Alors que les vacances d’hiver viennent de débuter, Jean-Marc Silva, directeur général de France Montagnes, l’association de promotion de la montagne française, revient sur les nouveaux enjeux du secteur. Entretien.
Un mot tout d’abord sur France Montagnes. Quelles sont les missions de cette association ?
France Montagnes est née il y a tout juste dix ans de la fusion des Professionnels associés de la montagne, de Ski France International et de la mission presse de l’Association nationale des maires de stations de montagnes (ANMSM). Elle représente aujourd’hui, à travers ses vingt adhérents, l’ensemble des acteurs de la montagne française : les maires de stations de montagne, les exploitants de domaines skiables (DSF), les moniteurs de ski (ESF), les guides de haute montagne, la Fédération française de ski, les 1 200 magasins et fabricants de sports (Union Sport et Cycles, USC) mais aussi des aéroports, des hébergeurs, des agences touristiques régionales ou départementales… L’association mutualise entre 3 et 3,5 M€ de budget par an pour promouvoir la montagne toutes saisons à l’étranger sur nos pays cibles (Grande-Bretagne, Belgique et Pays-Bas) et en France. On l’oublie souvent mais les Français représentent 70 % de la clientèle qui vient en hiver en station. En résumé, nous sommes l’expert de la montagne française.
Qu’est-ce qui caractérise le début de saison d’hiver 2019-2020 ?
La confiance est au rendez-vous. C’est le troisième hiver que nous démarrons avec globalement un bon enneigement ; plus contrasté dans les Vosges, le Jura et le Massif Central. Sur les vacances de Noël, nous enregistrons une progression de +1,7 % sur nos six massifs par rapport à la saison dernière qui était déjà un bon cru. La semaine du Nouvel An a atteint des records, avec un grand beau temps et de la neige (NDLR, les stations pyrénéennes ont affiché un taux d’occupation moyen de 86,6 %). D’une manière générale et depuis quelques années, on constate aussi une meilleure accessibilité à la montagne liée à la multiplication d’hébergements hybrides aux tarifs plus abordables comme les hostels (qui mixent hôtels et auberges de jeunesse) et une montée en puissance généralisée des services tous établissements confondus. Des initiatives voient le jour également pour proposer une offre plus flexible de séjours, une alternative au classique « samedi/samedi ».
Comment s’annoncent les vacances d’hiver ?
Les réservations sont d’ores et déjà en légère hausse (+0,3 point), avec une forte demande pour la période du 15 au 29 février. Côté domaines skiables, à la date du 24 janvier, 84 % des pistes étaient ouvertes sur l’ensemble des 350 stations et sites de neige du territoire (NDLR, les stations des domaines N’Py affichent des taux de réservations de 70% du 8 au 15 février, 95% du 15 au 22 février, 100% du 22 au 29 février et 90% du 29 février au 7 mars).
On parle beaucoup de la diversification des activités en station. Quid du ski alpin ?
Le ski alpin reste la locomotive, il est numéro un et de loin des activités pratiquées en hiver en montagne : 73 % des clients s’y adonnent pendant leur séjour ! Le plaisir de la glisse reste unique, même si on skie sur une durée moins longue en raison notamment de remontées mécaniques plus performantes. D’où cette diversification vers de nouvelles activités pour répondre aux attentes de la clientèle.
Une diversification qui, dites-vous, positionne aussi la montagne comme le refuge du XXIe siècle. Pourquoi ?
Nos clients viennent souvent de grandes villes où la relation à la nature a presque disparu. Ils ont besoin de prendre l’air, de s’oxygéner, de se promener… La montagne, dont les atouts sur la santé sont prouvés, a toute sa légitimité en la matière. On assiste donc actuellement au fort développement des activités mixant nature et bien-être (y compris à ski qui peut aussi être un loisir contemplatif !) pour se reconnecter au milieu naturel, pour prendre soin de soi et de sa tribu.
Dans ce contexte, le ski de randonnée par exemple est en plein essor. Il répond aux exigences d’un public avide de grands espaces, de cardio, mais aussi d’un sport sans contraintes de logistique. Depuis 2014, le nombre de stations françaises proposant des infrastructures dédiées à cette pratique est passé de quatre à 52. On recense, à ce jour, plus de 100 itinéraires créés pour cette pratique (107 exactement). Tous les massifs français sont concernés. On note aussi une multiplication des itinéraires de promenade.
Plus largement, la montagne répond également à des attentes sociétales, à des valeurs de solidarité, de convivialité, de dépassement de soi tout en resserrant les liens familiaux. On peut y partager plus d’une cinquantaine d’activités dans une diversité de massifs, de stations et d’ambiances unique au monde.
Notre signature, « Une montagne de bienfaits pour vous », ne s’est jamais aussi bien portée !
Un atout aussi en cette période où la pollution est devenue la première préoccupation des Français ?
Nous avons la chance d’avoir six massifs d’une grande variété dans l’Hexagone et il y en a toujours un près de chez soi. C’est important de redécouvrir son propre territoire, de surcroît en cette période où la pollution effectivement et plus largement les enjeux climatiques sont devenus des préoccupations majeures. Nous avons à cœur de protéger ce terrain de jeu. Les stations de montagne agissent d’ailleurs depuis longtemps pour le préserver. Les ESF ont intégré depuis plusieurs années dans leur discours pédagogique les bonnes pratiques environnementales (« Fais ta trace sans laisser de trace »), les domaines skiables de France sont mobilisés avec tous les acteurs de la montagne pour faire de l’environnement une priorité, l’ANMSM récompense chaque année les bonnes initiatives avec les Trophées Cimes durables (NDLR, Saint-François Longchamp (73), Péone-Valberg (06) et Font-Romeu (66) ont été récompensés pour leurs initiatives en faveur du développement durable à l’occasion des trophées 2019), les magasins de sport (USC) respectent leur charte d’écoresponsabilité… À notre échelle, nous sommes par ailleurs à titre d’exemple, partenaire cette année du concours #preservetamontagne que vient de lancer France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. Jusqu’en janvier 2021, tout un chacun (stations, collectivités, particuliers, scolaires…) est invité à partager ses bonnes pratiques, initiatives ou idées en faveur d’un tourisme plus responsable.
France Montagne va lancer le 20 mars la 6e édition du Printemps du ski. Qu’est-ce qui caractérise cette opération ?
L’idée de départ, c’est de contribuer à agrandir la durée des saisons et la communauté des skieurs mais aussi d’œuvrer au renouvellement de la clientèle. Au printemps, les jours s’allongent, les températures sont plus douces. Les conditions sont propices pour débuter le ski d’où l’idée de cette opération. Cette année, nous lançons une offre de parrainage unique : à partir du 20 mars, un pack débutant adulte sera offert pour l’achat d’un pack skieur (enfant ou adulte) dans 27 stations parties prenantes sur l’ensemble des massifs. Ces packs seront délivrés pour une durée de trois à six jours, consécutifs ou non, et comprendront le forfait de ski, l’encadrement en école de ski et la mise à disposition du matériel. C’est la première fois qu’une telle initiative a lieu en montagne. Un skieur confirmé pourra aussi profiter de cette opération pour se faire parrainer et découvrir une autre discipline de glisse (snowboard, télémark…).
Pouvez-vous nous rappeler en quelques chiffres le poids économique de la montagne en hiver ?
Dans nos 350 stations ou sites de neige, nous accueillons en moyenne 10 millions de touristes chaque hiver dont sept pratiquent les sports de glisse. Un tiers des 205 millions de nuitées réalisées en montagne le sont sur cette saison, pour un chiffre d’affaires total de 11 Mds€. Côté emploi, plus de 120 000 dépendent de l’ouverture des stations (commerces, hébergements, domaines skiables, écoles de ski, services…). On compte notamment 18 000 salariés dans la branche domaine skiable et 20 000 moniteurs de ski (dont 17 000 appartiennent à l’ESF). Notons aussi que pour 1 € dépensé en forfait, 6 € sont dépensés par le client en station et que 350 M€ d’investissement sont réalisés en moyenne chaque année pour les domaines skiables.
Propos recueillis par Hélène Vermare pour RésoHebdoEco/reso-hebdo-eco.com