La CPME au chevet des entreprises

Geoffroy Secula

Geoffroy Secula, président de la CPME 21.

Chaque semaine, la CPME de Côte-d’Or rencontre, avec les différentes organisations patronales et syndicales, le préfet, la Direccte et l’ARS pour faire un point sur la situation économique et les besoins des entreprises. Retour sur un mois de confinement avec Geoffroy Secula, président de la CPME 21.

Le Journal du palais. Après un mois de confinement, quelle est la situation actuelle des PME en région ?

Geoffroy Secula. Nous avons sondé, entre le 25 et le 28 mars quelque 400 chefs d’entreprise (voir encadré, Ndlr) et nous avons observé que près de 95 % des PME interrogées subissent des baisses de chiffre d’affaires. Plus de la moitié est à l’arrêt total et environ 70 % a perdu plus de la moitié de son chiffre d’affaires. En somme, les TPE et PME de la région sont très fortement impactées et la CPME est mobilisée pour les défendre tant localement que sur le plan national.

Quelles sont aujourd’hui vos priorités ?

Nous souhaitons avant tout protéger les salariés de nos entreprises, ainsi que les chefs d’entreprises. Nous relayons, pour ce faire, l’ensemble des informations que nous recevons, ainsi que les guides et recommandations des différents organismes. Et bien évidemment, il va falloir sauver les PME du territoire.

Comment cela sera-t-il réalisable ?

Pour sauver le maximum de PME, il va falloir mettre en place un certain nombre de mesures. Le gouvernement en a déjà pris pour parer à cette baisse d’activité et ce sont globalement de bonnes mesures. On peut notamment citer la possibilité de demander du chômage partiel en cas d’activité partielle. Malgré d’importantes difficultés techniques, notamment liées à l’engorgement de la plateforme, 65 % des entreprises que nous avons sondées y ont déjà eu recours.

Parmi les autres leviers qui existent, il y a effectivement le report des dettes bancaires. Aujourd’hui, 47 % des PME sondées ont procédé au rééchelonnement bancaire. Les dettes sociales et fiscales peuvent également être reportées par l’Urssaf et la DGFiP. Enfin, il y a la possibilité demander à son partenaire bancaire un prêt garanti par l’État pouvant aller jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires de l’année précédente, cautionné par Bpifrance.

Nous avons aussi bien évidemment travaillé sur les délais de paiement puisqu’une des difficultés à laquelle nous pouvons être confronté est celle de se faire payer ses factures. Il a été mis en place au niveau national une cellule de paiement à laquelle participent les organisations patronales et le ministère de l’Économie.

Enfin, concernant les indépendants, il existait déjà le fonds d’action social qui est une aide pouvant être octroyée pour les indépendants le plus en difficulté. En plus, l’État a créé un fonds de solidarité. Au départ, il fallait justifier de la perte de 70 % de son chiffre d’affaires et justifier sur une période qui allait du 24 février jusqu’à fin mars. Alors que beaucoup de TPE étaient hors champ d’application, la CPME est intervenue au niveau national pour élargir cette aide aux entreprises qui accuseraient d’une perte de 50 % de leur chiffre d’affaires sur le mois de mars. Pouvant aller jusqu’à 1.500 euros, cette aide sera reconduite en avril et vraisemblablement pendant toute la durée de cette crise.

Que préconisez-vous aux entreprises ?

Nous recommandons notamment aux entreprises qui ont recours au chômage partiel de garder tous les justificatifs qui permettent de prouver qu’elles n’avaient pas d’autre choix, parce qu’il y aura de toute façon des contrôles et c’est important de garder les justificatifs de fermeture de chantiers ou de clients, impossibilité de s’approvisionner en équipement de protection individuelle, etc. Il est important aussi pour les entreprises de mettre en place un livre de bord pour expliquer toutes les mesures qui ont été mise en place au sein des entreprises pour assurer la sécurité de ses salariés.

Quelles seraient, selon vous, les mesures à mettre en place pour compléter ce qui est déjà en cours ?

Un des sujets de la CPME concerne le système assuranciel. Nous souhaiterions notamment que les entreprises qui disposent d’une assurance en perte d’exploitation puissent être couvertes et indemnisées par les assureurs en obtenant le statut d’état de catastrophe naturelle sanitaire.

Ce qu’on demande également au niveau national pour réfléchir à l’après, c‘est un prolongement de la durée des exercices comptables pour que les entreprises puissent réaliser des exercices comptables convenables.

Enfin, pour les indépendants, l’aide du fonds de solidarité concerne des TPE limitées en chiffre d’affaires et surtout en résultat, rémunération du dirigeant comprise. On a donc demandé de pouvoir octroyer une aide basée sur les cotisations de l’indépendant sur une année entière d’activité. Cela pourrait correspondre à un versement d’un mois plafonné à 2.500 euros, directement à l’indépendant pour lui permettre de continuer à vivre dans ce contexte d’arrêt total ou partiel d’activité. Nous attendons un retour de Bercy.

Plus généralement, on remarque que plusieurs dispositifs excluent certaines PME, soit parce qu’elles sont inéligibles au regard de la réglementation, soit parce que pour le PGE par exemple, les banques refusent le prêt faute de capacité d’autofinancement ou à cause d’une notation Banque de France trop basse. Les recours (médiation du crédit) et les alternatives (prêt atout) n’empêcheront pas certaines entreprises d’être très prochainement en incapacité de payer, malgré les annonces du Président de la République. Dans ces cas précis, il est indispensable que l’État via l’Agence de services et de paiement puisse payer directement l’allocation d’activité partielle aux salariés. Nous demandons au préfet d’activer rapidement ce dispositif qui permettra de sauver des PME de notre territoire.

Peut-on dès à présent envisager une sortie de crise ?

Actuellement, nous sommes dans une crise sanitaire certes, mais aussi dans une crise économique très violente et, qui plus est, est vouée à durer puisqu’à la sortie du confinement, cette dernière aura eu un impact sur le pouvoir d’achat des Français qui se répercutera de fait sur la consommation. Enfin, nous sommes aussi dans une crise financière, avec un effondrement des marchés, et sur cette dernière nous avons moins de visibilité et ne pouvons savoir combien de temps elle pourra durer. Donc pour nous, la période et la situation actuelle reste le plus urgent à traiter. Mais bien évidemment nous travaillons déjà sur une reprise. Lorsque nous allons sortir du confinement, il va falloir mettre en place un certain nombre de mesures de sécurité vis-à-vis de la réception des clients. Et il faudra aussi veiller à ce que le gouvernement maintienne ses dispositifs pour les entreprises pour qui le trou de trésorerie sera plutôt dans deux ou trois mois. Enfin, il faudra bien sûr accompagner les entreprises pour qu’elles réinvestissent dans l’économie et dans leurs entreprises. C’est à ce moment-là que le gouvernement devra réfléchir à des leviers fiscaux notamment, pour faciliter la reprise.

La CPME 21 organise chaque année de nombreux évènements. Comment maintenez-vous le lien avec vos adhérents durant cette période difficile ?

Toute l’équipe est sur le pont pour contacter individuellement l’ensemble de nos adhérents et nous avons également mis en place un nouveau format de réunions, les “webinars”, qui sont des web conférences hebdomadaires pendant lesquelles un intervenant évoque une thématique avec nos adhérents. Il y a deux semaines, j’ai donné la première pour présenter les différents dispositifs d’accompagnement et mardi dernier, la Caisse d’Épargne Bourgogne Franche-Comté et la BPI sont intervenues pour notamment présenter le “prêt garanti par l’État”.

EN CHIFFRES

98,4 % des entreprises sondées sont impactées par le Coronavirus.

94,4 % subissent une perte de chiffre d’affaires, qui est supérieure à 75 % pour 48,5 %.

52,5 % des entreprises sont en arrêt total et 38,9 % sont en arrêt partiel.

53,6 % n’ont pas mis en place de télétravail tandis que 17,3 % l’ont mis en place pour l’ensemble de leurs salariés.

10,7 % ne pensent pas que leur entreprise est en danger.

(Enquête réalisée du 25 au 28 mars 2020 sur 375 entreprises).