de long pour produire 80% de vélos mécaniques et entre 15 et 20% d’électriques de qualité premium. On y fera la soudure de cadres, de la peinture, du “stickage” et de la fabrication de jantes. Nous envisageons de sortir de l’usine 500 000 cycles par an, voire beaucoup plus, en travaillant en 2 X 8. Aujourd’hui, on représente à peu près 70 à 80 % du marché français, résume l’investisseur. À l’export, il y a un vivier à exploiter, Revin présentant l’avantage stratégique d’être à moins de 500 km d’une zone comptant 110 millions d’habitants où on aime le vélo (Belgique, Hollande et Allemagne). Il y a là une capacité financière non négligeable avec des progressions de marché à deux chiffres ».

Situé en bord de Meuse sur une superficie de 6 hectares, le bâtiment de 16 000 m2 à rénover et aménager sera normalement opérationnel au cours du premier trimestre 2022, « car on rencontre tout de même beaucoup de contraintes et de complications sur une friche industrielle ».

Sur un investissement global estimé à 11 millions d’euros, les Cycles Mercier consacreront 2,4 millions d’euros à l’équipement et à la création d’un show room. « Dans l’industrie du cycle, il y a peu d’usines comme ça en France, voire en Europe. On va mettre en place une belle machinerie, très robotisée et automatisée », assure Jean-Marc Seghezzi. Dès l’ouverture des portes, 140 salariés seront à pied d’œuvre pour monter à 270 emplois cinq ans plus tard. Des postes liés à la soudure, la peinture, l’assemblage, la logistique, la préparation de commandes et l’administratif plus une dizaine de cadres dont celui de directeur de site feront l’objet d’un recrutement 100 % local. Les fiches de postes seront définies avec Pôle Emploi, avant de passer à la phase d’apprentissage et de formation.

DE NOMBREUX ATTRAITS

Sur place, Mercier va s’atteler à travailler avec des sous-traitants exerçant dans l’acier et l’aluminium pour la fabrique des cadres et des jantes. S’agissant des autres pièces de vélos, c’est beaucoup plus compliqué. « Dans ce domaine, il faudrait une réflexion globale avec des fabricants locaux ou nationaux car, en moyenne, 70 composants proviennent d’Asie du Sud-Est. Mais pour le moment, on a la tête dans le guidon et il est encore un peu prématurité d’en parler. Au moins 150 familles seront concernées par notre business. J’espère maintenant que ce projet va aider à la redynamisation de ce territoire et donner envie à d’autres investisseurs potentiels de s’installer ici », poursuit le Pdg.

Après une parenthèse de douze ans en Asie du Sud-Est (Sri-Lanka, Philippines et Taiwan) où elle a gardé ses activités, au Portugal et en Bulgarie, la marque française va donc revenir sur son sol.

Explications de Jean-Marc Seghezzi : « L’idée d’un retour en France me trottait dans la tête depuis quelques années et j’ai eu la chance d’être mis en contact avec le ministère de l’Industrie par le biais d’un député local. Deux propositions d’implantations m’ont été faites : les Ardennes et les Hauts-de-France. Avec son industrie métallurgique, le territoire ardennais se prête très bien à cette opération car dans notre métier on travaille beaucoup de métaux, en l’occurrence l’acier et l’aluminium. La proximité des ports de Givet, Rotterdam et Anvers a aussi joué un grand rôle dans notre choix. Et puis, on a reçu un accueil chaleureux de tous les intervenants nous ayant accompagnés sur ce dossier. On nous a aussi promis la mise en place de différentes aides qui restent à finaliser. Elles nous sécuriseront sur la durée. Enfin, la longueur et l’espace du site correspondent parfaitement à notre projet. On sait par ailleurs, trouver ici une main d’œuvre de qualité ». Jean-Marc Seghezzi souhaite baptiser la future usine du nom de « Poulidor ». « Mais cela ne dépend pas que de nous. Il faut l’accord de la famille ». Il compte aussi surfer sur un marché en pleine effervescence (2,33 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans le secteur en 2019) et porté par le développement du marché électrique. « D’ici 5 ans, la vente de ce type de vélo va passer de 400 000 à 1 million de cycles ».

En visite sur le site, Jean Rottner s’est montré prêt à rouler derrière l’homme d’affaires « pour redonner espoir, recréer de la valeur et réindustrialiser ce territoire grâce à une industrie solide ». Il souhaite que des industriels locaux «transforment leur production pour répondre demain, aux besoins des Cycles Mercier et inventer ainsi de nouvelles filières ». Il s’est dit disposé à soutenir l’investisseur dans le cadre du fonds de réhabilitation des friches, de l’aide à l’investissement, de la responsabilité environnementale et en prenant en charge la formation professionnelle des salariés.

Passer à la scierie du futur

Après Revin, Jean Rottner et la délégation qui l’accompagnait ont mis le cap sur Vireux-Wallerand où les attendaient Claude et Christian Lambert, les dirigeants d’une PME familiale : la Scierie Ardennaise. Employant 40 salariés, cet acteur majeur de la filière de la première transformation du bois dans le Grand Est est actuellement en passe de finaliser un investissement de 14 millions d’euros destiné à développer un concept de scierie 4.0.

Sur son site actuel, la PME envisage, en effet, la construction d’un nouveau bâtiment où seront installés des outillages, des machines et différents équipements modernes, automatisés et numérisés qui mobiliseront la plus grosse partie de l’enveloppe financière. Cet atelier viendra compléter l’outil de production historique s’étendant sur une surface couverte de 15 000 m2. Grâce à ce nouveau parc-machines, l’exploitation forestière a l’objectif d’être, à l’avenir, en mesure de transformer de manière optimisée des bois feuillus ou résineux de diamètre et de longueur variables. Jusqu’alors, elle était spécialisée dans la fabrication de traverses de bois pour les infrastructures ferroviaires mais aussi la tonnellerie, le parquet, le sciage de plots, les poutres et carrelets ainsi que les palettes et emballages maritimes en travaillant des matières comme le chêne, le hêtre, l’épicéa et le pin.

L’ampleur du projet n’a pas échappé à l’attention de l’Etat qui, à travers le fonds d’accélération des investissements industriels et du programme Territoires d’industrie, a récemment retenu l’établissement ardennais dans le cadre du plan France Relance. Il prendra donc part au montage financier d’un projet qui induira la création de huit emplois.