John Mikaël Flaux : créateur de joyaux mécaniques

Alors que l’horlogerie comtoise semble connaître une seconde jeunesse, s’appuyant à la fois sur le très en vogue « Made in France » et sur un léger essoufflement du marché Suisse, de jeunes Francs-Comtois passés par la case helvétique reviennent dans la région pour proposer leur propre marque de garde-temps. Des visages inédits qui participent de ce nouvel élan, souvent boostés par l’utilisation des médias sociaux et par la vente directe en ligne… Une dynamique que Le Journal du Palais se devait de mettre en lumière en ouvrant ses pages à une nouvelle rubrique consacrée à ce fleuron régional qu’est l’horlogerie. Elle mettra en lumière, au gré de l’actualité, ce renouveau, incarné par des passionnés riches d’un savoir-faire vieux de plusieurs siècles, comme John-Mikaël Flaux, horloger créateur à Morteau.

Originaire de Bretagne, enfant, John-Mikaël Flaux voue une admiration sans borne aux automates qu’il découvre pour la première fois au musée de l’horlogerie à Fougères, dans l’Ille-et-Vilaine. Cette passion pour la mécanique et les engrenages le conduit à intégrer, pour quatre ans, la filière horlogerie du lycée des métiers Jean-Jaurès à Rennes. Une formation qu’il poursuivra, par deux ans, au Lycée Edgar Faure de Morteau, dans le Doubs, seul établissement à proposer un Diplôme des métiers d’art (DMA) en horlogerie. Six années apprentissage durant lesquelles il s’est vu décerner la médaille d’or au concours national « Un des meilleurs apprentis de France ». En 2008, deux ans avant d’obtenir son DMA, il débute, chez lui, la création de son atelier d’horloger-créateur. Des premiers pas d’indépendant qu’il met en scène dans un blog. Une présence sur le net, remarquée, en 2012, par la prestigieuse manufacture suisse Ulysse-Nardin. Embauché aux ateliers d’assemblage de grandes séries, John-Mikaël Flaux va très vite gravir les échelons, jusqu’à devenir horloger sur montres à grandes complications « des pièces à plus de 100.000 francs suisses », confie-t-il. Son activité salariale ne le satisfaisant pas totalement, en 2014, il développe en parallèle ses talents créatifs sur un projet baptisé la Guêpe dont le mécanisme de montre reprend la forme de l’insecte. L’objet, qui fait se rencontrer la joaillerie et la mécanique horlogère, fait le tour des bureaux de son employeur et marque les esprits. Le jeune homme devient, dès lors, officiellement horloger-créateur attitré de la marque Ulysse-Nardin. En 2016, il réalise pour la marque suisse une horloge huit jours de table « Super-Catamaran » s’inspirant des bateaux de course offshore. Ce projet aura nécessité deux ans de travail, mais aussi son lot d’allers retours, de changements, d’annulations et de décisions hiérarchiques, qui conduisent John-Mikaël Flaux à entrevoir les limites de ce qu’il peut faire chez Ulysse-Nardin. « Pour moi, mon rôle de créateur est d’utiliser la mécanique complexe de l’horlogerie comme un support d’expression à part entière. Chaque pièce a ainsi un sens. Chez Ulysse-Nardin cette vision des choses n’était pas totalement entendue. Bridé, j’ai choisi de démissionner ». Son départ de Suisse est effectif à l’été 2017.

HORLOGE SUR ROUE

Six mois seront nécessaires à son installation à son compte, à la mi-janvier 2018, dans un atelier situé à Morteau, dans les locaux de l’horloger Péquignet. Sur ce temps, il suivra une formation BGE à la création d’entreprise et sera lauréat national du concours Talents. Une récompense qui lui permet de financer sa présence au Baselworld, salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie qui se déroule à Bâle en Suisse. Ces débuts d’indépendant le voit réaliser un automate : « Le Duel », un combat énergique et farouche entre deux silhouettes d’escrimeurs, qui aura nécessité la mise en mouvement de 456 composants et 730 heures de travail. Dans un monde où « on trouve l’heure partout, des portables jusqu’aux fours micro-ondes », John-Mikaël Flaux entend bien donner naissance à des gardes-temps « dont le but premier est d’émouvoir. Longtemps, l’art horloger s’est caché derrière des cadrans et des boîtiers. Par mon approche, je souhaite mettre en avant le beau mécanisme et sa complexité. Par la transparence, je partage un certain savoir-faire séculaire avec le client ». Une philosophie qui prend tout son sens dans le projet phare : « The Car Clock ». « Nécessitant un mois de fabrication et 270 pièces, ce concept unique allie les voitures de courses des années 1930 – telles que la célèbre Bugatti T35, l’Amilcar C6 ou encore l’Alfa Roméo P3 – à l’art horloger. Le design de chaque élément a été créé dans le but de marier l’esthétique et la technique automobile à celle de la philosophie horlogère, tout en réveillant notre âme d’enfant. L’heure est lisible via des chiffres gravés sur les jantes arrières et un index sur le volant permet quant à lui de préciser la minute. La propulsion des roues permet à la Car Clock de rouler à une vitesse de 13 mm/h soit 30 centimètres par jour. L’idée étant d’exprimer le temps également dans sa dimension spatiale : il s’agit de la seule horloge au monde qui se déplace dans le temps. La voiture peut aussi être immobilisée grâce à un socle discret et translucide sur lequel elle vient se poser. Celui-ci surélève légèrement les roues arrières du sol. Le remontage s’effectue par l’avant avec une clef, de la même façon que les voitures anciennes se démarraient. La mise à l’heure peut s’effectuer par le volant ». Le travail de John-Mikaël Flaux est celui d’un « artiste qui crée avec son cœur et ses mains, sur des outils traditionnels, comme la manivelle sur tour d’horloger, parfois vieux de plus de 100 ans – sans négliger les dispositifs modernes tels qu’une commande numérique pour les opérations d’usinage complexe – des objets poétiques, insolites et uniques à l’heure où l’horlogerie devient de plus en plus industrielle ». Une philosophie artisanale qui défend également le « Made in France ». « La moitié des composants sont directement fabriqués dans mon atelier. Le reste est acheté ou conçu en Franche-Comté et en France, seuls les éléments indisponibles sur le territoire français sont achetés en Europe. De plus, je retravaille manuellement toutes les pièces que je ne fabrique pas pour répondre aux exigences de qualité (finitions polissage, brossé, anglage) ». Ce niveau d’amour du travail bien fait a été remarqué par un galeriste d’art mécanique qui a déjà réservé un emplacement de choix aux œuvres du jeune Franc-Comtois d’adoption dans sa galerie londonienne qu’il ouvrira en juin. Sur une série de dix pièces, il ne reste aujourd’hui qu’un seul exemplaire en vente. Ces bijoux mécaniques ont pris notamment les routes de la France, de la Suisse, mais aussi celle de l’Arabie saoudite. Quand aux projets futurs, John-Mikaël Flaux ne manque pas d’idées, dont une seconde voiture d’inspiration plus moderne et, pourquoi pas, une montre mais dans une version forcément inédite et insolite. D’ici là, notre créateur aura quitté Morteau pour Besançon où il cherche actuellement une maison atelier pour pouvoir s’installer au printemps.