La Commission européenne a orienté sa politique vers l’autonomie stratégique et une certaine souveraineté numérique.
Au-delà des usages qui s’intensifient, le marché du numérique génère d’immenses opportunités économiques et industrielles. Il soulève également d’importants enjeux géopolitiques et démocratiques. Face à la domination des géants américains et chinois dans ce secteur, l’Union européenne cherche à affirmer son autonomie.
Toutefois, le marché unique du numérique continue de souffrir de problèmes structurels car il fait face à une forte fragmentation. Les disparités économiques, sociales et d’infrastructures entre les États membres sont sources de disparités tant pour l’accès du public aux outils numériques que sur la digitalisation des administrations et des entreprises. On distingue trois grands ensembles : les États les plus performants au nord, ceux dans la moyenne, plutôt à l’ouest et au centre, enfin ceux accusant un retard, au sud et à l’est. En 2018, le règlement général sur la protection des données (RGPD) a renforcé la transparence des plates-formes du numérique vis-à-vis de leur usage des informations à caractère personnel, introduit un droit à la portabilité permettant aux utilisateurs de transférer ou récupérer ces données, et mis en place un droit à l’oubli. Aujourd’hui considéré comme une référence en la matière ce texte s’applique aux sociétés européennes et aux acteurs étrangers proposant leurs services aux Européens.
Aujourd’hui, face à la concurrence des acteurs étrangers la Commission européenne a orienté sa politique vers une nouvelle doctrine : celle de l’autonomie stratégique et d’une certaine souveraineté numérique. Ces principes sont au cœur du programme de la présidente Ursula Von der Leyen et sont mis en œuvre par les commissaires en charge de ces dossiers, Margrethe Vestager (Concurrence et Europe numérique) et Thierry Breton (Marché intérieur). Cette politique est également dotée de moyens car en plus des montants dédiés au numérique dans le futur cadre financier pluriannuel, 20% des 750 milliards d’euros prévus dans le plan de relance européen devraient eux aussi financer le secteur du numérique dans tous les États membres.
Face aux oligopoles américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) et aux grandes entreprises chinoises (Alibaba, Huawei, Baidu, Tencent, Xiaomi…), la Commission européenne cherche aussi à protéger les intérêts de l’Union. Elle veut soumettre ces entreprises à la régulation européenne et contrôler leurs abus en particulier lorsque ceux-ci touchent aux questions de libertés publiques, de démocratie ou de cybersécurité. C’est l’enjeu de la législation sur les services numériques qui doit être initiée par la Commission européenne d’ici la fin de l’année 2020. L’Europe, suit par ailleurs de près les grandes innovations technologiques, telles que le développement de la 5G ou de l’intelligence artificielle (IA) ; elle cherche à accompagner ces évolutions en soutenant l’innovation grâce à des programmes comme Digital Europe qui prévoit 8,2 milliards d’euros dans le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027.
Enfin de nombreuses voix s’élèvent en faveur de la création de « champions européens ». Si certaines entreprises s’illustrent dans certains secteurs, comme le finlandais Nokia ou le néerlandais Philips, les firmes étrangères continuent de dominer le marché. Des acteurs européens cherchent tout de même à s’allier pour développer des infrastructures numériques européennes comme la France et l’Allemagne dans la constitution d’un cloud européen souverain, ou des banques européennes dans la mise en place d’un système de paiement européen.