La Banque de France fait l’éloge de l’euro pour ses 20 ans

(Photo: Pixabay)

Depuis son introduction dans le réseau bancaire en 1999, la monnaie unique a permis, selon l’établissement financier, d’augmenter le pouvoir d’achat et de faire baisser les taux d’intérêt. Une promotion qui tombe à point nommé à quelques semaines des élections européennes, dans un contexte d’euroscepticisme croissant.

Il y a 20 ans, le 1er janvier 1999, était lancé l’euro dans 11 pays – bien qu’il ne se soit concrétisé, pour l’ensemble des Européens, que trois ans plus tard, avec les premiers billets et pièces. Depuis, la zone euro s’est étendue à 19 États, et la monnaie commune a connu bien des aventures, entre les guerres monétaires contre le dollar et le yuan (ou renminbi) chinois, la crise économique de 2008 ou celle des dettes publiques grecque et espagnole. Et alors que la contestation monte contre les institutions européennes à la faveur des élections de fin mai, comme à celle du Brexit, il semblait donc urgent à la Banque de France, profitant des 20 ans de l’introduction de l’euro, de lancer une vaste campagne insistant sur « les bénéfices de la monnaie unique », comme s’y est attelé le directeur de la Banque de France d’Occitanie, Stéphane Latouche, lors d’une conférence de presse organisée dans ses locaux toulousains.

« La monnaie unique poursuivait deux objectifs, dont la stabilité des prix, explique le haut fonctionnaire. Et quand vous comparez l’inflation qu’il y avait avant l’introduction de l’euro – en moyenne, 4,9 % par an – et depuis – 1,7% par an c’est un vrai gain d’avoir réussi à la diviser quasiment par trois en 20 ans ! » Autre objectif « central », celui d’assurer la stabilité des changes. Stéphane Latouche rappelle ainsi que dans les années 1970 et 1980, « très régulièrement, en fonction des tensions, le franc était dévalué, ce qui nous donnait un supplément de compétitivité. Et puis, un an, deux ans après, c’était de l’inflation importée » alors que depuis vingt ans, « les variations se sont considérablement réduites. Et pour les exportateurs, c’est quelque chose de très apprécié ! En particulier pour Airbus, mais aussi pour nous tous, quand nous nous déplaçons dans la zone euro ».

Pour preuve de sa faible variabilité, le directeur régional de la Banque de France souligne tandis que l’euro a été introduit dans le système bancaire européen en 1999 au ratio d’un euro pour 1,17 $, en décembre dernier, l’échange se faisait aux alentours d’1,14 $…

Pour autant, « on a toujours des gens qui se plaignent d’une hausse des prix » à cause de l’euro, remarque Stéphane Latouche. Aussi, « nous nous sommes amusés à faire une comparaison des prix entre 2001 et aujourd’hui ». Résultat : selon les calculs de l’organisme européen de statistique Eurostat, rapporté au salaire moyen en France, la part dans le salaire de la baguette de pain, du paquet de 550 g de pâtes ou du forfait de téléphonie ont baissé respectivement de 9 %, 28 % et 52 %. Mais alors, pourquoi autant de gens ont-ils la sensation, depuis des années, que le passage à l’euro a fait flamber les prix ? Premier en cause, « l’augmentation du coût du gasoil », qui a connu une hausse de 24 % de sa part dans le salaire moyen, et plus largement de l’énergie. Ensuite, « on constate que dans le budget des ménages, les dépenses contraintes (les assurances, les traites des emprunts immobiliers, les loyers, etc.) représentent 53 % du budget, alors que c’était moins de la moitié auparavant ». Alors « oui, les prix ont augmenté, reconnaît Stéphane Latouche ; simplement, avant l’euro, ils doublaient en 14 ans alors que depuis, ils doublent en 50 ans ».

REMONTÉE DES TAUX D’INTÉRÊT ?

Enfin, celui-ci rappelle que l’euro a eu aussi « un effet favorable sur les taux d’intérêt : en 1998, pour les prêts immobiliers, on était à un taux moyen d’environ 5,6 %. Aujourd’hui, on est à 1,5 %! Ce qui a eu un impact très important pour le pouvoir d’achat, et qui a amorti la hausse très importante des prix immobiliers ». Même chose pour les entreprises, avec des taux d’intérêt qui sont passés « de 4,2 % mi-2018 à 1,6 % ». Baisse dont il faudra d’autant plus se réjouir que, prévient le directeur régional de la Banque de France, « les taux ont vocation à remonter, c’est clair ! » ; la Banque centrale européenne ayant d’ailleurs annoncé il y a 15 jours que les taux devraient rester stables jusqu’à la fin de l’année, avant une période de rattrapage. « Mais je doute que les taux remontent rapidement aux taux » que l’on a connu avant l’euro ! Cependant, cela reste une mauvaise nouvelle pour l’État car jusqu’ici, avec ces faibles niveaux, « nous estimons que le gain se montait à une trentaine de milliards d’euros par an… Du coup, il est clair que si les taux remontent, cela va mettre le budget de l’État sous forte contrainte ! »

Surtout, malgré tous ces avantages qu’aurait apporté l’euro, Stéphane Latouche se refuse à « tomber dans un optimisme excessif. Il reste du travail à faire, et des réformes à mener » – lesquelles ont fait l’objet d’une lettre du directeur national de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, au président de la République.

Première proposition, « il faut renforcer la solidité de la zone euro, en sortant de la politique monétaire non conventionnelle ». Autrement dit, en arrêtant les achats de titres portant sur des dettes publiques ou privées – 60 Mds€ par mois ! – même si, compte tenu du ralentissement économique en Europe, cette politique de « normalisation » a été légèrement différée afin de continuer à soutenir les entreprises. Un autre défi sera « d’achever l’union bancaire, en soumettant toutes les banques de la zone euro à la même réglementation ». Enfin, reste à mettre en place un « mécanisme européen de garantie des dépôts » en cas de crise bancaire, comme il en existe un en France, afin de compléter les « deux premiers étages de la fusée » que sont le système de supervision unique et de résolution des crises, mis en place en 2014 et 2016. Stéphane Latouche imagine même « la création de banques européennes » pour faire concurrence aux géants bancaires américains et asiatiques. « On peut penser que cela va se faire progressivement, mais il y a encore du travail », prévient le haut fonctionnaire – surtout quand on voit, en Allemagne, les difficultés que posent, à l’échelle seulement du pays, la fusion de la Deutsche Bank et de la Commerzbank…

À l’étranger, on aime aussi beaucoup l’euro
Sa plus grande qualité : c’est un produit d’épargne très stable

À en croire les chiffres publiés par la Banque de France, la confiance des Européens dans l’euro n’a cessé de progresser en 20 ans. Mais aussi celle des nations extra-européennes puisque, observe Stéphane Latouche, « l’euro devient un instrument de thésaurisation, d’épargne, pour certains pays comme en ex-Europe de l’est, en Afrique et au Moyen-Orient. La demande en grosses coupures y est très, très importante », dont ceux de 100 et de 200 € – celui de 500 € ayant vu sa production stoppée, car trop utilisé par l’économie souterraine. Cet attrait pour l’euro est d’ailleurs tel que « la circulation des billets continue de progresser, même si on l’utilise de moins en moins pour payer ». La monnaie unique est aussi un instrument de diversification des placements : « les États, quand ils ont des excédents, accumulent des réserves de changes », autrement dit de devises. « Et ce que nous constatons, c’est que la part de l’euro dans ces réserves va croissante, explique Stéphane Latouche. Même si, soyons clairs, le roi dollar est toujours présent avec 62,7 % » des réserves de change libellées dans la monnaie américaine ! Tandis que l’euro en représente 20,1 %, là où le yen japonais et le yuan chinois restent anecdotiques – respectivement 4,9 % et 1,2 % des réserves.