La CPME lance un plan pour promouvoir la mixité

Sophie Iborra, administratrice à la CPME31. (Droits réservés)

Le syndicat CPME31 déploie le dispositif Mix Her en faveur de l’égalité professionnelle et l’entrepreneuriat féminin.

Alors qu’on célébrera bientôt le cinquantenaire de la loi de 1972 qui posait pour la première fois le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et des hommes, le fameux « à travail égal, salaire égal », la question de l’égalité professionnelle n’est toujours pas réglée en France. Même si, depuis, la législation n’a cessé de se durcir – jusqu’à la loi du 5 septembre 2018 qui, entre autres mesures, instaure un index de l’égalité femmes-hommes –, la pédagogie est toujours nécessaire. C’est ce que montre l’initiative prise par la CPME31 qui vient de lancer une nouvelle offre de services, le dispositif Mix Her qui vise d’une part à inciter les chefs d’entreprise à mieux prendre en compte l’égalité professionnelle et, d’autre part, à encourager l’entrepreneuriat au féminin. 200 personnes ont assisté le 24 octobre au cinéma Gaumont de Toulouse centre à la présentation de ce nouveau programme d’actions, preuve aussi que le sujet intéresse.
« Nous sommes partis d’un constat global, explique Sophie Iborra, administratrice au sein du syndicat patronal, à l’initiative de ce programme. Sur le plan de l’égalité professionnelle, aujourd’hui en France, les femmes ont encore un retard en termes de rémunération de l’ordre de 24 % sur l’ensemble de leur carrière. À poste égal, qualification égale et temps de travail égal, la différence demeure de 9 %. S’agissant de l’entrepreneuriat féminin, que vise également le programme Mix Her, en 2013 en France, on dénombrait 38 % d’entreprises créées par des femmes. En 2017, on a gagné deux petits points et en 2018, on est retombé à 39 %. Ça n’évolue guère. Nous avons également fait un autre constat plus près de nous. À savoir que sur les 1 500 adhérents de la CPME 31 on compte 24 à 25 % de femmes chefs d’entreprise. On ne peut pas dire que ce soit un chiffre très élevé… Nous nous sommes donc dits, avec le président Samuel Cette, qu’il serait bien de mettre en place un programme qui offre à nos adhérents et adhérentes une gamme de services et d’actions concrètes pour, d’une part, remettre au cœur de leurs pré-occupations le sujet de l’égalité professionnelle et de la mixité dans l’entreprise et, d’autre part, essayer d’accompagner et de fédérer les femmes qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat. »

NOUVELLES OBLIGATIONS

Un discours qui passe aujourd’hui d’autant mieux auprès des chefs d’entreprise « qu’ils se rendent compte qu’un certain nombre d’obligations, y compris pour les PME, est en train d’arriver. Ils n’ont pas d’information et ne savent pas com- ment répondre à ces obligations. Les dirigeants ont besoin d’éléments techniques et juridiques sur ces sujets, et ça, c’est le rôle d’un syndicat. » Parmi ces nouvelles obligations, figure le fameux index de l’égalité femmes-hommes censé mesurer les écarts de rémunération entre les sexes et mettre en évidence les points de progression. Il prend notamment en compte l’écart de répartition des augmentations individuelles, l’écart de répartition des promotions, le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité et la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations. Or les PME de plus de 50 salariés auront, en mars 2020,l’obligation de publier cet index.

« En tant que syndicat, nous nous devons d’apporter un conseil technique et juridique sur ces questions. Mais par ailleurs, nous devons être en capacité de faire comprendre aux chefs d’entreprise, hommes et femmes d’ailleurs, que plus on introduit de mixité et d’égalité professionnelle dans les équipes et plus ça donne de résultats pour l’entreprise. Au-delà de la question de justice, de nombreuses études démontrent que des équipes mixtes, dans lesquelles on prend mieux en compte l’égalité entre les salariés femmes et hommes, ont de meilleurs résultats et moins de turnover. Je crois que c’est cela qui va réussir à les persuader de s’y intéresser. »

Sur les questions d’égalité professionnelle et de mixité, le dispositif s’adresse aux hommes et aux femmes chefs d’entreprise et prend la forme d’ateliers juridiques détaillant la réglementation et donnant une méthodologie.
« Nous proposerons également pour ceux qui le souhaitent, avec des cabinets spécialisés, des ateliers d’initiation à la démarche de construction d’un plan d’égalité à l’intérieur de leur entreprise, poursuit Sophie Iborra. Libre ensuite aux dirigeants de poursuivre la démarche avec le cabinet à des tarifs privilégiés ».

La CPME31 veut s’attaquer en parallèle aux difficultés rencontrées en propre par les dirigeantes. « Une femme chef d’entreprise, qui souhaite se faire financer par un banquier ou un investisseur, a par exemple beaucoup moins de chance d’obtenir son financement qu’un homme. De nombreuses études le montrent. Soit c’est parce qu’elles ne savent pas présenter un dossier de financement – et elles ont dans ce cas un besoin de formation et d’accompagnement sur ces sujets. Soit elles sont victimes de discrimination, le financier préférant ne pas prendre de risque. Mais ça, je ne veux pas y croire ! Nous allons donc leur proposer des ateliers animés par un banquier qui va leur apprendre à monter un dossier de demande de financement efficace. »

PRÉPARER L’AVENIR

L’autre point sur lequel porte le programme Mix Her, ce sont les freins à l’entrepreneuriat au féminin. « On s’aperçoit que le plus grand frein ce sont les femmes elles-mêmes, soit parce qu’elles se sentent moins prêtes ou qu’elles ont peur. Nous allons donc les coacher, grâce à un cabinet spécialisé qui va leur parler de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, de confiance en soi. On va leur apprendre aussi à parler d’argent parce qu’elles ont beaucoup de mal à se valoriser ou à valoriser leurs produits ou leurs services. »

La CPME31 prévoit de communiquer régulièrement sur ces sujets et se donne pour objectif de faire grimper de 10 points la part des dirigeantes parmi ses adhérents. « Si ce programme donne des résultats, nous aimerions l’étendre à l’ensemble de la région Occitanie, par le biais des CPME départementales et du réseau Entrepreneuriat au féminin (EAF), une structure fondée à l’échelon national par la CPME. Nous venons d’ailleurs de créer à Toulouse l’antenne locale et nous sommes en train d’en créer dans toute l’Occitanie. »

Pour Sophie Iborra, qui a été à la tête d’une agence de communication pendant 12 ans avant de devenir freelance il y a trois ans, la problématique va bien « au-delà des difficultés qu’on a toutes vécues ». Elle cite à l’appui un dernier chiffre : « dans le numérique, 17 % des start-up seulement sont créées par des femmes. C’est dramatique. Cela veut dire que toute la nouvelle économie de demain est essentiellement masculine. Il va y avoir un souci si les femmes ne sont pas mieux intégrées dans les métiers techniques et scientifiques. Il s’agit de préparer l’avenir en disant à ces femmes qu’elles sont tout à fait en capacité, malgré le fait qu’elles soient mamans à un moment, le fait qu’elles peuvent se retrouver seules à la tête d’une famille monoparentale, de concilier vie privée et vie professionnelle. Il y a encore du chemin à faire. »