La filière viticole va bénéficier d’un plan de relance

La Région, les quatre interprofessions régionales, l’ensemble des syndicats de métiers de la viticulture et la chambre régionale d’agriculture ont présenté le 29 mai un plan de soutien à la filière durement touchée par la crise sanitaire.

Pénalisée par les taxes décrétées par le gouvernement américain sur plusieurs produits européens dont certains vins français – ils supportent depuis octobre dernier 25 % de droits de douane supplémentaires à l’entrée sur le sol américain, sachant que les États-Unis sont le premier marché d’exportation en valeur des vins français –, et la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni, autre marché majeur pour elle, la filière viticole française est durement affectée par la crise sanitaire qui l’a privé de débouchés (restauration et exportations à l’arrêt). Pour maintenir l’activité dans le secteur, et assurer la stabilité du marché, le gouvernement français a mis en place le 12 mai un dispositif de distillation de crise à hauteur de 140 M€ auquel se sont ajoutées, le 29 mai, de nouvelles mesures à hauteur de 30 M€.

Le même jour, en marge de ce dispositif national, la Région Occitanie, avec à ses côtés les quatre interprofessions du territoire (Interoc, IVSO, CIVL, CIVR), l’ensemble des syndicats de métiers de la viticulture (vignerons indépendants, coopérateurs, metteurs en marché) et la Chambre régionale d’agriculture, a, elle aussi, annoncé la mise en place d’un dispositif de soutien dédié à la relance de l’activité de la filière viticole régionale. Ce plan est cofinancé par la Région à hauteur de 7 M€ avec un effet levier de plus de 14 M€, à savoir 1€ de la Région pour 1€ financé par les professionnels.

UN PLAN AXÉ SUR LA COMMERCIALISATION

L’Occitanie, qui produit 14 millions d’hectolitres, est de fait l’une des premières régions viticoles pour les vins sous signe de qualité (elle compte notamment 59 AOP et 34 IGP). Elle représente 34 % de la surface viticole française, 1,3 Md€ de chiffre d’affaires, soit 20 % du produit agricole de l’Occitanie et 925 M€ de vins exportées en 2018.

Déjà éligible aux dispositifs d’aide de l’État et de la Région (fonds de solidarité, prêt garanti par l’État, report de cotisations sociales et d’impôts, chômage partiel, prêts rebond Bpifrance, etc.), la filière va donc pou- voir compter sur ce nouveau plan destiné à stimuler la demande.

Mis en œuvre à partir du 1er juillet pour 18 mois, ce plan fait la part belle aux aides directes aux entreprises qui représentent 80 % du budget alloué, soit 5,5 M€. Il prévoit en effet la création d’un « pass Relance » ouvert aussi bien aux sociétés de négoce, aux coopératives qu’aux vignerons indépendants pour les aider dans leur démarche de commercialisation et de conquête de nouveaux marchés, les dépenses engagées dans ce cadre pouvant être cofinancées pour moitié par la Région.

En outre, une enveloppe de 1 M€ sera dédiée à l’organisation par les interprofessions, notamment durant l’été, d’actions de promotion adaptées à chacun des marchés et orientées vers la clientèle locale. Au cours du second semestre, d’autres actions de promotion seront organisées à destination, cette fois, de la clientèle internationale à l’occasion de salons ou de missions collectives menées par Ad’Occ, l’agence de développement économique de la région. En fin d’année, une campagne de communication collective est également programmée autour des « Vins d’Occitanie », déclinée par bassin, pour 500 K€.

« C’est un plan sur lequel nous travaillons depuis plus d’un an, a expliqué le 29 mai Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, lors de la présentation de ce nouveau programme d’aides, parce que la situation de notre filière viticole était déjà préoccupante. Du fait d’une concurrence à l’international qui s’accroît, de la baisse de la consommation de vin en France ; du fait aussi, à l’automne, du Brexit et des taxes Trump. Nous avions commencé à travailler sur un contrat de filière qui sera bien entendu mené au bout, mais nous avons ressenti la nécessité de réorienter notre travail compte tenu de la pandémie. Aussi, c’est l’ensemble de la filière qui a su se réunir et donner un élan très fort afin de surmonter ces difficultés. »

Outre la mise en place d’une gouvernance collective via la création d’un comité de coordination, le plan de soutien repose sur la généralisation de la contractualisation amont/ aval entre producteurs et metteurs en marché, ces derniers ne pouvant bénéficier de l’aide « que s’ils contractualisent une partie de leurs volumes avec la production », détaille la présidente du Conseil régional.

UNE DÉMARCHE UNIQUE

« Ce plan, nous l’avons coconstruit avec tous les acteurs de la filière, appuie Jean-Louis Cazaubon, vice-président du Conseil régional en charge de l’agroalimentaire et de la viticulture. C’est une démarche unique en France. Ce n’était effectivement pas évident de rassembler tout le monde. Nous y sommes parvenus en introduisant une certaine discipline, des éléments de conditionnalité comme la contractualisation ou le fait d’être en règle avec les Cotisations volontaires obligatoires (CVO). Cela peut avoir un effet moralisateur sur le marché », estime-t-il.

Denis Carretier, président de la chambre régionale d’agriculture, assure, pour sa part, que « ce plan de relance était une nécessité. La contractualisation pluriannuelle est une véritable avancée qui va sécuriser nos producteurs, permettre de conforter les exploitations et, je l’espère, faire venir quelques jeunes dans cette filière. »

DES EFFORTS À L’INTERNATIONAL

« En allouant la majorité des fonds à la relance commerciale, c’est une approche pragmatique et la recherche de l’efficacité qui ont été privilégiées, confirme de son côté Christophe Bou, coprésident de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO). Pour autant, le travail est loin d’être terminé. Il nous faut désormais déployer ce plan et il ne faudra pas perdre de temps. La relance passera par le marché français mais aussi par l’export, et nous ne pouvons pas limiter nos actions au seul territoire national ou régional. Il faut donc accompagner les entreprises dans leur relance quel que soit le marché de celles-ci ». Et Christophe Bou de citer en exemple les Côtes de Gascogne dont 60 % de la production sont exportées. « C’est donc sur l’international que les efforts devront porter. Aucun marché ne devra du reste être écarté car chaque entreprise a une stratégie commerciale et des marchés qui lui sont propres », ajoute-t-il, observant que la première marque de vin au Brésil est celle d’une entreprise du Sud-Ouest.

Pour le coprésident de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest, « l’international est d’autant plus important que les touristes qui venaient consommer nos produits pendant les vacances risquent de ne pas être présents ou du moins dans les mêmes proportions. »

ACCÉLÉRATEUR DE TRANSITION

Mais, « au-delà de ce plan de relance, affirme également Christophe Bou, notre viticulture doit poursuivre les travaux engagés dans une approche plus structurelle. Cette crise est en effet aussi un accélérateur des transitions qui étaient déjà à l’œuvre. Nous ne mesurons pas encore l’impact que celle-ci aura sur les consommateurs, les modes de consommation ainsi que sur les modèles de commercialisation. La conscience environnementale sera certainement plus forte encore et nos exploitations devront continuer à s’engager dans cette transition écologique. Transition d’autant plus importante que le changement climatique marque les esprits et implique des évolutions de certaines de nos pratiques. Probablement aussi, cette crise entraînera un besoin de proximité de la part des consommateurs et de garantie de qualité. Enfin, a transition numérique s’impose plus que jamais. L’e-commerce, la communication digitale et l’intelligence artificielle doivent être plus que jamais au cœur de la stratégie de nos exploitations tant sur le volet de la production que de la commercialisation. »