Journaliste, écrivain, éditeur, diplomate, le natif du Mesnil-sur-Oger vient de publier « Mécaniques du chaos », un roman fort, bâti sur les errances de la société contemporaine et encensé par la critique.
Daniel Rondeau est de ces personnages dont la rencontre ne laisse pas indifférent. Port altier, un regard vif commun à ceux qui comprennent le monde au premier coup d’œil, l’écrivain marnais pourrait tout à fait camper le personnage central d’un de ses propres romans. Rencontré une première fois à Malte en 2009, Daniel Rondeau semble hermétique au temps qui passe et il faut vérifier à deux fois dans sa biographie pour s’assurer que l’homme entamera bien sa septième décennie dans quelques mois. Toujours aussi avenant et affable, l’écrivain reçoit chez lui, dans ce grand corps de ferme marnais qu’il a entièrement rénové pour y trouver quiétude et inspiration.
« Lorsque j’ai décidé de me focaliser sur le travail d’écrivain, j’ai cherché un camp de base pour me consacrer entièrement à l’écriture. J’ai trouvé cette maison et j’y ai apporté des améliorations au fil des ans. Elle me permet à la fois de travailler formidablement bien et d’accueillir ma famille, enfants et petits-enfants ».
Un endroit essentiel pour Daniel Rondeau qui, dès qu’il se lance dans un projet d’écriture, s’enferme dans sa bulle pour y puiser toute l’énergie nécessaire à l’élaboration de son projet. « Quand j’écris, je peux rester trois mois sans sortir de chez moi. Pour écrire un roman il faut s’y précipiter tous les jours et s’y lancer à fond. C’est un travail quotidien, sinon le roman ne vient pas », explique celui qui a mis trois ans et demi à accoucher de son dernier roman, Mécanique du chaos, à raison de dix à douze heures par jour parfois. « L’écriture c’est une discipline. Cela procure une joie et une jubilation mais c’est une discipline très forte ».
18 mois d’écriture, presque autant de relectures et de corrections, 200 pages et quelques personnages supprimés plus tard, Daniel Rondeau sort, à la rentrée 2017, un roman qui traite d’une actualité brûlante, autour de la préparation d’un attentat djihadiste. Un sujet contemporain dans lequel on retrouve des personnages perdus dans leur propre vie, errant « dans une société liquide où les gens n’ont plus de points de repères », dénonçant certaines zones autour de Paris « abandonnées aux narcotrafiquants et aux djihadistes ». « J’ai bâti ce roman et cette histoire avec tous les problèmes qu’affrontent les Français aujourd’hui », explique-t- il. Un sujet qui lui trotte dans la tête depuis longtemps. « Je pensais déjà a ce thème avant de partir pour Malte en 2007 », rappelle-t-il.
À L’USINE EN LORRAINE
Car Daniel Rondeau n’est pas uniquement écrivain. Editeur, diplomate, journaliste, il est né au Mesnil-sur-Oger, près d’Epernay. Il grandit dans une famille d’instituteurs et nourrit très tôt le désir d’écrire. « Dans la classe de mon père – que j’appelais Monsieur – il avait demandé de raconter par écrit notre dimanche. J’ai alors retracé les moments passés dans les vignes de mon grand-père à Congy et j’en ai eu la chair de poule », se souvient-il. Une émotion qui ne le quittera plus, pour son plus grand bonheur. « Quand j’imaginais ma vie, elle ressemblait à celle que j’ai ». Jeune étudiant, il suit son instinct révolutionnaire pour partir travailler à l’usine, en Lorraine. « L’usine a été ma première ambassade. Elle m’a appris que j’étais capable de m’accorder avec tous les hommes et avec le monde ».
Il écrit ensuite son premier livre, Chagrin lorrain, alors qu’il n’a pas 30 ans, ce qui lui ouvre les portes du journal Libération, où il dirigera les pages Culture, sans même avoir encore jamais été journaliste. Un vide qui sera vite et bien comblé. « Le journalisme est devenu une passion. Comme la Diplomatie, c’est une porte ouverte sur le monde ».
Cette passion, il la quittera pourtant pour revenir à ce qui l’anime au quotidien : la littérature. « L’écriture structure ma vie. Et parmi mes nombreuses passions, la littérature passe par-dessus les autres ».
ÉCRIVAIN DIPLOMATE
Auteur de nombreux ouvrages, dont son plus grand succès, Dans la marche du temps (Grasset, 2004), il se nourrit presque quotidiennement des œuvres de Chateaubriand, Morand, Balzac et Claudel.
Sollicité pour devenir éditeur – il fonde les Editions Quai Voltaire en 1987 – il sera aussi appelé pour entrer dans la Diplomatie en mai 2008. Daniel Rondeau se promène en forêt marnaise, à quelques encablures de sa ferme quand il reçoit un appel de Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères. Ambassadeur de Malte, pour un amoureux de la Méditerranée, la proposition ne se refuse pas. Il passera donc près de quatre ans au cœur de la Méditerranée et d’une Diplomatie française qu’il qualifie comme « l’une des meilleures du monde, très efficace ». Ce qui ne l’empêchera pas, fidèle à son caractère empreint de liberté, d’apporter à son rôle d’Ambassadeur un point de vue décalé, hors du cadre établi. À l’image de cet article aussi poignant que retentissant, intitulé « Boat-people d’aujourd’hui », paru début 2009 dans le Monde et dénonçant – déjà – la détresse de ceux que l’on appelle désormais les migrants. Un sujet sensible, sur lequel l’Ambassadeur de Malte avait alors choisi d’alerter ouvertement la France et l’Europe. Une prise de position franche parmi d’autres et un style très personnel, mâtiné d’un certain art de vivre à la française qui le rendent, aujourd’hui encore, très populaire sur l’île.
Devenu ensuite Ambassadeur de l’UNESCO, il contribue au lancement des dossiers de candidature de la Champagne et de la Bourgogne auprès de l’UNESCO puis démissionne deux ans plus tard. « J’ai aimé servir l’État pendant cinq ans et demi. Mais ce qui m’intéressait c’était agir, sans temps mort ». Il retourne alors à ses livres et revient sur ses terres de Commercy, là où il a pris l’habitude de se ressourcer, mais aussi de faire de l’activité physique. Il y reçoit ainsi chaque semaine son entraineur de boxe qui vient le faire transpirer à grosses gouttes dans une aile de sa ferme spécialement consacrée à ses séances de sport quotidiennes.
AMITIÉS INDÉFECTIBLES
En septembre 2017, il signe pour Paris Match un article de six pages consacrées à son ami, le Général Aoun. Le portrait est consacré à celui qu’il a connu dans les années 80 et avec qui il a passé des jours entiers, dans son bunker sous les bombes, à Beyrouth. « Le Liban c’est une partie de ma vie. Et le Général Aoun est l’un des premiers chefs d’Etat arabes à s’être élevé contre le terrorisme et c’est pour cela que je l’ai toujours soutenu. Nous sommes restés très amis et une année je l’ai même invité à une Saint-Vincent ici, à Vert-Toulon », se souvient l’écrivain, d’une grande sensibilité en amitié.
C’est ainsi que depuis une rencontre avec Johnny Hallyday dans les années 70 à Nancy, alors qu’il était encore un tout jeune journaliste pour une radio locale, Daniel Rondeau est resté très proche du chanteur. « J’étais sans doute le premier à comprendre qu’il serait le personnage essentiel du roman national français », explique celui qui a déjà publié un livre sur son ami en 2001. Il a d’ailleurs récemment signé une longue interview de Johnny à Los Angeles qui sera le fil conducteur d’un film inédit sur l’idole nationale dont la diffusion est prévue en décembre sur France 2.