La Recyclade boucle la boucle

Frédéric Ramette, créateur de la Recyclade, puise dans les compétences de chacun pour développer de nouvelles idées et faire grandir son entreprise.

Au chômage, Frédéric Ramette décide de créer son propre emploi dans un secteur encore peu développé à Dijon : le recyclage d’objets. En un an, La Recyclade est devenue une entreprise à part entière, dont le modèle économique repose sur un cycle vertueux.

Il est des exemples de création d’entreprises qui forcent le respect (encore) plus que d’autres. C’est le cas avec l’histoire de Frédéric Ramette, bienheureux fondateur de la Recyclade de Dijon. L’ancien chômeur a ouvert il y a moins de dix-huit mois une boutique solidaire dans le quartier des Bourroches à Dijon. Les produits – des bibelots, meubles, vêtements, électroménager, livres, vaisselle, outillage – fleurissent les allées du magasin ouvert du mardi au samedi.

Ils n’ont pas été achetés mais donnés par ceux qui n’en n’avaient plus l’utilité. Au lieu d’être jetés, ces objets du quotidien trouvent à La Recyclade une seconde vie. Une fois collectés sur place ou à domicile, les produits sont entreposés dans le hangar avant de subir pour certains une métamorphose totale. Là où le projet est ingénieux, c’est qu’il fait appel à une série de particularités qui ont permis à l’entreprise d’élargir rapidement son potentiel de développement.

RÉENCHANTÉS

« Nous ne sommes pas seulement une boutique solidaire, souligne Frédéric Ramette, mais un espace de valorisation qui tient davantage du laboratoire expérimental. Ici les objets sont nettoyés, si besoin réparés, parfois réenchantés, c’est-à-dire patinés ou peints avant d’être vendus à des petits prix ». La Recyclade s’est aussi spécialisée dans le détournement d’objet : un vieux jean usé se métamorphose en abat-jour, là une machine à coudre renaît en pied de lampe… Dans l’arrière-boutique, Laurence, la spécialiste du genre, s’affaire à un atelier carton dentelle. Sous ses doigts, d’ordinaires morceaux de carton, sauvés de la benne deviennent des objets délicats prêts à prendre place dans un nouvel intérieur. Au-delà de ses talents artistiques, Laurence, valoriste et chargée de communication officielle de la Recyclade – elle a été embauchée en CDI – partage aussi sa créativité lors d’ateliers couture ou patine.

C’est là tout le succès de la petite entreprise de Frédéric Ramette : en à peine quelques mois, l’activité a permis de créer deux emplois à temps plein. La Recyclade embauche aussi un service civique et compte une quarantaine de bénévoles pour l’accompagner au quotidien. Un bilan presque inespéré pour Frédéric Ramette. ll y a deux ans et demi, cet ingénieur de l’industrie de 54 ans, licencié économique d’une entreprise d’agro-alimentaire sentait le potentiel d’une recyclerie à Dijon. Après une série d’entretiens professionnels sans succès, le quinquagénaire tourne le dos à l’industrie pour créer son propre emploi. « J’ai toujours aimé stocker, garder les choses. Quand ils étaient petits, je disais à mes enfants : « l’avenir est dans nos poubelles” ». Il ne croyait pas si bien dire.

Après un tour de France des ressourceries et recycleries, pour « voir ce qui marche », et « avec zéro subvention », Frédéric Ramette se lance. Il ouvre d’abord un premier local à Gissey-sur-Ouche et une boutique éphémère qui fera connaître le concept. En septembre 2017, la Recyclerie s’installe dans un bâtiment du quartier des Bourroches à Dijon, avec en poche « uniquement de quoi payer le premier mois de loyer », s’amuse Frédéric Ramette, grâce à une aide du Conseil départemental de la Côte-d’Or de 8.000 euros. Le bouche à oreille et la ténacité du directeur feront le reste.

L’an dernier, pour sa première année d’exercice, la Recyclade affiche un chiffre d’affaire de 58.000 euros. Quatre-vingts tonnes d’objets ont été collectées, 25 tonnes vendues. La boutique, qui compte près de 1.300 adhérents, est désormais ancrée dans la vie du quartier.

Car au-delà de la vente d’objets, le modèle économique de la Reyclade repose aussi sur les liens qui se créent autour de la boutique et des ateliers. « Les gens viennent avec des compétences et on s’appuie sur elles pour développer de nouvelles idées », illustre Frédéric Ramette. L’entreprise met ainsi en place des partenariats avec des associations comme la Sdat, l’Acodège ou Trisomie 21, collabore avec la MJC des Bourroches notamment lors d’ateliers de sensibilisation au recyclage qu’elle propose aux écoles. Elle envisage même de devenir organisme de formation pour accompagner d’autres créations de recycleries.

Et pourrait bien se dupliquer dès cette année. « On cherche un autre local au cœur d’un quartier dijonnais, à proximité du réseau Divia », indique le fondateur. L’idée de Frédéric Ramette, c’est de pouvoir bénéficier d’un second local mis à disposition. « Ce que je ne mets pas dans la location, traduit le gestionnaire, je le mets dans un salaire ». Avec un objectif clairement affiché en 2019 : l’embauche d’un troisième salarié, responsable de magasin. La Recyclade compte aussi développer sa bricothèque (lire par ailleurs) … Et deux ou trois autres bricoles dédiées à l’économie circulaire, dont Frédéric Ramette a le secret.

Bricothèque et triporteur

Louer des outils neufs et accessibles, c’est le pari de la bricothèque créée en septembre par la Recyclade. En plus de ce service de location, l’entreprise envisage d’ouvrir un atelier de bricolage partagé avec, à plus long terme, une offre globale. Et pour parfaire son modèle d’entreprise de l’économie sociale et solidaire, La Recyclade devrait prochainement collecter les produits à l’aide d’un triporteur électrique doté d’une remorque – on vous le donne en mille – fabriquée maison !

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