La Brasserie d’Orgemont change de dimension

Jean-Bernard Guyot et Baptiste Devos.

La Brasserie, fondée il y a 20 ans par Jean-Bernard Guyot à Sommepy-Tahure (Marne), a traversé la crise avec une batterie d‘investissements destinés à accompagner sa croissance.

Pour les brasseurs, l’année 2020 ne restera pas dans les mémoires, la faute à qui on sait et aux fermetures des débits de boissons notamment. Mais malgré cela, pour la Brasserie d’Orgemont, l’année 2020 gardera une saveur particulière, celle du passage à l’âge adulte. En effet, créée en 2001 par Jean-Bernard Guyot, la brasserie artisanale de Sommepy-Tahure s’est modernisée pour franchir un cap. Exit la salle de brassage de 10 hectolitres achetée d’occasion en Belgique au début des années 2000 lors de sa création. Place désormais à un outil moderne et plus fonctionnel « Nous avons acquis une nouvelle salle de brassage de 20 hectolitres, capable d’effectuer deux brassins par jour », explique Baptiste Devos, directeur général de la brasserie marnaise. Commandée en janvier 2020, la salle de brassage a été installée en septembre et a sortir ses premiers brassins en octobre. Mais la crise sanitaire et les confinements successifs ont incité les deux dirigeants à faire évoluer leur stratégie. « En octobre nous avons arrêté de produire des fûts qui s’adressent essentiellement aux professionnels, bars, restaurants et événements ».

Si le premier confinement a été « un coup de massue » c’est aussi parce qu’il est intervenu au moment où l’entreprise venait tout juste de signer l’achat de son nouveau matériel et avait engagé des travaux conséquents pour l’accueillir, pour un total de quelques centaines de milliers d’euros. D’ailleurs, pour mener à bien ses investissements, la Brasserie d’Orgemont a fait appel au Club des Business Angels Marne Ardennes. Trois d’entre eux ont investi dans l’entreprise et en sont devenus actionnaires. Soutenue par ses banquiers, la Brasserie a contracté un PGE et a aussi pu compter sur le soutien de la Région et des fonds Feder de redynamisation des territoires ruraux.

RETOUR À LA NORMALE

Pour faire face à ce passage délicat côté commercial, l’équipe a su s’accrocher et compter sur ses trois salariés et ses 9 associés. « Nous avions toujours des commandes de bouteilles pour des détaillants et j’ai repris la prospection en direction de la grande distribution, des drive et des locavores », se souvient Baptiste Devos. Une stratégie payante qui a permis à la brasserie de limiter la casse. « Nous avons bouclé l’année 2020 à -30% de notre chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. Il faut dire que 2019 avait été une très belle année pour nous, puisque nous avions vendu 1500 hectolitres de bière ». Un moindre mal dans une année 2020 où tous les événements et festivals régionaux ont été annulés. « Nous travaillons beaucoup avec la Foire de Châlons et des festivals comme le Cabaret vert, par exemple. Leur annulation avait signé un vrai coup d’arrêt ». Avec la réouverture des cafés, bars, restaurants et le retour des programmations culturelles et événementielles, les dirigeants de la Brasserie d’Orgemont se prennent à espérer un retour au business dans les prochains mois.

« Nous avons repris la production de fûts fin avril. Actuellement, nous produisons une centaine d’hectolitres par semaine, une semaine sur deux », souligne Baptiste Devos qui, après avoir racheté deux cuves de 60hl pour disposer d’une capacité totale de 240 hectolitres, vient de recevoir 400 nouveaux fûts destinés à recevoir la bière fraîchement brassée sur le site de Sommepy.

Car la Brasserie mise sur une progression du marché, d’autant que l’appétit des consommateurs français pour les bières artisanales ne se dément pas. Mieux encore, le marché dispose encore d’une belle marge de progression, puisque les bières artisanales représentent 25% des ventes du marché américain quand elles ne couvrent que 7% des ventes de bière en France. « Aujourd’hui, 8 de nos 9 bières sont bio », assure Baptiste Devos, dont le challenge est clair : « Faire des bières bio de qualité, à un prix accessible et produites de manière écoresponsables ».

UNE DÉMARCHE VERTUEUSE

Une écoresponsabilité que les brasseurs veulent instiller à chaque étape de leur production. Passionné d’agroforesterie, Jean-Bernard Guyot vient d’ailleurs de planter plus de 400 pieds de houblon entre ses arbres pour pouvoir, à terme, produire sa bière avec du houblon marnais cultivé à moins de 5 km de la ferme. La brasserie produisant des déchets (les drèches), à hauteur de 250 kg pour 10 hl, elle travaille avec un agriculteur local qui les récupère pour les épandre dans ses champs. Dans le cadre d’une réflexion globale sur le verre et son recyclage, la brasserie a récemment décidé de changer de fournisseur de bouteilles pour travailler avec Verallia et ses bouteilles fabriquées en France.

Sans oublier l’utilisation de produits d’entretien végétaux régionaux ou l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit de ses bâtiments pour produire de l’électricité verte. Une sensibilité écoresponsable qui s’est traduite jusque dans le financement de la modernisation de l’entreprise. « Nous avons fait du crowdfunding avec le site Blue Bees, spécialiste du financement participatif de la transition écologique ».

Avec 50 000 euros récoltés en quatre jours, la Brasserie d’Orgemont a même été surprise de l’engouement. De quoi se faire mousser, peut-être, mais ça n’est pas le genre de Jean-Bernard Guyot et Baptiste Devos, qui gardent la tête froide. Une grande qualité pour des brasseurs.