À la tête de CTIC, Philippe Moranne a construit une machine de forage unique au monde.
À l’arrière des locaux de CTIC, une haute structure domine le paysage. Cette tour énigmatique de 17 mètres de haut renferme l’œuvre de Philippe Moranne, un ingénieur Art et Métiers, à la tête de cette chaudronnerie industrielle installée chemin de la Flambère à Toulouse qui réalise 1 M€ de chiffre d’affaires et emploie une dizaine de salariés. À l’intérieur sommeille sa « machine », un monstre de métal capable de percer des puits de deux à trois mètres de diamètre sur plusieurs kilomètres de profondeur…
Voilà 10 ans que Philippe Moranne travaille à l’élaboration de son concept pour lequel il a déjà déposé quatre brevets. Son ambition est, grâce à cette machine unique au monde, de valoriser les ressources souterraines de manière « plus raisonnée ». Le projet porté par CTIC, dénommé Intraterra, est en effet de développer une nouvelle forme de géothermie de haute température, en grande profondeur, soit entre deux et cinq kilomètres sous la surface du globe, sachant qu’à ces distances, la température du sol varie de 60° à 150°, voire 180°. Réaliser un forage de grand diamètre permet d’installer au fond du puits, au plus près de la chaleur, des équipements géothermiques, turbine et circuit d’eau fermé. L’énergie produite par ce biais est à 80% de la chaleur et à 20 % de l’électricité.
GRANDES PROFONDEURS
Comparé aux systèmes existants telle la centrale pilote de géothermie de moyenne profondeur de Soultz-sous-Forêts en Alsace, cette technologie présente de nombreux atouts selon Philippe Moranne : « Il n’y a pas de risque de micro-séisme, ni de pollution du sous-sol. L’eau circulant en circuit fermé, le système est aussi plus économe en eau et en énergie ». Ajouté à cela des installations de surface réduites, « grâce à ces avantages, la géothermie de grande profondeur devrait voir son acceptabilité sociétale facilitée », assure Philippe Moranne. Selon ses projections, un puits, doté d’une puissance de 5 à 10 MW, permettrait de chauffer 3 000 à 6 000 équivalents logements pour un coût de l’ordre de 50 à 80 M€ par puits.
L’exploitation d’un puits de géothermie de moyenne profondeur pourrait demander de six à huit ans d’étude et de travaux tandis que pour la géothermie de grande profondeur, l’horizon est à 10 ou 15 ans. Mais avant de lancer les études pour un premier projet pilote de puits de moyenne profondeur, Philippe Moranne doit s’assurer de la fiabilité de sa machine, laquelle devrait être opérationnelle d’ici la fin de l’année 2019.
PREMIERS TROUS DANS LE TARN
C’est dans le Sidobre que l’énorme carotteuse devrait réaliser ses premiers forages. Installée sur le site de la carrière des Sept Faux, elle permettra d’extraire des blocs de granit de 15 à 25 tonnes valorisables. Cette technologie nouvelle offre selon son promoteur de nombreux atouts par rapport à l’exploitation d’une carrière traditionnelle, « dont une très faible emprise au sol », sachant que la cavité réalisée devrait être intégralement rebouchée à la fin de son exploitation, « effaçant ainsi son empreinte visuelle ». Raison pour laquelle cette phase du projet Intraterra a obtenu un financement de l’Ademe de 342 K€.
L’exploitation du granit extrait de cette manière devrait générer 1,5 M€ de CA sur quatre ans, à raison de 8 000 m3 de granit extrait chaque année. Cinq emplois devraient être créés. À l’issue de cette phase pilote, soit d’ici 2021, le patron de CTIC prévoit de proposer sa technologie sur le marché des carriers. Il ambitionne ainsi de mettre d’ici 2025 cinq carotteuses en exploitation, pour un chiffre d’affaires global de 6 à 8 M€ et une dizaine d’emplois générés.
Après avoir réalisé quatre levées de fonds pour un montant global de 270 K€ auprès d’un cercle de 64 investisseurs pour financer une partie de ses travaux de R & D dont le coût total est estimé à 3,5 M€ (1,5 M€ pour le prototype de machine et 2 M€ pour le projet de carrière pilote), Philippe Moranne a reçu différents soutiens sous forme de subventions et d’avances remboursables pour un montant total de 500 K€. Il fait aujourd’hui appel au financement participatif via la campagne de soutien Granity. Elle devrait lui permettre de récolter 500 K€ supplémentaires.