La luzerne comme culture d’avenir

Luzerne

Christian Huyghe de l’IRAE s’est attaché à traiter l’enjeu de la demande locale et internationale de protéines végétales.

La deuxième édition du Symposium Luzerne s’est déroulée au Capitole de Châlons-en-Champagne, multipliant par trois le nombres de ses visiteurs, de 450 en 2017 à plus de 1 200 cette année. À la tribune, les experts se sont succédé pour parler de cette plante d’avenir.

Le symposium devait débuter par une intervention du ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume. Mais « faute à un agenda trop chargé », ce dernier ne s’est pas rendu à la rencontre des agriculteurs présents sur place. C’est dommage, car ces derniers auraient bien aimé connaître la position du gouvernement sur ce mode de culture prometteur, dans un contexte où les éleveurs et cultivateurs sont victimes d’agri-bashing et où le métier est appelé à se réinventer dans ses pratiques, aussi bien dans l’utilisation de produits phytosanitaires que dans sa production d’éléments carbonés. Las. C’est l’économiste optimiste Philippe Dessertine qui est venu remonter le moral des troupes avec une conférence sur le modèle agricole français.

« La France est la première puissance agricole européenne avec une production estimée à 75 milliards d’euros en 2019. L’agro-alimentaire pèse 185 milliards d’euros en France, c’est le deuxième secteur de l’économie, juste derrière la Finance », assène d’entrée de jeu l’économiste. « Le rôle de l’agriculture est capital et stratégique car il nourrit les gens. » Le problème pour Philippe Dessertine ? L’image. « L’agriculture est vue encore comme au 19e siècle. La première des reconquêtes doit donc être celle de la communication. » Car le métier d’agriculteur, lui, avance avec son temps. « C’est le premier secteur qui utilise les nouvelles technologies comme les drones, devant l’armée ! » Changer de manière de produire, utiliser des nouvelles techniques mais aussi de nouvelles cultures, comme la luzerne donc.

4 KG DE PROTÉINES VÉGÉTALES POUR 1 KG DE PROTÉINE ANIMALE

En France, 300 000 hectares (à peine pourrait-on dire) sont cultivés avec de la luzerne contre plus de 6 millions pour le blé. La Champagne-Ardenne en est la première région productrice en France, avec des entreprises comme Luzéal ou Téréos. Or, cette plante fourragère millénaire (découverte en Asie mineure il y a 9 000 ans) présente de nombreux atouts. Les protéines tout d’abord. « La luzerne est la culture qui produit le plus de protéines à l’hectare », indique Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Institut national de la recherche agronomique. « Elle est à la fois une bonne ressource pour s’alimenter mais aussi idéale pour un bon fonctionnement des plantes. » Les animaux la consomment ainsi sous forme de foin ou de granulés, elle représente la partie protéine de leur alimentation tout comme le soja, son principal concurrent aujourd’hui, mais importé. « Il faut 4 kg de protéines végétales pour faire 1 kg de protéine animale », précise le chercheur.

Outre son fort apport protéique, la luzerne est aussi une plante économique à cultiver puisqu’elle a n’a pas besoin d’engrais et en fait une très bonne culture de transition. « C’est ce que l’on nomme la fixation symbiotique de l’azote de l’air. » Elle joue par ailleurs un rôle épurateur des sols trop chargés en nitrates grâce à ses racines qui s’enfoncent très profondément et qui nettoient les sols. « Il faut apprendre à intégrer la valeur environnementale d’un produit », explique Christian Huygue pour qui un des leviers de changement de modèle est d’optimiser les rations alimentaires animales tout comme augmenter la part des légumineuses dans les cultures agricoles.

Et si la luzerne est cultivée pour deux ou trois ans et nécessite d’être coupée quatre fois par an, une partie de la récolte est déshydratée, c’est à dire séchée dans des fours pour conserver toutes ses qualités durant plusieurs mois. La luzerne participe ainsi à une agriculture durable et à la biodiversité.