La lutte contre la pauvreté en phase plus opérationnelle

Amine Amar

Amine Amar, haut-commissaire à la lutte contre la pauvreté en Occitanie depuis septembre dernier.

La troisième conférence régionale relative à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée par le gouvernement, a eu lieu le 13 décembre à Toreilles. Retour sur les dispositifs qui vont jalonner l’année 2020.

«On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens sont quand même pauvres », constatait Emmanuel Macron en juin 2018. Mais concrètement, comment résorber ce fléau en Occitanie, l’une des quatre régions de l’Hexagone les plus touchées par le phénomène de pauvreté, frisant les 18 % contre 14 % au niveau national ? Qui plus est, les écarts sont très importants d’un département à l’autre : la Haute-Garonne obtient ainsi un taux de 13 %, légèrement en dessous de la moyenne nationale quand le taux de pauvreté dans l’Aude s’élève à 21,4 %. C’est à Toreilles, le 13 décembre dernier, que se sont réunis près de 200 acteurs de la prévention et de la lutte contre la pauvreté, afin d’engager une phase plus opérationnelle dans le déploiement de la stratégie nationale : « Cette rencontre a permis de prendre acte des priorités de chacun des groupes de travail. La table ronde relative à la participation a rappelé l’importance de mettre en œuvre ces priorités avec les personnes concernées. Les témoignages de deux jeunes au RSA et deux jeunes aidés par une mission locale, ont constitué un véritable temps fort », rappelle Amine Amar, haut-commissaire à la lutte contre la pauvreté en Occitanie depuis septembre dernier et qui a présidé les débats à la place d’Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

550 ACTEURS RÉGIONAUX

Au total, plus de 6 000 acteurs et 18 hauts-commissaires interviennent sur l’ensemble des régions et départements, engagés au côté de l’État à travers des conventions de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi. La route est encore longue pour venir à bout des promesses engagées. Les 550 acteurs régionaux doivent travailler de concert avec l’État mais aussi les entreprises mobilisées dans le plan « 10 000 entreprises pour l’inclusion et l’insertion professionnelle ». En Haute-Garonne, une centaine d’entreprises a décidé de relever le défi, mais il est encore trop tôt pour dresser un bilan. « Il existe déjà un engagement assez spontané des entreprises ou de leurs organisations représentatives. Elles seront particulièrement sollicitées à partir de 2020 pour faciliter, à travers leurs commandes, les structures d’insertion qui doivent passer de 140 000 emplois aujourd’hui à 240 000 à l’horizon 2022 », explique Amine Amar.

UN ACCOMPAGNEMENT PLUS GLOBALE AVEC LE SPI

Le retour dans la vie active des publics accompagnés est le principal cheval de bataille du haut-commissaire, comme il l’a martelé lors de la conférence: « Notre conviction est que non seulement nul n’est inemployable, mais que tout le monde est employable ». Cette priorité fait partie d’une série d’engagements, depuis la garantie les droits fondamentaux des enfants et les actions pour les familles précaires, en passant par des plans de formation de la jeunesse et les dispositifs pour les jeunes décrocheurs, dont un meilleur accompagnement pour lever les freins à l’emploi et des dispositifs pour les allocataires des minima sociaux livrés à eux mêmes.

Au niveau national, la stratégie de lutte contre la pauvreté comprend la mise en place du revenu universel d’activité (RUA), résultant de la fusion du RSA, de la prime d’activité, une réforme des allocations personnalisées au logement (APL), et du service public de l’insertion (SPI) qui devraient entrer en vigueur au cours de l’année 2020. « Ces solutions poursuivent, entre autres objectifs, celui de ménager une différence substantielle entre les revenus tirés de l’activité et ceux tirés de la solidarité. Ceci pour inciter davantage à la reprise d’un emploi. L’équilibre entre droits et obligations du bénéficiaire constitue la pierre angulaire de ces dispositifs tel que développer l’accès au droit et renforcer l’accompagnement en contre-partie d’un engagement des bénéficiaires dans la démarche d’insertion dans l’activité », détaille Amine Amar. Le SPI ambitionne, par le biais d’un référent, de traiter l’ensemble des freins à l’emploi d’un bénéficiaire et d’assurer une communication fluide entre chaque institution grâce à un système d’information harmonisé, « comme un guichet unique virtuel ».

LES JEUNES DANS LE VISEUR

Toulouse Métropole est pour l’instant la seule métropole avec Nantes à avoir signé une convention, particulièrement destinée à accompagner les jeunes en difficulté.

Côté régional, la formation des jeunes est également dans le viseur de la collectivité. Concrètement, en 2020, Toulouse Métropole va développer sur son territoire le programme TAPAJ (travail alternatif payé à la journée) visant des jeunes entre 16-25 ans en situation de vulnérabilité. « Cette approche globale, alliant des préoccupations de santé, d’insertion sociale, de remobilisation vers un parcours de droit commun, doit permettre à ces jeunes de bénéficier du partenariat entre la structure médico-sociale, la structure d’insertion par l’activité économique et les entreprises ou services publics auprès desquels les jeunes sont mobilisés. 1 000 jeunes devraient en bénéficier dès cette année ». Aussi, dans le cadre de la mise en place de l’obligation de formation jusqu’à 18 ans, les missions locales de Toulouse Métropole et de Haute-Garonne vont, dans le premier semestre 2020, recenser les publics mis à l’écart afin de construire, avec les intéressés, un parcours favorisant leur insertion. L’objectif étant d’éviter la marginalisation ou la désocialisation. Parmi d’autres dispositifs, le contrat garantie Jeune semble porter ses fruits, comptant 10 493 bénéficiaires en 2009 soit une progression de 14 % par rapport à 2018. « Une étude de la Dares (avril 2019) constate que l’emploi progresse parmi les jeunes bénéficiaires après l’entrée en Garantie jeunes, en particulier l’emploi durable. 29 % des bénéficiaires sont en emploi huit mois après l’entrée en dispositif, 41 % au bout de 19 mois », précise le haut-commissaire.

Toujours dans le domaine de l’emploi, la Garantie d’activité dédiée aux personnes les plus éloignées de l’emploi propose une nouvelle offre d’insertion qui associe approche sociale et insertion professionnelle. L’une des modalités pratiques est « l’accompagnement global » qui combine l’intervention coordonnée d’un travailleur social pour lever les freins périphériques à la recherche d’emploi (logement, endettement, addictions…) et celle d’un conseiller Pôle Emploi. « Les premiers résultats sont encourageants. En effet, les taux de sorties positives sont plus importants que dans le cadre d’un accompagnement classique (plus 30 %) ». Entre 2018 et 2019, la région a par ailleurs connu une augmentation de 26 % du nombre des bénéficiaires.

Cependant, le panel des solutions doit être élargi pour prendre en compte l’ensemble des freins à l’emploi comme la garde d’enfants. À ce titre, le haut-commissaire soutient le Bonus territoires qui permet l’ouverture des crèches dans des quartiers prioritaires. « Ce dispositif rend les structures plus efficaces. L’objectif est de lutter contre les inégalités et en même temps de permettre aux parents de pouvoir dégager du temps pour se réinsérer professionnellement. Pour moi, c’est de cette façon qu’il faut réfléchir ».

LUTTER CONTRE LES PRIVATIONS

Enfin, aujourd’hui trop d’enfants grandissent dans un environnement précaire. L’objectif est ainsi de diviser de moitié le taux de privations matérielles des enfants pauvres. 5100 enfants scolarisés dans 91 écoles ont ainsi eu accès dès le troisième trimestre 2018-2019 à des petits-déjeuners à l’école, dans les académies de Montpellier et de Toulouse. Pour prévenir les familles de l’endettement, 21 points de conseil budget (PCB) ont fleuri dans la région qui expérimente le dispositif. Une dizaine de PCB supplémentaires devraient voir le jour d’ici décembre prochain.

Actuellement la région compte plus de 2 150 personnes vivant dans des bidonvilles ou des squats. En Haute- Garonne, ce sont 337 personnes qui n’ont pas de toit décent. « En 2018, 67 ménages ont accédé à un logement autonome en Haute-Garonne. Une action conjointe entre les services de l’État et la ville de Toulouse a permis de disposer de 140 logements. La stratégie du « logement d’abord » est étroitement articulée avec les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi et de scolarisation », souligne le haut- commissaire, inspecteur général de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, qui dispose d’une feuille de route bien remplie pour 2020.

En 2019, l’Occitanie s’est vue dotée d’une enveloppe de 14 M€ pour lutter contre la pauvreté, qui devrait atteindre 17 M€ en 2020.

Amine Amar, haut-commissaire à la lutte contre la pauvreté en Occitanie depuis septembre dernier.