La guerre des trachées

Swallis

Linda Nicolini. Elle a créé Swallis Medical, qui développe un collier muni de capteurs qui contrôle et améliore la déglutition des patients.

Selon diverses études médicales, entre 10 et 30 % de la population traitée dans un hôpital présente une dysphagie, ou trouble de la déglutition – un chiffre qui monte à plus de 40 % chez les patients de plus de 65 ans, et qui explose chez les victimes d’AVC. Une difficulté à faire passer les aliments solides ou liquides de la bouche à l’estomac qui n’a rien d’anecdotique, puisqu’à l’occasion des fausses routes chroniques dans le système respiratoire, la dysphagie peut entraîner une pneumonie, avoir un impact sur la qualité de la vie, porter à l’isolement, la dépression ainsi qu’une anxiété liée à la prise des repas. « On estime que 23 millions de personnes sont concernées par les troubles de la déglutition en Europe, et il y aurait jusqu’à cent mille morts dues aux complications comme la pneumonie! », souligne Linda Nicolini.

Entrepreneuse toulousaine, celle-ci dirigeait en 2017 une entreprise strasbourgeoise, Protip Medical, spécialisée dans les prothèses du larynx, quand « nous nous sommes rendus compte, avec mon équipe, que les spécialistes du larynx mettent le stéthoscope sur le cou du patient pour écouter les bruits émis pendant la déglutition, car ces derniers renseignent sur une pathologie. Or, la limite de cette méthode, c’est qu’elle dépend entièrement de l’oreille du médecin : c’est très subjectif, sans parler des bruits qu’il y a autour ! Donc il n’y a pas d’échelle d’évaluation unique, d’autant que le médecin ne peut pas se souvenir le mardi de ce qu’il a entendu le lundi… Tout comme il lui est difficile de décrire ensuite le bruit à ses collègues ! C’est pourquoi avec une équipe d’ingénieurs, nous avons cherché comment objectiver ces bruits, en les enregistrant grâce à différents capteurs qui perçoivent différents signaux : du son, de l’accélérométrie, des vibrations, etc. Autant d’informations qui sont ensuite affichées sur un écran, ce qui donne au médecin une connaissance bien plus fine que l’auscultation à l’oreille ».

En 2018, un premier prototype est créé, « qui fonctionne plutôt bien » puis, l’année suivante, Linda Nicolini a racheté le projet et crée Swallis Medical et revient fin 2019 à Toulouse, où la start-up est désormais hébergée par l’incubateur régional Nubbo. Travaillant en collaboration avec l’unité de la voix et de la déglutition du CHU de Toulouse ainsi qu’avec l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (Irit), l’entrepreneuse a déjà reçu le prix Innov’Pôle Santé de l’hôpital, et compte commercialiser son collier multicapteurs auprès des établissements de santé et des cabinets libéraux, « et éventuellement mettre en place une solution de leasing pour les orthophonistes ».

En attendant, Linda Nicolini prépare une levée de fonds « entre 600 K€ et 1 M€ » qui, espère-t-elle, aboutira fin mars, et qui devrait servir à recruter un ingénieur, un orthophoniste et un développeur informatique dès cette année. La jeune société vise un chiffre d’affaires entre 1 et 2 M€ en 2022.