Fermeture des marchés, activité traiteur en berne… les producteurs et commerçants compensent leur perte d’activité grâce au drive et à la vente à emporter. Avec un succès assez spectaculaire au niveau des drive fermiers.
La fermeture administrative des restaurants, traiteurs, bars et marchés oblige certaines professions à se réinventer face à la baisse spectaculaire des commandes et de l’activité. Boucher-charcutier-tripier historique de Reims, la Maison Audinot a dû mettre fin à ses activités traiteur et marchés dès l’annonce du confinement. Une contrainte qui coûte 40% du chiffre d’affaires de l’entreprise et qui a entraîné la mise au chômage partiel de 17 des 26 salariés de Pascal Audinot. « Dès le 15 mars, nous avons immédiatement mis en place une nouvelle organisation », précise ce dernier. « Nous avons envoyé des SMS et des mails à nos clients et nous avons communiqué sur les réseaux sociaux. »
Les marchés rémois étant fermés, le camion vendeur panoramique est utilisé pour remettre aux clients les commandes passées la veille. « Toutes les commandes sont préparées en laboratoire et mise dans des cartons. Puis les clients viennent les retirer selon un protocole que nous avons mis en place dans la cour, avec une table en inox un paiement par carte bleue uniquement, la machine étant désinfectée après chaque paiement ». Une organisation qui vient compléter celle de la vente à emporter au magasin, où un marquage au sol a été créé, avec des plexiglas installés à la caisse entre clients et vendeurs.
Pour Pascal Audinot, « il y aura un avant et un après coronavirus : quoi qu’il advienne, nous sommes obligés de nous orienter vers la vente en ligne. »
Et s’il parvient à maintenir sa recette journalière en boutique bien qu’étant ouvert sur une demi-journée seulement, il déplore la fermeture des marchés rémois, qui représentent un préjudice quotidien de 1200 à 1500 euros en terme de chiffre d’affaires.
Point positif à cette situation cependant, outre une météo printanière clémente qui a favorisé les envies de grillades locales, la Maison Audinot voit apparaître de nouveaux clients parmi ses commandes par téléphone ou par mail. « Cela ne suffira pas à augmenter notre chiffre d’affaires mais cela nous permettra seulement d’empêcher qu’il dégringole davantage », insiste Pascal Audinot.
LE BOOM SPECTACULAIRE DU DRIVE FERMIER
Grands gagnants de la crise, les drive fermiers. Alors que les marchés ont fermé dans de nombreuses villes, les consommateurs se tournent plus aisément vers les structures de distribution de produits locaux en circuits courts. Dans les Ardennes les commandes passées dans les drive fermiers créés par la Chambre d’agriculture n’en finis- sent pas de se développer.
« Avant le confinement, nous comptabilisions environ 80 commandes dans nos points de distribution. La semaine précédant Pâques nous avons atteint les 325 commandes ! », révèle Sarah Bourtembourg, élue secrétaire du bureau de la Chambre d’Agriculture des Ardennes, référente des circuits de proximité et présidente de l’association des drive fermiers des Ardennes.
Depuis 2015, la Chambre d’agriculture a mis en place quatre modes de distribution : en drive à Charleville-Mézières, Sedan et Saint-Laurent et un partenariat de livraison à domicile avec La Poste. « Habituellement nous avons entre 5 et 10 livraisons avec La Poste. Actuellement nous approchons plutôt les 40 commandes hebdomadaires. »
Un succès qui confirme l’attrait des Ardennais pour les produits frais locaux : légumes, fruits, viandes, produits laitiers… vendus par les quelque 25 producteurs du territoire, membres de l’association. Si côté sanitaire, tout est mis en œuvre pour garantir la sécurité du personnel comme des clients : masques, gel hydroalcoolique, gants… les seuls petits problèmes ponctuels rencontrés concernent la disponibilité de certains produits, victimes de ce succès soudain. « Nous sommes forcément tributaires de la météo pour certains produits comme les salades, par exemple. Avec d’autres produits comme les yaourts ou le lait nous parvenons à nous ajuster, mais le consommateur devra s’y habituer et accepter que certains produits soient parfois en rupture. »
Alors que dans les Ardennes 300 exploitations proposent de la vente en direct au consommateur, la secrétaire de la Chambre d’agriculture souligne que le département a largement de quoi faire face à cet engouement pour le consommer local. « Il y a encore beaucoup de place entre l’offre et la demande au niveau des circuits courts dans les Ardennes. On espère que les gens continueront à soutenir la production locale. »
NOUVELLE ORGANISATION, EMBAUCHES ET PRIX STABLES
Un sentiment partagé chez les Marnais de Sacrés Fermiers. « Tous les indicateurs sont au vert de notre côté. La période est plutôt favorable à la fréquentation de nos magasins », admet le producteur Alexandre Blondeau, l’un des représentants de Sacrés Fermiers, à Cernay. « D’une part en raison de la fermeture des marchés traditionnels et d’autre part car les gens sont de plus en plus en recherche de produits frais et demandeurs en produits locaux. » Un alignement des planètes qui fait bondir la fréquentation du site. Là où habituellement il accueille environ 200 personnes par jour, le drive de Cernay reçoit près de 350 clients quotidiens en semaine. « On remarque aussi que les habitudes changent : d’habitude la semaine est plutôt calme. En ce moment, nous recevons du monde tous les jours, et pas uniquement à l’approche du week-end. La semaine avant Pâques, nous avons plus que doublé notre fréquentation. »
Nouvelles habitudes et nouvelle clientèle puisque le bouche-à- oreille fonctionne à plein, tout comme la communication sur internet. Alexandre Blondeau espère que ces comportements s’inscriront dans la durée, après confinement. « Nous sommes bien conscients que la période nous est particulièrement favorable mais nous espérons que cette euphorie se poursuivra ensuite. »
En attendant, les responsables ont mis en place tout un protocole d’accueil des clients, de désinfection des caddies et de gestion des flux dans le magasin, afin d’assurer la sécurité des clients et du personnel. Deux personnes ont d’ailleurs été spécialement embauchées pour aider à faire face à cette augmentation d’activité.
Aujourd’hui, la principale préoccupation de la cinquantaine de producteurs des Sacrés Fermiers réside finalement dans les capacités de production et d’approvisionnement du magasin.« Notre inquiétude principale c’est de pouvoir fournir le magasin en permanence, nous avons parfois quelques ruptures de stocks face à une forte demande. Mais si on vit cette euphorie, c’est aussi parce que contrairement à ce qui se passe sur certains marchés qui sont restés ouverts, chez nous les prix sont restés les mêmes… »