Le président des maires de France, François Baroin, et le président du Sénat, Gérard Larcher, plaident pour une nouvelle organisation.
Les maires de l’Aube et François Baroin, également président de l’Association des Maires de France, montent au créneau contre la mise sous tutelle financière des communes par l’Etat. Une position largement partagée par le président du Sénat, Gérard Larcher, venu à Troyes pour assister à l’assemblée générale des maires de l’Aube. En premier lieu, ce sont plusieurs dispositions inscrites dans le projet de loi de finances 2021 qui sont dans le collimateur des élus municipaux. « L’Etat ne cesse de considérer les finances locales comme des variables d’ajustement des difficultés du budget des finances publiques », s’insurge François Baroin en listant les exemples. La suppression de la taxe d’habitation ? « Je ne connais pas un seul maire qui ait été satisfait par cette mesure », indique le maire de Troyes. La suppression des impôts de production ? « Si l’objectif du gouvernement était de favoriser les relocalisations industrielles et la reconquête de l’autonomie économique du pays, il aurait mieux valu jouer le levier de l’allègement des charges des entreprises qui s’élèvent à 380 milliards d’euros, plutôt que celui des impôts de production limités à 70 milliards », fait remarquer le président de l’AMF. D’autant, que selon les élus municipaux, les dotations promises par l’Etat ne compensent pas la perte des recettes fiscales des communes engendrées par ces suppressions. Mais au-delà des aspects financiers, c’est la perte continue de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales – à tous les échelons – qui est dénoncée. Pour l’AMF, la poursuite de la recentralisation des ressources constitue la preuve d’un changement de nature de la décentralisation et la réécriture des principales dispositions recentrant les ressources des collectivités dans le projet de loi de finances 2021, qui s’avère indispensable. C’est aussi ce qu’est devenue aujourd’hui la décentralisation qui est à revoir estiment les maires.
COMPÉTENCES ÉLARGIES
« La crise sanitaire a démontré l’importance du rôle joué par les collectivités locales auxquelles doivent revenir des compétences élargies dans le domaine de la santé, mais aussi du logement, de la culture, du sport », ajoute François Baroin, qui plaide en faveur du couple maire-préfet, ce dernier voulant rétablir son autorité sur toutes les administrations de son territoire. Ce sera l’un des enjeux de la loi « 3D », portant sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation sur laquelle les maires entendent peser. Dans l’état actuel des choses, l’insatisfaction se manifeste à tous les étages. Le président du Conseil départemental de l’Aube, Philippe Pichery, estime que « la loi NOTRe est une loi inachevée : elle a transféré les compétences mais pas les moyens ». L’insécurité est un autre sujet d’inquiétude. « Il faut que le maire, par ailleurs officier de police judiciaire, soit soutenu avec les moyens dont dispose l’Etat afin que sa sécurité et celle de ses concitoyens soit assurée », estime le maire de Romilly-sur-Seine, Éric Vuillemin. Parmi les 425 maires aubois, de plus en plus nombreux sont ceux confrontés à des incivilités, voire à des agressions. « J’ai déposé plusieurs plaintes, dont une pour menace de mort, mais je n’ai eu aucun retour quant à la suite donnée », déplore un maire du Pays d’Othe. Sur le sujet des agressions envers les élus, l’AMF est également montée au créneau en créant un observatoire des agressions envers les élus pour recueillir tous les témoignages.
Autre thème abordé, celui de la couverture en téléphonie mobile du territoire, où plutôt de ces zones blanches ou grises où le portable ne passe pas. « Un bon conseil, signalez toutes ces zones directement à l’Arcep, l’organisme régulateur qui ne peut faire des contrôles partout », conseille Gérard Larcher aux maires aubois concernés. Un signalement qui est de nature à faire activer le dossier auprès des opérateurs de téléphonie mobile.
Gérard Larcher milite pour des « retrouvailles entre l’État et les collectivités territoriales »
Invité à évoquer « les enjeux du nouveau mandat 2020-2026 », le président du Sénat ne manque pas de faire part de ses inquiétudes comme de son optimisme pour faire bouger les lignes. « L’un des enjeux prioritaires sera de revenir à l’autonomie financière des collectivités », estime Gérard Larcher. Le Sénat travaille sur la question de la décentralisation et a émis cinquante propositions émanant de divers groupes politiques afin d’opérer un nouveau tournant dans la décentralisation. « La crise a changé la place et le regard que chacun porte sur les collectivités, et a mis en évidence leur réactivité et leur connaissance charnelle de leur territoire », ajoute-t-il. Le président du Sénat enfonce le clou en faisant remarquer que les territoires sont allés à la rescousse de l’Etat à plusieurs reprises. « En 24 mois, la République a dû s’arc-bouter à deux reprises, avec la crise des ronds-points et la crise du coronavirus : à chaque fois, elle s’est appuyée sur les collectivités locales pour se relever », fait-il remarquer. Pour sortir de la crise économique, l’Etat compte encore sur ces mêmes collectivités pour relancer la machine économique, d’autant que les collectivités locales représentent 70 % de la commande publique.
LE RÔLE ÉCONOMIQUE DES COMMUNES
Mais cela ne vas pas être forcément simple. La perte de l’autonomie financière et le surcoût engendrée par la crise sanitaire estimée à 10 milliards d’euros ne plaident pas en faveur d’une relance massive des investissements. Il faut revoir l’organisation, remettre de l’huile dans les rouages pour que la machine redémarre. Chacun doit retrouver son rôle, assumer ses missions, et disposer de ses propres moyens. « L’Etat doit aussi demeurer le garant des territoires oubliés de la République qui demandent davantage d’interventions », fait-il remarquer. En clair, les territoires doivent pouvoir agir dans plus de domaines, en toute autonomie, et l’Etat assurer ses fonctions régaliennes en veillant à l’équilibre territorial. Une nécessité à l’heure où des fractures de toutes natures semblent se multiplier dans tout le pays. Mais Gérard Larcher, qui sait que le combat n’est pas gagné d’avance, veut aussi espérer que le mandat 2020-2026 des maires de France sera celui des « retrouvailles entre l’État et les collectivités territoriales ».