La nécessaire transition digitale des entreprises

Katia Euzen, directrice générale adjointe du groupe Digital, était venue parler du marketing stratégique digital. (Photo : Nastasia Desanti)

Les différents secteurs d’activité accélèrent leur transition vers le digital. Pour autant, l’entreprise du futur ne doit pas se contenter de basculer vers l’informatisation de ses données mais remettre en perspective tout son business model.

Aujourd’hui, le digital – anglicisme pour parler de tout ce qui touche au numérique – est partout. Le monde de demain sera connecté et les entreprises quelles qu’elles soient, doivent prendre le train en marche. Neoma BS, l’école de commerce de Reims, organisait à ce sujet une rencontre autour de la transformation digitale, ayant pour thème « Digitalisation du marketing & industrie du futur » et réunissant plus de 150 cadres dirigeants et chefs d’entreprises de toute la région. Cette conférence interactive était l’occasion de développer les véritables enjeux de la transformation numériques pour les entreprises.

Pour commencer, Thierry Vonfelt, délégué régional de Syntec Numérique, syndicat professionnel français de l’industrie du numérique a présenté un état des lieux de la transformation numérique. « Les initiatives de transformations s’accélèrent chez les entreprises, passant de 76% en 2017 à 89% en 2018. Ces initiatives s’accompagnent d’une évolution de leur modèle économique à hauteur de 43% en 2018 alors qu’il n’était que de 20 % en 2017 », explique celui qui est aussi vice président régional de la branche BETIC (bureaux d’étude techniques).

PROPOSER DU SERVICE

Thierry Vonfelt expose ainsi le fait que l’on passe d’un modèle où on est dans la vente de produits, à un autre où l’on propose du service. Pour cela, il s’appuie sur deux exemples distincts : le premier est celui de l’entreprise Sineu Graff, spécialisée dans la création de mobilier. De la vente de mobilier urbain, l’entreprise a opéré une transition vers un modèle de service. Elle met aujourd’hui à disposition, via la location, ses objets équipés de capteurs connectés. La facturation du produit se fait à l’usage, selon les besoins. On passe alors d’un modèle « B to B » à un modèle « B to C ».

Le second exemple est celui de l’entreprise Liebherr spécialisée dans le matériel de BTP, et qui, de la construction de matériel est passée à la mise en ligne d’un dispositif de gestion de parcs de véhicules et de flotte, pour les entreprises et l’industrie. Son système de transmission de données et de localisation LIDAT permet la gestion prédictive du parc de véhicules et fournit des informations aussi variées que le temps de fonctionnement et d’exploitation, la consommation de carburant, l’intervalle de maintenance ou encore les erreurs de manipulation. Ce nouveau système donne la possibilité à l’exploitant d’assurer une maintenance intelligente afin d’augmenter la disponibilité des machines et à Liebherr, d’assurer une planification efficace de l’intervention des techniciens SAV et des stocks de pièces de rechange.

« On constate un changement de culture dans la manière de consommer, beaucoup plus « à la carte ». Une société qui ne va pas mobiliser de grosses sommes pour la possession de matériel va pouvoir étaler ses dépenses, et quand elle devra sortir des fonds un peu plus importants, les consacrer à la recherche et développement par exemple », insiste Thierry Vonfelt.

UN NOUVEAU BUSINESS MODEL

La dématérialisation des biens s’accélère de plus en plus, on le constate avec le stockage de données sur le cloud. Les start-up n’investissent plus dans des gros serveurs qui demandent des coûts d’investissement et de maintenance énormes, ils achètent un service de traitement de stockage. « Il y a une véritable évolution du modèle économique grâce au big data. »

Cette nouvelle manière de concevoir l’entreprise se retrouve forcément dans une évolution du business model.
« L’Allemagne a deux ans d’avance sur nous », annonce le délégué régional de Syntec numérique. C’est pourquoi il existe de plus en plus de dispositifs d’accompagnement des entreprises vers cette transition du digital. « Il ne suffit pas de faire appel à des outils technologiques ou d’élargir sa présence numérique qui n’auront pour effet que d’avoir un gain de productivité sur un temps donné mais il faut aussi réfléchir en terme de changement de business model. » L’exemple par excellence est celui de l’entreprise Uber qui diversifie son activité et son offre de services à tous les secteurs d’activité : mobilité, restauration et aujourd’hui livraison de produits de luxe.

Ce nouveau business model, celui de la « servicisation », selon les propos de Thierry Vonfelt, s’applique à toutes les strates de la société. Ainsi, les collectivités font aujourd’hui appel à des entreprises spécialisées dans la digitalisation de la relation client afin d’anticiper les besoins de leurs citoyens. Fabrice Faradeche est co-gérant de la société « À votre avis », incubée chez Innovact et qui propose des outils à destination des collectivités pour les aider à anticiper les besoins des habitants, avec pour finalité, de redynamiser les cœurs de ville. « On a un modèle d’étude de consommation et un observatoire des réseaux sociaux qui permet aux mairies d’analyser les comportements d’achats de la population et son mode de vie. Nous avons repensé l’approche des études d’opportunités à une époque où les français passent 2 heures par jour sur internet. Notre solution consiste à exploiter les commerces (en centre-ville ou non), les espaces publics et les réseaux sociaux pour diffuser des questionnaires percutants via différents supports numériques. »

ANTICIPER LES BESOINS

À l’aide de sondages utilisant le marketing digitalisé via des questions à la sémantique très travaillée, la société
« À votre avis » est capable d’identifier les habitudes de consommation et les opinions sur tel ou tel système déployé par la ville. « Sur la vidéosurveillance par exemple, si on demande aux habitants s’ils sont pour, la majorité répondront « non », en revanche, si on leur demande s’ils sont pour des caméras de vidéosurveillance à la sortie des écoles et la nuit sur un parking, la réponse ne sera pas la même », précise Fabrice Faradeche. Idem sur le fait de fréquenter le centre-ville : l’entreprise va chercher à identifier quels types de personnes ne vient pas, pourquoi, et quels types d’enseignes ou installations il faudrait pour les faire venir.

Si cette démarche peut paraitre intrusive dans la vie des gens, les observateurs soulignaient tous que paradoxalement, la demande est aujourd’hui à la personnalisation extrême des services apportés aussi bien par les collectivités que par les entreprises privées. Et pour répondre aux besoins, il faut pouvoir les identifier. Le co-gérant d’À votre avis tient à préciser que « toutes les données sont protégées et régies par la loi RGPD ». Ainsi, elles ne doivent servir qu’au renseignement de la mairie et pas à d’autres entreprises à visées commerciales. « On évolue dans le monde des villes intelligentes de demain. Beaucoup de services sont dorénavant dématérialisés et le modèle même de fonctionnement des villes change. »

La ville de demain tout comme l’industrie se développe sur un modèle « 4.0 ». Cette nouvelle industrie s’affirme comme la convergence du monde virtuel, de la conception numérique et de la gestion avec les produits et objets du monde réel. L’industrie du futur est déjà en marche, a démontré Sébastien Foret, chargé de projets Usine du futur chez Grand E-Nov, l’agence d’innovation du Grand Est, créée sous l’impulsion de la Région et de la Chambre de commerce et d’Industrie. « Une PME du Grand Est a par exemple installé un robot collaboratif pour travailler sur une chaîne d’usinage. Ce bras articulé effectue des tâches en totale indépendance mais s’arrête dès qu’il est en contact avec une personne extérieure. »

Les façons de travailler évoluent donc. Dans l’industrie, les outils connectés permettent de suivre en temps réel l’avancée des tâches, de les corriger et en direct de gérer les commandes et les stocks avec les clients. « L’intelligence artificielle a été développée au service du marketing » souligne pour sa part Katia Euzen, Directrice générale adjointe du groupe DIGITAL, insistant sur le fait que « l’humain et le client restent toujours au centre ».

Thierry Vonfelt s’est intéressé aux enjeux de la transformation numérique. (Photo : Nastasia Desanti)