Après avoir notamment travaillé à la gestion durable des forêts tropicales au Brésil, l’ingénieur forestier a pris les rênes de Garnica Troyes en 2017.
Avec des grands-parents agriculteurs, Pierre Dhorne a grandi en n’étant jamais très loin de la campagne. « Enfant, j’ai passé des vacances avec un garde forestier. Mon entourage m’a rapporté qu’à l’issue de cette période, j’ai annoncé que je souhaitais exercer ce métier. Cela m’a en tout cas guidé dans mes études », se souvient-il. Après un parcours classique, mais en lycée agricole, et un BAC S en poche, il entre en prépa bio. Avec pour unique objectif celui d’intégrer l’école d’ingénieur des Eaux et Forêts de Nancy.
C’est en 2003 qu’il commence sa formation d’ingénieur forestier. « Entre la deuxième et la troisième année du cursus, j’ai décidé avec Laure – que j’avais rencontrée en prépa et qui est ma femme maintenant – de faire une année de césure pour faire des stages à l’étranger, afin de parler d’autres langues. Nous sommes partis six mois en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans la protection de l’environnement. Et six mois au Chili pour travailler dans la gestion forestière en ce qui me concerne, et dans la gestion de l’eau pour Laure », explique Pierre Dhorne. Ces dépaysements seront également l’occasion de voyager, de découvrir d’autres cultures.
Une fois diplômés, en 2007, ils souhaiteront continuer leur expérience à l’international. Après leur stage de fin d’études en Centrafrique, pour lui, et au Laos, pour elle, Pierre Dhorne aura l’opportunité de travailler pour un bureau d’études français – FRM, Forêt Ressources Management , basé à Montpellier – qui souhaite alors ouvrir une filiale à Belém, dans l’Amazonie brésilienne. « Il a fallu apprendre le portugais et aussi à travailler et à profiter de la vie d’une manière très différente », souligne-t-il.
Pendant les trois premières années à ce poste, de 2007 à 2010, il sera basé à Belém.
Tandis que les trois années suivantes, il devra faire des aller-retour entre la France et le Brésil, en restant un mois sur deux à chaque fois sur place. « J’ai travaillé dans les forêts tropicales pour mettre en place des plans de gestion sur de très grands territoires, jusqu’à un million d’hectares. On compte et inventorie chaque arbre pour définir lequel on peut couper, pour être dans un cycle durable. À titre d’illustration, cela revient à couper un à deux arbres par hectare tous les trente ans », fait observer l’ingénieur forestier. Et d’insister au passage sur le fait que l’on n’a généralement pas conscience que les vraies raisons de la déforestation au Brésil sont liées à l’élevage et à l’agriculture. Manger du bœuf français nourri au soja brésilien a par exemple un impact plus fort sur la déforestation que d’acheter du bois certifié du Brésil. Là encore, ces années en dehors de l’Hexagone seront l’occasion pour le couple de profiter de la vie avec un autre regard. D’apprendre aussi à prendre du recul au contact de gens de divers horizons et niveaux sociaux. « Nous avons en outre vécu des expériences assez inédites et inoubliables, comme dormir en forêt, observer et écouter des singes hurleurs », ajoute- t-il.
L’idée de continuer à passer la moitié du temps loin de sa petite famille – dont le premier enfant naîtra en 2013 – le décide cependant à chercher du travail ailleurs. L’ingénieur forestier est alors embauché à Aix-en-Provence dans une très grosse centrale biomasse (Uniper), où il restera quatre ans : « Le domaine de la bio-énergie est un travail très enrichissant ». En 2017, c’est à la faveur d’une opportunité, qu’il rejoint le groupe Garnica. « Le bois, c’est ma formation, ma passion. Des entreprises industrielles qui investissent dans le domaine du bois, et qui ont une vision à moyen et long termes, il n’y en a pas des millions. C’est un secteur plutôt en sous-investissement, explique le directeur d’usine. Le deuxième poste de déficit commercial en France, c’est la filière bois (après le pétrole) avec sept milliards d’euros. Car on exporte du bois à l’étranger – en Asie mais également dans les pays limitrophes comme l’Allemagne ou l’Italie – et on rachète ensuite le bois transformé. C’est pour moi un non-sens complet ».
ARRIVÉE À TROYES EN 2019
C’est pourquoi Pierre Dhorne n’hésite pas un instant lorsque, en 2017, il est contacté par Garnica, leader européen pour la production de contreplaqué en peuplier et qui souhaite monter une usine en France, mieux dans le quart nord-est de la France : Garnica construit actuellement une usine auboise, pouvant à terme employer jusqu’à trois cents personnes. « Il y a deux éléments qui m’ont beaucoup plu chez Garnica au moment de les rejoindre. C’est premièrement une entreprise familiale – la famille, c’est un fil conducteur pour moi. Et même si c’est une grosse entreprise, avec sept usines et mille cent personnes, le président s’appelle Pedro et on peut le voir et discuter avec lui », fait- il valoir. « Challenge the ordinary », le slogan de l’entreprise fait également écho à ses aspirations : « Ce que j’aime dans la foresterie, c’est ce qui est nouveau. Cette entreprise cherche en permanence comment faire autrement, mieux. Une grande place est laissée à l’autonomie et l’innovation. C’est extrêmement intéressant et motivant ». En 2019, le Lillois d’origine est arrivé à Troyes, sur un territoire où il s’est senti bien accueilli.
Chaque nouveau poste est toujours pour lui une nouvelle occasion de se passionner pour un sujet : la forêt tropicale, quand il travaillait au Brésil, l’énergie lors de son passage à Aix-en-Provence, et le peuplier aujourd’hui. Comprendre dans le détail son métier est pour lui une nécessité. « Maintenant, je suis un fervent défenseur du peuplier. Bien-sûr il ne faut pas fermer les yeux sur certaines remarques poussant à améliorer en permanence la durabilité de sa gestion. L’usage du bois – en l’occurrence en contreplaqué de peuplier, qui est léger, et sert ainsi à l’aménagement des intérieurs de campings-cars et de mobile-homes – permet certes de stocker du carbone. Mais il faut que le propriétaire replante car ce sont les arbres en croissance qui stockent du carbone », insiste le passionné. Depuis cette année, il est membre du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) : « Une des base-lines du CJD est « l’économie au service de l’Homme ». J’y ajouterais « et de la nature ».