La méthanisation séduit les agriculteurs

Les représentants de l’exploitation agricole Labbé (Chappes, Ardennes) et les élus ardennais du Conseil régional du Grand Est ont présenté les aides au développement de la méthanisation. (Photo : Philippe Demoor)

Le Conseil régional encourage le développement de méthaniseurs agricoles. Exemple dans les Ardennes où dix projets sont en cours.

En apportant 1million d’euros à six projets de méthaniseurs ardennais, le Conseil régional Grand Est facilite un investissement total de 12 M€ par les agriculteurs. « Ils investissent dans les territoires, cela conforte et crée des emplois durables et non délocalisables », apprécie Pascale Gaillot, vice-présidente de la Région. Avec actuellement 122 unités en fonctionnement et 50 en projets, le Grand Est revendique son statut de première région de France. « Pour les agriculteurs, la production d’énergie permet de compléter les revenus, de les sécuriser face aux fluc- tuations du marché et du climat », précise l’élue.

Dans les Ardennes par exemple, 22 méthaniseurs sont en service et ils seront bientôt rejoints par 10 nouvelles installations. Leur modèle repose principalement sur l’élevage dont les effluents alimentent la méthanisation.
« Une unité fonctionne comme une vache », sourit Thomas Samyn, éleveur et représentant des Jeunes Agriculteurs ardennais : « Notre département est le premier bassin bovin du Grand Est. Il est important d’accompagner la méthanisation des éleveurs plutôt que celle d’industriels ». Sur les dix projets en cours dans les Ardennes, six représentent un investissement compris entre 1,5 et 2 M€ pour financer des installations produisant moins de 300 kW. D’autres unités plus importantes sont accompagnées par l’Ademe.

SÉCURISER L’APPROVISIONNEMENT DU MÉTHANISEUR

Ces équipements sont également soutenus par les fonds européens et le montant de subvention atteint par exemple 16 % dans le cas du projet d’Eric Labbé, à Chappes (près de Rethel). « L’activité de notre exploitation dépend à 70 % des vaches laitières pour qui nous envisageons d’ailleurs d’acheter un deuxième robot. Nous pensons à la méthanisation depuis des années et nous avions d’abord envisagé un projet collectif mais c’était compliqué à monter. Nous avons décidé de créer une unité de cogénération qui produira près de 2 000 MWh d’électricité à partir de 9 650 tonnes d’intrants dont 6 000 de notre exploitation. La production complémentaire de 1 000 MWh de chaleur séchera des produits (céréales, fourrages) et chauffera la laiterie et les salles de traite », présente l’agriculteur qui investit 2,2 M€.

DIFFICILE DE CONJUGUER MÉTHANISATION ET INSTALLATION D’UN JEUNE AGRICULTEUR

Pour ce projet, la complexité administrative est augmentée par celle de préparer en parallèle l’installation d’un jeune agriculteur, hors cadre familial. L’éleveur et les représentants agricoles soulignent justement la nécessité de faciliter ces opérations. Dans la méthanisation, il faut aussi lever les craintes de la population, en l’occurrence celles du maire du village inquiet pour la voirie, les nappes phréatiques et l’approvisionnement de l’unité. Si les experts se montrent rassurants, les élus conviennent de la nécessité de faire preuve de pédagogie. Certains habitants ont en tout cas été tellement convaincus qu’ils ont sollicité l’agriculteur pour participer financièrement :
« Nous avons réfléchi et accepté de nous ouvrir au financement participatif local ».

« Ce projet est exemplaire, il correspond à la mutation de notre société. Nous avons l’ambition de faire des Ardennes un département exportateur de cette énergie renouvelable qu’est le gaz des champs », annonce le député Jean-Luc Warsmann. « L’agriculture rend ainsi un deuxième service en produisant de l’énergie en plus de nourrir les Hommes », s’enthousiasme-t-il.

Pour faciliter ce développement, le Conseil régional et l’Ademe financent également les études de faisabilité (jusqu’à 70 %, avec un plafond de 30 000 €) et la Chambre d’agriculture se charge d’accompagner les porteurs de projet. À noter également que le Pacte Ardennes doit financer la création d’une unité expérimentale pour effectuer des formations et mettre en place un outil de financement des projets d’énergies renouvelables.