Patrice RichardLa prime à la qualité

Le primeur rémois vient de recevoir le titre de Meilleur Ouvrier de France, une distinction qui récompense un grand connaisseur des fruits et légumes, aussi soucieux de sa production que de ses approvisionnements.

Depuis sa réussite au concours de Meilleur Ouvrier de France en novembre 2018, Patrice Richard (Ladam Primeurs) s’habitue aux ors de la République. Après être déjà allé à L’Élysée le 1er mai 2019 pour une réception organisée par le marché de Rungis, il y est retourné le 13 mai lors d’une réception suite à la remise de son col bleu-blanc- rouge à La Sorbonne. Le 28 mai, il avait pour mission de mettre à l’honneur les producteurs des Bouches-du-Rhône au Sénat.

Mais son cœur de métier reste le jardin, les marchés et sa boutique de la rue de Mars, au cœur du quartier du Boulingrin, à Reims. Né à Châlons et sensibilisé dès l’enfance au milieu agricole, il s’est d’abord orienté vers la charcuterie, en gardant toujours en travers de la gorge le ton méprisant d’un professeur de mathématiques qui invitait cet « élève moyen » à aller dans l’apprentissage faute de mieux.

« Je me suis formé au CFA et chez Michel Dumanget, un professionnel à l’ancienne, dur au travail. J’ai beaucoup appris, notamment sur la rigueur à avoir au quotidien », se souvient Patrice Richard. Le métier lui plaît et il décide, après son CAP en 2001, de passer une mention complémentaire de traiteur puis un brevet professionnel au Centre européen de la promotion des charcutiers traiteurs (Ceproc) en 2004, « la plus belle école de Paris ». Ce métier de traiteur est très formateur pour le jeune homme car il oblige « à la débrouille », à savoir s’adapter dans la gestion de l’approvisionnement, des couverts en plus lors d’une réception, par exemple.

Le Châlonnais s’essaie ensuite à la cuisine en rejoignant Les Crayères, à Reims, mais « une intégration difficile » le pousse à retourner vers le métier de traiteur : « J’ai rejoint la Maison Schosseler où j’ai travaillé pendant deux ans avec Marc Morel, un professionnel qui savait montrer les bons gestes à accomplir ».

PRODUCTEUR ET MARCHAND

Bien qu’épanoui dans sa profession, c’est un évènement familial qui l’a poussé à poser cinq semaines de congés pour gérer l’activité de Ladam Primeurs à la place de sa belle-mère, Annick. Un intérim qui s’est prolongé durablement. « Avec mon épouse Anne-Line, nous représentons la quatrième génération à la tête de cette entreprise. Annick Ladam a longtemps géré seule le maraîchage et la vente sur les marchés, toujours en misant sur la qualité des produits ».

Il faut dire que l’exploitation familiale de Cormontreuil propose une production en pleine terre et sans pesticide en tomates, fraises, radis, salades, haricots beurre… Une gamme complétée par un approvisionnement sélectif pour Patrice Richard qui passe deux jours par semaine au marché de Rungis : « Acheter est un vrai métier. Il faut trouver la bonne marchandise au bon prix. Je tiens à tout goûter car c’est vraiment le goût qui prime ». Rungis est un lieu tellement important pour lui qu’il a participé en mars 2019 à « La plus grande tablée du monde » qui a réuni près de 2500 personnes pour lesquelles il a co-créé des lustres monumentaux en fruits et légumes.

FOURNISSEUR DE RESTAURANTS ÉTOILÉS

En dirigeant Ladam Primeurs, le couple décide de développer l’activité en étant encore plus présent sur les marchés (au Boulingrin, mais aussi à Sillery ou Witry-lès-Reims) et même en rachetant un camion itinérant circulant dans la Montagne de Reims en 2011. Passionné des fruits et légumes, Patrice Richard apprécie les produits rares et d’exception, ce qui lui a permis de compléter son activité en fournissant trois restaurants étoilés. « Je réserve une spécialité à chacun : des variétés de tomates pour Philippe Mille aux Crayères, des champignons sauvages pour Arnaud Lallement à l’Assiette Champenoise. Nous sommes leurs yeux dans le végétal à Rungis, il faut être force de propositions. J’ai par exemple suggéré un ail noir pour un dessert au Royal Champagne. Le chef n’était pas convaincu au départ mais il a fait des tests et l’a intégré à la carte du restaurant ».

Depuis 2016, Ladam Primeurs a décidé de franchir un cap en détenant une véritable boutique, sans délaisser les marchés pour autant : « Je voulais pouvoir valoriser un fonds de commerce et évoluer dans notre manière de travailler. Cela a été difficile de trouver le bon emplacement mais nous sommes ravis d’être dans un quartier gastronomique où figurent deux autres Meilleurs Ouvriers de France (le chocolatier Pascal Caffet et le traiteur Bruno Herbin), un finaliste du concours (le boucher Thierry Brezillon) et bien d’autres professionnels qui ont une véritable démarche de qualité ». Et pour séduire la clientèle, il n’a pas hésité à investir dans la décoration avec un mur d’eau, un mur végétal, un lustre en vitrine et une charrette avec des légumes sur la devanture.

MOF, UNE GRANDE EXIGENCE

Même si cela ne saute pas aux yeux du passant, Ladam Primeurs ajoute un nouvel argument à présent : le titre de Meilleur Ouvrier de France de Patrice Richard. « Je ne pense pas que cela se valorise commercialement. Cela entraîne même une exigence supplémentaire, mais c’est très gratifiant et cela peut contribuer à me donner la priorité auprès de certains fournisseurs », estime celui qui a consenti à beaucoup d’efforts pour parvenir à figurer parmi les 14 primeurs ainsi honorés en France. « J’avais raté le concours à 0,25 point il y a huit ans, c’était une énorme déception ». Il raconte en effet que l’épreuve ressemble à un marathon avec quatre ans de préparation. Il fallait d’abord répondre à un QCM et passer un oral pour accéder à la finale, à Toulouse. Là, il a eu cinq heures pour préparer « son œuvre », en l’occurrence un étal donnant envie de fruits et légumes aux enfants puis deux heures pour répondre à un jury de spécialistes.

Être Meilleur Ouvrier de France représente donc une récompense, une délivrance même, qu’il a pu partager en famille. « Ma première rencontre à L’Élysée avec le chef Guillaume Gomez m’a permis de faire venir mon épouse, nos deux enfants et ma belle-mère lors de la réception donnée le 13 mai. Nous avons même pu passer la soirée dans les cuisines de L’Élysée », apprécie celui qui évoque « un lieu magique », tout en n’oubliant jamais ses racines, là où il se sent le mieux : « le jardin et notre commerce ».

Parcours

1982 Naissance le 6 août à Châlons-en-Champagne.
2001 CAP Charcutier Traiteur au CFA de Châlons.
2004 Brevet Professionnel Traiteur au Ceprocde Paris.
2006 Devient maraîcher primeur pour la société Ladam sur les marchés Rémois.
2016 Ouverture de la boutique.
Mai 2019 Meilleur Ouvrier de France.

Patrice Richard arbore le col bleu-blanc-rouge de MOF en compagnie de son épouse, Anne-Line.