Jean-Christophe Repon : « La Capeb, c’est un syndicalisme de solutions »

Dominique Hautem, président de la Capeb Marne, Jean-Christophe Repon, président national de la Capeb et Maurice Karotsch, président de la Capeb Grand Est, réunis à Reims pour évoquer la rentrée et la situation économique des artisans du bâtiment.

Nouveau président de la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment, Jean-Christophe Repon, accueille positivement le Plan de relance mais demande des mesures de simplification de certains dispositifs au gouvernement.

Comment vos adhérents appréhendent-ils cette rentrée après six mois très compliqués en terme d’activité ?

L’arrêt immédiat subi au printemps dernier a été vécu assez violemment. Il fallait être responsables, nous l’avons été et nous nous sommes mis à l’arrêt. Nous avons malgré tout assumé notre rôle de premier ordre pour ce qui était du service dépannage et du maintien des personnes à domicile. Nous avons joué un rôle de proximité. Et nous avons vécu un deuxième trimestre à 24% d’arrêt brut d’activité, ce qui est une chose que l’on n’avait pas connu dans le monde moderne.

Malgré tout cela, les artisans ont été d’une extrême responsabilité puisque dès que nous avons eu notre guide OPPBTP de préconisations sanitaires, nous avons repris le travail assez rapidement. Nous sommes désormais dans l’expectative pour l’année 2021 mais l’activité est présente en cette rentrée. Les carnets de commandes ne sont pas encore pleins au niveau national mais l’activité est relativement correcte. À court terme nous nous montrons plutôt satisfaits de l’activité. Mais nous ne sommes pas encore réellement confiants, nous restons vigilants.

Certains métiers sont-ils plus touchés que d’autres ?

Il y a un décalage en effet : entre l’arrêt brutal dû au Covid et les commandes publiques qui tardent à repartir, c’est la partie gros œuvre qui est la plus impactée aujourd’hui.

Dans les crises, le gros œuvre est toujours le premier touché. Mais nous n’avons pas de métier en tension en particulier. Notre problématique principale c’est d’avoir la double peine avec l’impact Covid brutal suivi des élections, causant cette dégradation terrible au niveau de la commande publique. Mais, dans le Plan de Relance, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a demandé à ce qu’on accélère les calendriers.

Le gouvernement a donc commencé à lever les freins qui impactent la commande publique en rehaussant les seuils des appels d’offres jusqu’à 70 000 euros, ce qui donne une capacité aux collectivités à investir rapidement pour pouvoir répondre à la relance. Ce dispositif est valable jusqu’en juillet 2021. Or, pour nous, artisans, il serait souhaitable qu’il soit prolongé au moins jusqu’à la fin du Plan de Relance en 2022, et de le rendre pérenne dans l’avenir pour pouvoir faire accéder de plus en plus les artisans et les TPE aux marchés publics. Nous avons compris que le gouvernement voulait des résultats rapides voire immédiats et que les effets d’annonces sur la transition énergétique étaient prévus dès octobre 2020.

Justement, ce Plan de Relance annoncé la semaine dernière répond-il à vos attentes, notamment en ce qui concerne l’enveloppe de 2 milliards d’euros consacrée à la rénovation ?

Notre premier point de vigilance concernait l’argent mis sur la table : était-ce de l’argent en plus ou des dispositions existantes rhabillées pour l’occasion ? On a eu l’assurance que c’était vraiment de l’argent supplémentaire, donc on peut déjà se féliciter d’avoir un billet de plus pour l’activité du bâtiment, et indirectement pour les ménages. Toutefois nous avons dit aux ministres concernés par le Plan de Relance que mettre une ligne budgétaire ne fait pas l’activité…

C’est-à-dire ?

Pour faire fonctionner Ma Prime Renov’, les artisans doivent être labellisés RGE. Or on s’aperçoit qu’il y a un vrai désamour de la part de nos artisans envers la qualification RGE, puisqu’il y a chaque année une baisse du nombre de ressortissants qualifiés. Selon nous, l’offre n’est pas visible ni lisible pour les particuliers comme pour les entreprises.

En gros, les aides auxquelles vous avez droit tiennent sur quatre pages, ce qui est absolument illisible pour tout le monde. La qualification RGE représente aujourd’hui trop de contraintes administratives et de contrôles pour accéder à ce marché. Elle mérite une clarification et une simplification.

Quelles simplifications attendez-vous, par exemple ?

Il faut une simplification du contrôle pour l’artisan. Par exemple pour le métier de chauffagiste, l’artisan doit être qualifié pour le gaz, le granulé, la PAC (pompe à chaleur, NDLR), etc. S’il travaille sur quatre activités dans l’année, il aura besoin de quatre qualifications RGE. Nous proposons d’appliquer ce qui existe chez les électriciens ou pour le gaz, à savoir un contrôle au coup par coup, avec un engagement par l’artisan à travailler dans les règles de l’art. Il faut simplifier cette approche pour ramener l’artisan vers le marché. Au sujet des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) et de la rénovation à 1 euro, nous sommes plutôt favorables à cette démarche de faire bénéficier des aides et d’être un levier. Mais elle ne met malheureusement pas en avant le travail effectué par l’artisan alors que l’on a, en parallèle, un discours sur la formation et la compétence. C’est contre-productif de dire que la main d’œuvre ne vaut rien.

La main d’œuvre détachée reste encore l’une de vos préoccupations ?

Pour rappel, la main d’œuvre détachée n’est là que s’il y a une absence de compétence sur le territoire pour répondre à un chantier. Si vous avez la compétence sur le territoire, vous devez privilégier la main d’œuvre locale. Nous voulons signer une convention avec le ministre, nous engageant, à compétence égale, à embaucher sur nos territoires. Nous faisons une proposition de signature en ce sens aux ministres Alain Griset et Bruno Le Maire, en espérant être rejoints par d’autres organisations patronales.

Il faut aussi saisir l’occasion des aides accordées lors de la crise du Covid-19, principalement aux entreprises de moins de 10 salariés. Cela fait des années que nous disons à qui veut l’entendre que nous sommes une économie de proximité bien réelle et concrète, non délocalisable. Nous étions entendus mais notre discours était sans résonance. Mais quand on voit l’impact économique du Covid, nous sommes les entreprises qui ont le mieux résisté. Nos artisans étaient présents sur le territoire, ont joué le jeu et ont servi d’amortisseur économique. Et ils espèrent bien être toujours là à la relance.

Le recours massif au Prêt Garanti par l’Etat (PGE), s’il est indispensable à la survie des entreprises, est aussi pour vous une source d’inquiétude ?

Nous n’avons pas encore de retour du PGE propre à l’artisanat, même si le ministre nous annonce qu’il reste une enveloppe de 300 M€ disponible sur le territoire. Dans le cadre du PGE, nous avons un rôle à jouer dans le dialogue avec les banques. Les prêts ont été accordés dans des laps de temps très rapides pour les entreprises qui fonctionnaient bien mais je ne suis pas sûr que toutes les banques aient proposé des PGE aux entreprises en tension ou en difficulté. Nous avons donc un dialogue de gestion à avoir sur ce sujet avec les banquiers, car quand on est un artisan, seul, avec une surface financière qui n’est pas énorme, la négociation n’est pas aisée. Aujourd’hui notre angoisse est plutôt sur la sortie du Prêt Garanti par l’Etat et des taux pratiqués. À défaut d’accord signé, nous avons une entente tacite des banques sur des taux moyens de sortie à 3 ou 5 ans plus intéressants que les taux du marché.

L’actualité c’est aussi la rentrée pour les apprentis, il semble que les chiffres de l’apprentissage soient plutôt bons…

La rentrée des apprentis est en effet correcte. On n’a pas un effondrement de 15 à 20% des effectifs comme on pouvait le craindre. même si pour le moment on n’a pas entièrement concrétisé la rentrée. C’est pour nous, artisans, un voyant très important puisque quand on a de l’activité, l’apprentissage s’élève. Et quand on a une rupture d’activité comme en 1998, il s’écroule.

Nous ne sommes pas loin des chiffres de 2019, ce qui est une très bonne nouvelle. Car quand il y a de l’apprentissage c’est qu’il y a de la confiance dans l’avenir. Un jeune qui est embauché en apprentissage aujourd’hui c’est notre salarié dans trois ou quatre ans. Quand il y a un décrochage dans l’apprentissage, dans l’artisanat c’est cinq ou six ans de pénurie de main d’œuvre derrière. C’est pourquoi on a été très vigilants pour mettre de l’argent sur la rentrée et pour lisser cette rentrée : aujourd’hui il est acté que le jeune dispose de six mois pour trouver une entreprise. Cela lui permet d’entrer dans un CFA d’abord et de trouver une entreprise dans les six mois suivants, ce qui laisse du temps aux uns et aux autres de s’organiser.