L’ancien patron d’AT France, devenu aujourd’hui affûteur-rémouleur itinérant, sillonne la région dans son fourgon aménagé.
«On passe notre temps à expliquer aux étudiants d’école de commerce qu’ils devront changer de métier plusieurs fois au cours de leur vie, alors autant leur donner l’exemple », confie Dominique Lemelle. Diplômé d’ESC Reims (ex-Neoma) et de HEC, l’ancien patron du groupe AT France (230 salariés) qu’il dirigeait avec son frère Benoît, a radicalement changé de voie après la cession de l’emblématique fabricant d’andouillettes de Troyes, au début de l’année, au groupe Popy. « Mais si on regarde de plus près, il y a tout de même une certaine logique dans tout ça », analyse-t-il en retraçant le parcours qui l’a mené à devenir artisan rémouleur. Un choix familial mûrement réfléchi et bousculé par un accident de la vie. À l’aube de ses 60 ans, l’ancien chef d’entreprise ne se voyait pas tout arrêter d’un seul coup. « J’ai choisi d’abord des valeurs et ce sont celles-ci qui m’ont conduit au métier que j’exerce aujourd’hui », ajoute Dominique Lemelle. Authenticité, proximité avec les gens, sens du service, autant de qualificatifs qui s’appliquent effectivement au métier d’affûteur-rémouleur itinérant. Très présents autrefois, ces artisans ont presque disparu des villes et des campagnes, ils sont à peine plus de 200 dans toute la France. Et pourtant les besoins sont réels. Tous les métiers de bouche, mais aussi les coiffeurs et les jardiniers ont besoin de faire affûter régulièrement leurs outils. « Le problème est que ce sont des outils dont on ne peut se passer, et il faut que le rémouleur vienne chez nous pour ne pas immobiliser nos couteaux », explique un restaurateur devant le fourgon de Dom’Affut. « C’est à la fois mon usine et mon bureau sur roues », ajoute l’affûteur-remouleur itinérant qui n’hésite pas à élargir son champ d’intervention aux départements proches en se rendant chez ses clients à la demande.
UN RÉMOULEUR CONNECTÉ
Après une formation et un diplôme de l’École Nationale d’Affûtage et de Rémoulage de Beaumarchés, dans le Gers – la seule du genre en France –, Dominique Lemelle a fait aménager son fourgon contenant toutes les machines et les outils nécessaires pour redonner vie aux lames les plus émoussées.
Concession à la modernité, l’artisan aubois a troqué la clochette que les rémouleurs d’autrefois agitaient au coin de la rue pour internet et les réseaux sociaux. Un outil efficace pour trouver des clients et se déplacer chez eux à la demande, tant chez les particuliers que chez les professionnels. Bien entendu, l’ancien patron d’AT France possède aussi un solide carnet d’adresses de charcutiers, bouchers et restaurateurs, consommateurs d’andouillettes mais aussi utilisateurs de couteaux et autres outils tranchants. En guise de clin d’œil, il glisse un pansement en rendant la lame affûtée aux clients pour leur rappeler que le couteau coupe de nouveau et qu’il faut y prêter attention. Pour se lancer, voici quelques semaines, dans son nouveau métier, celui qui a assuré deux mandats à la tête de la CCI de l’Aube est allé s’inscrire à la chambre de métiers de l’Aube. « Mais j’ai conservé une double immatriculation d’artisan et de commerçant », rectifie-t-il en rappelant ses deux mandats en cours. Vice-président industrie à la CCI de l’Aube, il est également trésorier de la CCI Grand Est, des mandats qu’il mènera à leur terme. Ce qui l’anime aujourd’hui est de réussir à devenir un artisan dont le travail manuel est reconnu par ceux qui lui font confiance. « C’est étonnant mais les gens tiennent à leurs couteaux : ils ne les jettent pas et ils racontent parfois des histoires », glisse Dominique Lemelle qui aime échanger avec ses clients tout en redonnant vie à ces objets inanimés qui ont décidément une lame…