Si le plus gros schéma régional (1 600 pages) répond à l’urgence climatique et aux inégalités territoriales, son application sera longue, avec des échéances à 20 et 30 ans et des prescriptions, la limitation de la gestion locale du foncier en tête, crispantes pour l’opposition.
Baptisé « Grand Est Territoires », le SRADDET, Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires est un schéma transversal (il concerne la quasi-totalité des politiques régionales), intégrateur (il absorbe des schémas préexistants) et prescriptif (il s’impose aux territoires). Au titre des politiques concernées, on peut noter l’équilibre et l’équité des territoires, le développement des
transports et leur intermodalité, l’habitat et la gestion économe de l’espace, la maîtrise
de l’énergie et la lutte contre le changement climatique,la préservation de la biodiversité, la prévention et la gestion des déchets …
Ce schéma, co-construit avec l’ensemble des acteurs concernés durant trois années (mobilisation de 5 000 acteurs, 300 contributions écrites et avis de territoires et partenaires et 1 200 avis lors de l’enquête publique), répond à deux enjeux prioritaires : l’urgence climatique et les inégalités territoriales. Le Conseil régional le décline en 30 objectifs.
La première priorité vise la construction d’une région, à énergie positive et bas carbone, qui économise son foncier naturel, agricole et forestier et qui organise des mobilités douces et des modes de consommation raisonnable. La seconde priorité vise la construction d’une région ouverte, aux territoires connectés (fibre optique pour tous d’ici à 2023), la solidarité et la coopération des villes et des villages et l’émergence d’une attractivité économique et touristique et surtout une mutualisation des coûts d’équipement qui fait dire à Franck Leroy, Majorité régionale, Vice-président délégué à la cohésion territoriale : « Expliquez-nous comment une commune, toute seule, peut espérer voir arriver le Très Haut Débit ? »
LA MAÎTRISE DU FONCIER OBJET DE POLÉMIQUE
Plusieurs élus d’opposition évoquent le niveau de concertation de la gestion du foncier. C’est le fond des interventions de Pascal Erre pour le RN : « Tout passe par les métropoles » ou d’Hélène Collin, pour les Socialistes : « Des pactes villes moyennes avec 37 villes alors que la région compte 5 197 communes. Nous réitérons notre proposition à savoir la mise en place de contrats de territoire à une échelle qui respecte le principe de proximité ». Cette interrogation sur le foncier n’est pas propre au Grand Est, elle trouve des échos dans d’autres régions. À l’échelle qu’elle s’est fixée, la Région Grand Est, quant à elle, expose ainsi le sujet : « Ajuster une gestion équilibrée des espaces et notamment une maîtrise du foncier, par la réduction de la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers ». Le fascicule de son SRADDET chiffre l’objectif : « Réduire la consommation des terres agricoles, naturelles et forestières à 50% d’ici à 2030 et tendre vers 75% d’ici à 2050 ».
TROP DE CONSOMMATION FONCIÈRE DANS LE GRAND EST
Ce même fascicule évoque une tendance lourde de la consommation du foncier dans le Grand Est : « Entre 1962 et 2013, la tâche urbaine a presque doublé (+90,5%) alors que la population a cru de seulement 17,7%. En considérant les territoires voisins, le Grand Est se révèle être moins économe en foncier ». Un constat repris dans les prescriptions du Schéma : « Les collectivités locales devront à l’avenir prendre en compte l’économie du foncier dans leur document d’urbanisme ». Une manière de souligner que le foncier économique et les créations d’emplois ne vont pas forcément de pair. Densifier l’urbain contre l’étalement, voilà la règle qui va s’imposer, avec à la clef la mise en place d’une plateforme régionale du foncier « pour harmoniser les méthodes de calcul de la consommation foncière ».
Le SRADDET vise ainsi à assurer l’attractivité des territoires reposant sur la revitalisation, le renouvellement et la valorisation des espaces urbanisés par une optimisation foncière. En cela, le Schéma suit les exigences des lois ALUR, SRU et Grenelle. Les villes doivent se renouveler sur elle-même. Cet effort d’optimisation passe par la mixité des fonctions (activités économiques, services, logements, loisirs, espaces naturels …) et la nécessité d’implanter du bâti à proximité des transports en commun. La Région s’engage à mettre en œuvre un dispositif renforcé d’aides à la réhabilitation des friches et aux dispositifs contribuant à la revitalisation et l’attractivité des centres-villes et des centres-bourgs.
TOUTES LES POLITIQUES RÉGIONALES CONCERNÉES
Jean Rottner, quelque peu excédé par certaines questions de l’opposition : « Le SRADDET, c’est transversal, ça répond à tout, ça sert à tous ! » Marie-Hélène De Lacoste Lareymondie (RN) : « Ce nouveau schéma est coercitif puisqu’une collectivité dicte ses volontés aux autres collectivités… Nous ne sommes pas d’accord en ce qui concerne la consommation du foncier ». Et comme parfois les nuances ne sont pas de mise : « Vous passez nos communes au napalm ». Plus posée, Brigitte Vaisse, pour le groupe Socialiste : « L’organisation des déplacements est la colonne vertébrale de l’aménagement de notre territoire et nous regrettons que ne nous soit toujours pas proposé un schéma régional des transports ». Franck Leroy aux élus du Rassemblement National : « Votre France sent le renfermé. C’est triste ».
L’opposition du Conseil Régional ne fait pas toujours dans la dentelle. Pascal Erre (RN) : « La France d’en bas et les gilets jaunes, vous vous en foutez… Tout pour les métropoles ! Démétropolisez pour obtenir un meilleur équilibres des territoires ». André Reichardt (Alsace et Territoires » : « Je doute de la démocratie qui règne dans l’Assemblée ». Olivier Girardin (Groupe socialiste) : « La Région s’éloigne des territoires… Où est la règle intelligente concernant la limitation du foncier ? Vous avez raté votre dossier ».
Le Sraddet, un schéma bourré de perspectives sur le champ des compétences de la Région et bien au-delà, un schéma à l’horizon 2030 et 2050, avec entre temps un fort potentiel de révisions et de l’aveu du Président Rottner : « Une transition… Une pensée en action ». Le Grand Est est en construction.