La Microville 112 prête à s’éveiller

30 hectares de terrain dont près de 60 000 m2 de bâti vont être cédés à la commune de Courcy dans la Marne. (Droits réservés)

Le projet de Microville 112, dans les tuyaux depuis 2018, franchit un pas de plus vers sa concrétisation, avec la mise en relation des notaires de l’État et de la commune de Courcy dans la Marne, afin de finaliser l’achat du terrain pour 1 euro symbolique.

Qu’il est long le temps de mise en place d’un projet, encore plus lorsqu’il s’agit de la création d’une Microville ! Au départ, une belle utopie… Celle de créer une collectivité sur le terrain de l’ancienne base aérienne, la BA 112, après le départ des militaires en 2011. Après des années d’interrogations, en 2018, le projet de requalification de l’ancienne zone de vie est acté et la mise en place de la machine administrative lancée.

L’objectif ? « Créer un véritable éco-système de territoires et de bâtiments à travers la mise en œuvre d’activités, résultats de choix stratégiques co-élaborés par les acteurs du territoires, les habitants, les exploitants et les futurs promoteurs », détaille Eric Nowak, co-fondateur et médiateur de l’Alliance Sens & Economie, l’entreprise coopérative d’intérêt collectif (SCIC-SAS) porteuse du projet.

Cette future ville, totalement dans l’air du temps, se voudra co-gérée, écologique, inclusive et solidaire.

« Dans l’idéal, nous aimerions que la notion de déchets n’existe pas », indique Eric Nowak. « C’est-à-dire que tout ce qui rentrerait sur le site, serait réutilisé. Une palette peut être transformée en de nombreuses choses par exemple. Le compost, le recyclage feront également partie de la manière de vivre. »

CRÉATION D’UNE NOUVELLE SCIC

Le but est aussi d’utiliser le bâti existant pour le réaménager, le transformer, en accord avec la philosophie de la Microville, tout en contrôlant les coûts. Les anciens bâtiments où logeaient les militaires pourraient être transformés en chambres d’étudiants. En revanche, les hébergements dédiés à l’inter-générationnel, aux personnes à mobilité réduite et aux familles, soit une projection d’environ 400 habitants nouveaux sur la commune de Courcy, feront partie de programmes immobiliers neufs.

Une cinquantaine de projets sont actuellement à l’étude et n’attendent plus que la cession des 90 hectares de terrains de l’Etat à la commune de Courcy, pour véritablement lancer les installations. Une fois les actes notariés signés et le transfert de propriété acté, une nouvelle SCIC de développement territorial verra le jour, regroupant comme membres fondateurs la commune de Courcy et l’Alliance Sens & Economie. Selon leur investissement, d’autres membres pourraient venir compléter la SCIC. Ainsi, les bâtiments et les terrains de l’ex BA 112 seront la propriété de cette nouvelle Société Coopérative d’Intérêt Economique. Selon les négociations qui seront engagées, les porteurs de projets pourraient devenir locataires ou gérants de l’équivalent d’un fonds de commerce ou même éventuellement propriétaires.

ÉMULATION ET SYNERGIE

Selon les secteurs, les installations sont plus ou moins pressées. « C’est important d’avoir une émulation commune et une vraie synergie, d’où l’utilité de la commission citoyenne », explique Valery Masclaux, propriétaire de la brasserie Masclaux à Berméricourt, à quelques kilomètres à peine de l’ancienne BA 112.

Son projet est d’investir un endroit où il pourrait développer une activité complémentaire à celle qu’il a déjà,
« avec un espace plus dédié à la découverte du brassage, à la dégustation et à la restauration, dans la continuité de l’esprit du lieu. » Le brasseur a déjà son idée de là où il aimerait être dans la Microville, mais « n’est pas seul sur les rangs ». Plusieurs visites du site ont en effet déjà été organisées avec les porteurs de projets, aussi diversifiés qu’une start’up de transformation numérique, une entreprise d’équitation, une société de loisirs, un spécialiste en biodiversité et permaculture ou encore une association d’initiation à l’art et à la culture.

Alban Martin est quant lui gérant d’Innovteam, une entreprise proposant des sports innovants pour tous types de public. Déjà propriétaire du paintball de Witry-lès-Reims, il s’enthousiasme de « faire partie d’un cercle vertueux et d’apporter une activité physique au plus grand nombre, aussi bien à des personnes valides qu’à d’autres ayant un handicap. » Depuis 18 ans qu’il travaille dans l’univers du social, c’est la première fois qu’un projet global comme celui de la Microville 112 correspond parfaitement à ses valeurs.

UNE RÉUNION DE PROFESSIONNELS DU BÂTIMENT

« Nous avons reçu à plusieurs reprises les porteurs de projets », confie Martine Jolly, la maire de Courcy. « Si certains n’entraient pas complétement dans le cadre de ce que nous souhaitions, nous leur avons demandé de retravailler leur proposition ou de se mettre en relation avec d’autres personnes pour être conseillés. »

Aujourd’hui, les différents acteurs de la Microville 112 n’ont jamais été aussi près de la mise en œuvre concrète du projet. Concernant le terrain en lui-même, le Grand Reims a pris sa part en mettant en place le raccordement pour l’assainissement ainsi que pour l’eau potable. « Nous avons trouvé une oreille attentive auprès de Catherine Vautrin, la présidente du Grand Reims », souligne la maire de Courcy. « Cela nous permet de gagner du temps sur la signature de la cession des terrains. » Les notaires de l’État et de la commune ont été mis en relation, pour une signature espérée en début d’année 2020.

Par ailleurs, une assemblée de professionnels et d’experts du bâtiment (aménagement, urbanisme, architecture, programmation, construction, promotion, développement durable) nommée « Taskforce M112 » a été formée afin de conseiller au mieux les porteurs de projets et d’appréhender concrètement ce qui va pouvoir être fait au niveau des bâtiments et des terrains. La BA 112 désertée était « une petite ville endormie, livre ainsi Martine Jolly, maintenant, tout est fait pour qu’elle se réveille enfin ».

UN PROJET QUI FAIT DES ÉMULES

Les projets économiques de développement de territoire, co-construits et durables portés par Alliance Sens & Economie se multiplient. Ainsi, dans le Jura, un nouveau projet est en cours de finalisation. Cette fois, la problématique est différente, dans la mesure où il ne s’agit pas de faire revivre un site dans son ensemble mais de réinvestir de l’immobilier vacant, disséminé à différents endroits de la communauté de commune Arbois, Poligny, Salins, Cœur du Jura. Une ancienne prison, des habitats vétustes ou encore un ancien centre d’une association viticole sont concernés, ce qui équivaut à environ 20 000m2. « Nous sommes dans la phase d’amorçage d’une nouvelle SCIC Cœur du Jura, confie Christophe Besson-Léaud, président et co-fondateur d’Alliance Sens & Economie. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) va être lancé en décembre pour faire émerger de nouveaux projets et usages sur les 20 000m2 vacants. » Plu- sieurs thématiques sont dans les esprits, en lien avec les lieux. Ainsi, des sociétés ou associations liées à l’activité industrielle, viticole, thermale ou encore Pasteur ou les biotechnologies auront toute leur place dans ces nouveaux espaces. Co-construire ailleurs en France, mais aussi à l’étranger. Ainsi, c’est en Tunisie, dans la ville côtière de Ras-Jebel que se sont rendus Martine Jolly ainsi que les fondateurs d’Alliance Sens & Economie à l’occasion des rencontres internationales.
« Nous sommes intervenus dans le cadre d’ateliers mettant en lien les projets économiques de développement durable de territoire et les initiatives de co-développement et nouvelles pratiques », indique Christophe Besson-Léaud. Preuve en est que la Microville intéresse au delà de ses frontières, l’UNESCO se penche aussi sur la possibilité de mettre en place un réseau dans lequel se retrouveraient toutes les initiatives innovantes de développement de territoire sur le modèle de la Microville 112.