La profession du chiffre face à « une mutation importante »

Jean-Luc Flabeau, président du syndicat professionnel ECF. (Droits réservés)

À l’occasion du congrès national d’ECF à Deauville début juillet, Jean-Luc Flabeau, le président du syndicat fait le point sur la rapide évolution de l’exercice de l’expert-comptable et du CAC et sur les actions à entreprendre pour faciliter cette mutation.

Le congrès d’ECF cette année était organisé autour du thème « Proactif face aux changements », pouvez-vous nous le présenter brièvement ?

Comme beaucoup de métiers, notre profession du chiffre va connaître une mutation importante au cours des prochaines années. Notre syndicat ECF réfléchit bien évidemment à toutes les actions qui peuvent aider les confrères à accomplir ces changements qui vont agir sur leur mode d’exercice, l’organisation de leurs cabinets, les relations avec leurs clients et aussi leurs équipes. Avec les membres de mon bureau, nous avons donc souhaité bâtir ce congrès sur cette thématique. Avec deux conférences, l’une sur la révolution numérique et l’autre sur l’évolution des ressources humaines. Et de nombreux ateliers animés par les meilleurs spécialistes.

En qualité de président d’ECF, quelles sont les actions syndicales que vous avez menées au cours de l’année passée ?

Ces actions sont nombreuses, car l’actualité professionnelle ne nous a pas laissé beaucoup de répit. Il y a eu le projet de loi Pacte avec le dénouement que nous connaissons. Mais aussi plein d’autres sujets comme le projet d’examen de conformité fiscale, la remise en cause du principe de séparation de l’audit et du conseil avec l’article 9BisA, la réforme de la formation continue et la création des Opérateurs de compétences (Opco), la réforme des retraites, le projet de spécialisation mené par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables et sur lequel nous avons encore de nombreuses réserves, les futures contraintes de la lutte anti-blanchi- ment. Sur tous ces sujets, nous agissons toujours pour défendre au mieux l’exercice libéral des professionnels du chiffre, ce qui n’est pas toujours simple.

Vous êtes également commissaire aux comptes et ancien président de la Compagnie régionale des CAC de Paris IDF. Les changements à venir concernent aussi les CAC. Comment la profession va-t-elle évoluer ?

Le Gouvernement, avec l’appui des représentants des entreprises, avait une volonté farouche de relever les seuils d’audit au niveau européen. Les représentants de la profession, que ce soit les institutions ou les syndicats, n’ont pas été entendus. À présent, il convient de se projeter dans l’avenir et de savoir comment la profession va s’adapter. Nos missions, quelles que soient leurs natures, ne seront acceptées par nos clients et notre environnement que si leur utilité est reconnue. Pour pouvoir continuer à pratiquer l’audit dans les PME en dessous des seuils européens, qui est devenu volontaire avec la loi Pacte, nous devrons proposer une approche d’audit véritablement adaptée. Chez ECF, c’est ce que nous proposons depuis 15 ans. Mais j’avoue que je suis encore inquiet sur la capacité de changement de la CNCC. Les deux nouvelles normes PE, remplaçant la NEP 910, n’apportent toujours pas les réponses d’adaptation et d’utilité que le marché demande.

Quelles sont les actions syndicales d’ECF pour les jeunes qui rentrent dans la profession ?

Tout d’abord, la raison d’être de notre syndicat est, encore une fois, de défendre et développer l’exercice libéral. Beaucoup de jeunes diplômés s’installent ex nihilo ou intègrent des structures à taille humaine et il est très important de défendre ces modes d’exercice pour l’ensemble des professionnels et notamment des jeunes confrères et consœurs. Avec Boris Sauvage, vice-président ECF et qui a été aussi ancien président national du CJEC, nous associons les jeunes dans nos réflexions et actions. Systématiquement, nous leur dédions un espace d’expression dans nos principales manifestations. Cela a été le cas à notre congrès de Deauville. Sous l’impulsion de son président Guillaume Proust, notre commission « innovation » a créé un nouvel événement le 26 juin : un « Booster Day ». Pendant toute une journée, nous sommes allés à la rencontre de start-up pour démultiplier les partenariats et faire du networking. Beaucoup de jeunes confrères ont manifesté leur intérêt pour cette action et se sont inscrits à cette journée.

Comment allez-vous accueillir les « nouveaux » experts-comptables d’entreprise au sein d’ECF ?

Nous avons déjà un lien assez fort avec l’association des « Experts- comptables en entreprise ». Avec la loi Pacte, ces experts-comptables en entreprise vont être plus intégrés dans notre institution ordinale et j’espère que nous pourrons encore mieux travailler ensemble. Près de la moitié des jeunes diplômés vont en entreprise. C’est toute cette communauté de diplômés, experts-comptables exerçant en libéral mais aussi diplômés d’expertise comptable, que nous devons mieux faire vivre. À l’heure des réseaux, il est très important que nous puissions développer le plus de connexions entre ces deux populations de diplômés d’expertise comptable. La grande profession du chiffre n’en sera que renforcée.

Recueillis par Boris Stoykov pour Résohebdo Eco.

VERBATIM

Jean-Luc Flabeau et Lionel Canesi sont têtes de liste ECF pour les prochaines élections au Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables(CSOEC). Ils présentent brièvement leur programme : « Notre projet est celui d’experts-comptables en activité et de chefs d’entreprise ayant une vision ambitieuse de l’utilité et de la légitimité des experts-comptables au service de l’économie de notre pays. Nous voulons tout d’abord mettre en place les bases de l’indépendance numérique de la profession, ne rien s’interdire pour assurer l’avenir numérique des experts-comptables que ce soit au niveau des outils ou de l’utilisation des datas. Notre deuxième priorité, c’est la formation des collaborateurs. Nous souhaitons mettre en place les fondations de l’indépendance de la profession avec la création d’une école de la profession qui doit avoir deux priorités : attirer les jeunes talents et l’accompagnement au changement pour nos collaborateurs actuels avec l’arrivée du numérique. Il n’y a pas un territoire de France où il n’y a pas une pénurie de collaborateurs. Définissons les profils des collaborateurs des 10 prochaines années et met- tons en place les formations qualifiantes pour permettre de former le capital humain indispensable à la croissance de nos cabinets et à l’accompagnement de nos clients. Notre projet va être complété par les contributions des experts-comptables libéraux que nous rencontrons lors de notre tour de France avec le leitmotiv de ne rien s’interdire pour assurer l’indépendance et la pérennité de notre profession. Nous voulons mettre en place les bases de l’indépendance numérique de la profession ».

Un syndicat proactif face au changement

Sans préjuger de la taille des cabinets, Experts-comptables et Commissaires aux comptes de France (ECF) promeut l’exercice libéral et indépendant de la profession d’expert-comptable et de commissaires aux comptes. Majoritaire au Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables de 2008 à 2016, le syndicat défend l’indépendance du professionnel, la prééminence de l’homme sur la structure, du client sur la mission et de la qualité sur la recherche du profit. ECF est un syndicat patronal représentatif au niveau de la profession. Sa vocation première est la négociation paritaire de la branche des cabinets d’experts-comptables et commissaires aux comptes, qui est l’une des 50 plus importantes de France. ECF participe à la négociation de la Convention collective des cabinets. C’est une fonction essentielle pour la défense des intérêts des dirigeants de cabinets. ECF est majoritaire dans les conseils régionaux de l’Ordre des experts- comptables (Croec) de Paris, Marseille-Paca, Rhône-Alpes, Lille-Nord- Pas-de-Calais, Picardie, Corse et Guadeloupe, mais également dans les Compagnies régionales des commissaires aux comptes (CRCC) de Paris, Lyon, Marseille, Douai et Chambéry. Les missions d’ECF sont d’accompagner le développement et la croissance des cabinets ; défendre les intérêts et la responsabilité des professionnels ; former en continu les professionnels et leurs collaborateurs ; informer de l’actualité professionnelle ; innover pour anticiper et participer aux mutations de la profession ; mettre en réseau les cabinets, les partenaires et l’environnement de la profession ; partager dans un esprit de confraternité et de convivialité.