Kinéis lève 100 M€ et se met en orbite

Kinéis Alexandre Tisserant

Alexandre Tisserant, président de la start-up Kinéis depuis février 2020.

La start-up a réalisé la plus grosse levée de fonds du New Space français jamais enregistré et vise la première place sur le marché des objets connectés.

La société Kinéis est désormais sur orbite. Cet opérateur satellitaire et fournisseur de connectivité globale, qui développe un projet de constellation de satellites dédiée aux objets connectés, vient de finaliser une levée de fonds record sur le marché du New Space français de 100 M€ auprès de CLS ( 32% du capital), du Cnes, de Bpifrance, l’Ifremer, Thales, Celad, BNP Paribas Développement et Hemeria, un mon- tant ne dépassant généralement pas 10 M€ pour les start-up spatiales. Une fracture historique qui permet à la jeune pousse, spin off de CLS, de concevoir et lancer une constellation de 25 nanosatellites et d’étendre son réseau à l’international. « Nous pouvons désormais nous déployer opérationnellement, et attirer d’autres partenaires sur le marché mondial, dans un premier temps aux États-Unis, au Canada, en Australie et dans un second temps en Amérique du Sud et en Afrique. Nous profitons du réseau de CLS présent dans 26 pays et du Cnes déployé dans une trentaine de pays. L’objectif est de mettre sur orbite la constellation de 25 satellites, d’ici 2025. Équipés d’un système de propulsion, ils sont répartis sur cinq plans autour de la Terre, certains embarquant aussi une seconde charge utile de détection haute performance des signaux AIS, dédiée au suivi du trafic maritime mondial. À côté, nous construisons 20 stations sol réparties sur l’ensemble du globe et nous développons, en parallèle, notre data center avec un dimensionnement automatique en fonction du trafic », détaille Alexandre Tisserant, président de Kinéis.

DOUBLE OBJECTIF

Le déploiement de la constellation a ainsi un double ojectif. Le premier est d’améliorer les balises de géo-localisation du système Argos développé depuis 40 ans par le Cnes et CLS. L’instrument embarqué sur les satellites est dix fois plus petit que ceux déjà en place. « Nous avons récupéré l’exploitation actuelle embarquée sur sept satellites, et nous avons lancé un nanosatellite en décembre dernier, précurseur de la constellation Kinéis en termes de format. Angels est un nanosatellite au format 12U (25 kg). Les instruments Argos étaient jusqu’ici gros comme l’ensemble du satellite, un bel effort de miniaturisation a donc été réalisé. » À travers CLS, son premier client,la start-up commercialise de la connectivité et permet le fonctionnement de 20 000 balises Argos réparties autour du globe, dans le secteur de l’environnement. La moitié des balises sert au suivi des troupeaux. « Nous avons récemment remporté un projet en Australie pour localiser les troupeaux de buffles, gérer le stock, et traquer d’éventuelles épidémies.» Une autre partie est déployée dans le milieu maritime pour localiser des petites embarcations de pêche. « En Asie du Sud-Est, cette pratique évolue, ce qui met en péril le développement des ressources maritimes. Les gouvernements ont besoin de piloter la répartition de ces bateaux ».

Aussi, plus de 5 000 balises sont embarquées sur des bouées pour des programmes d’océanographie et de climatologie. L’entreprise vise également le secteur de la logistique. Le démarrage commercial de Kinéis part ainsi sur les chapeaux de roue : 10 000 chipsets (puces radio permettant de se connecter au satellite) et plusieurs centaines de modules (carte éléctronique) supplémentaires sont prêts à être expédiés, l’entreprise étoffant son marché de commandes pour 2020.

Le second objectif est de fournir une connexion à des millions d’objets connectés. « L’enjeu est de développer des solutions simples à un prix accessible, qui permet aux fabricants de terminaux d’intégrer une partie satellitaire ». En juin 2019, la jeune pousse a d’ailleurs signé des accords avec deux gros acteurs de l’Internet des objets (IoT), la Wize Alliance et Bouygues Telecom afin de développer la solution hybride LoRa-Kinéis. « Notre connectivité satellitaire est complémentaire des réseaux terrestres. Le réseau terrestre LoRa ne couvre que 15% de la surface de la planète essentiellement dans les zones urbaines pour le déploiement de la 4G, et pour des objets qui traversent le globe mais les limites sont vite atteintes. À l’inverse, le satellite qui a une couverture globale rencontre des problèmes de visibilité en zone urbaine, ce qui diminue les performances. Notre terminal permet de passer d’un réseau à l’autre », détaille le président qui espère réaliser les premiers tests rapidement.

Après seulement huit mois d’existence, l’entreprise a d’autres projets : une balise dédiée aux randonneurs qui permet la transmission de messages, intégrant une application mobile et le système de sécurité civile institutionnelle Cospas-Sarsat.

Afin de finaliser ses projets, la start-up qui a généré un CA de 5 M€ en 2019 et qui vise une dizaine de millions d’euros en 2023, compte étoffer son équipe, passant de 25 à 45 collaborateurs d’ici la fin de l’année.