La nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur

(Freepik)

Les États-membres ont deux ans pour transposer la directive dans leur droit national.

Le Parlement européen a adopté la directive controversée sur les droits d’auteur, censée mieux rétribuer les médias et les artistes à l’ère du numérique. Ce texte a été combattu par les grandes plateformes américaines qui ont effectué un lobbying sans précédent et par les partisans de la liberté du net. Les États-membres disposent désormais de deux ans pour transposer la directive dans leur droit national. L’objectif de la directive est de permettre aux créateurs de contenus de percevoir une plus grande partie des revenus générés par la diffusion de leurs productions et œuvres sur internet dans un marché dont les sommes en jeu sont colossales : la création artistique européenne équivaut à 536 Mds€ chaque année et sollicite 7 200 000 emplois.

Cette nouvelle répartition des revenus est soutenue par de nombreux artistes et par de nombreux médias. Le 21 mars, près de 300 dirigeants de journaux en Europe ont ainsi signé une tribune pour mettre l’accent sur l’aspect vital de la réforme pour les artistes et auteurs. Deux jours plus tard, le 23 mars, 171 personnalités (dont Jean-Jacques Goldman, David Guetta, Renaud, Louane, IAM, Zaz…) publiaient une autre tribune dans le JDD pour dénoncer l’attitude des « géants américains devenus des ogres ».

RÉPARTITION DES REVENUS

Concrètement, le nouveau partage du revenu des œuvres sera introduit par deux articles phares : l’article 15 (ancien article 11) et l’article 17 (ancien article 13). L’article 15 prévoit que les plateformes en ligne rémunèrent les éditeurs de presse dont elles utilisent les contenus (comme Google Actualités) : ce droit sera valable pendant deux ans après la publication d’un article de presse. L’article 17 concerne les plateformes qui autorisent leurs utilisateurs à publier du contenu par eux-mêmes (comme YouTube, propriété de Google, ou Facebook) : la directive leur impose de conclure des accords avec les auteurs et de filtrer les œuvres qui sont publiées (le cas échéant, d’empêcher la publication d’œuvres protégées).

Mais au-delà de l’idéal consensuel d’une meilleure répartition des revenus des œuvres, rien ne garantit que les créateurs (artistes, interprètes, journalistes…) récupèrent une part conséquente du gâteau. Dans des pays comme la France, ces derniers passent par de puissants intermédiaires pour faire valoir leurs droits : sociétés collectives de gestion des droits d’auteurs, telle que la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) dans le domaine musical, et éditeurs de presse, qui prélèvent aussi leur dû.

NOUVEAUX INTERMÉDIAIRES

De nombreux détracteurs reprochent à ces sociétés de gestion de droits d’auteur de ne pas redistribuer équitablement leurs gains et de favoriser les créateurs les plus célèbres au détriment des petits. Or, la nouvelle directive promet de donner un blanc-seing à ce genre de sociétés, qui deviendront alors les intermédiaires indispensables des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Le futur modèle du droit d’auteur à l’européenne promet donc un avenir moins rentable pour les Gafam, qui seront obligés de payer pour utiliser des contenus, mais la réforme du droit d’auteur ne se résume pas à un face-à-face entre une Europe régulatrice et des géants américains récalcitrants. De nombreux citoyens européens se sont mobilisés contre ce texte, craignant une législation liberticide et l’advenue d’un internet trop fermé.

La directive Droit d’auteur, comme toute directive, doit maintenant être retranscrite dans les droits de chaque État membre. Une occasion pour les opposants de faire à nouveau pression sur le législateur. D’européenne, la bataille va donc devenir nationale.