Immobilier tertiaire : la pandémie rebat les cartes

La filiale de Continental Vitesco technologies occupera les 9200 m2 du nouveau bâtiment construit à Basso Cambo, opération portée par Midi 2i et Bouygues Immobilier.

L’OTIE a fait un nouveau point trimestriel sur le marché des bureaux.

Baisse d’activité, mesures de distanciation sociale, déploiement massif du télétravail… comment l’immobilier d’entreprise sera-t-il impacté par la pandémie ? Après l’effondrement catastrophique du marché des bureaux au deuxième trimestre 2020, la question se pose avec une acuité particulière dans l’aire urbaine toulousaine. Aussi les chiffres collectés pour le troisième trimestre par l’Observatoire de l’immobilier d’entreprise (OTIE) – une association créée en 2002 par les professionnels de la transaction en immobilier d’entreprise – étaient-ils particulièrement attendus.

Publiés le 16 octobre dernier, ils témoignent de fait d’une reprise d’activité. « On sent un léger redémarrage, reconnaît Julie Pasques, actuelle présidente de l’OTIE, mais il n’y a pas matière à s’enflammer non plus ! On avait transactait de l’ordre de 20 000 m2 au cours du premier trimestre 2020 (T1) et 5 000 au cours du T2, soit sur le premier semestre à peine 25 000 m2 de bureaux traités. On peut donc considérer qu’avec 23 000 m2 transactés au T3, on assiste à un petit redémarrage de la demande. Nous le ressentons au quotidien sur le terrain depuis septembre. » Certes, reconnaît-elle, « dans l’absolu, ce n’est pas bon, puisqu’on est toujours très en deçà du niveau habituellement transacté dans l’agglomération », à savoir près de 30 % en dessous de la moyenne quinquennale. Mais « toutes les grandes métropoles ont souffert », rassure Julie Pasques.

Au cours du troisième trimestre 2020, trois grands opérations ont animé le marché de l’immobilier de bureaux dans l’aire urbaine de Toulouse et notamment les 9 200 m2 loués par Vitesco Technologies, une filiale du groupe Continental, dans un bâtiment à construire à Basso Cambo, une opération portée par Midi 2i et Bouygues Immobilier. « La bonne nouvelle, s’enthousiasme Julie Pasques, c’est que ce sont trois demandes hexogènes, c’est-à-dire qui arrivent de l’extérieur du territoire, alors qu’habituellement on n’a que de la demande endogène, de clients qui grossissent, qui fusionnent, qui rachètent qui déménagent, qui veulent du neuf… Les demandes hexogènes sont très rares. »

OBSOLESCENCE

Sans surprise, du fait de ce marché peu actif, le stock de bureaux disponibles continue de progresser à 211 500 m2, soit une hausse de 9 % sur le trimestre. Un stock constitué pour l’essentiel de bureaux de seconde main, les bureaux neufs représentant tout juste 24 500 m2, soit un peu plus de 11,5 % du total seulement.

Ce qui ne va pas sans poser problème, la question de l’adéquation entre l’offre et la demande devenant de plus en plus prégnante. « Comment fait-on avec ce stock vieillissant, s’interroge en effet Julie Pasques. Parce que lors des visites que nous faisons aujourd’hui, nos clients s’interrogent beaucoup sur le traitement de l’air, la qualité sanitaire des locaux, etc. La question se pose : comment va-t-on régénérer ces immeubles pour que l’utilisateur se sente en confiance, en sécurité ? Comment réaliser des transactions sur la base d’un stock qui n’est pas sexy ? L’utilisateur ne déménage pas pour pire, toujours pour mieux. S’il ne trouve pas mieux, il attend, il sert les dents ou fait des travaux chez lui. »

TÉLÉTRAVAIL

Dans cet environnement troublé, une autre question devient elle aussi récurrente : le tététravail peut-il durablement impacté le marché des bureaux ? Julie Pasques est persuadée du contraire. « Le télétravail reste une alternative lorsqu’on est en phase de questionnement. Mais il ne répond pas à toute la demande. C’est une solution de plus dans la palette, comme le coworking, les centres d’affaires ou les pépinières, qui répondent à certaines demandes, de flexibilité, de délais courts, de mobilité, etc. Le télétravail est une solution supplémentaire pour certains métiers, pour certains collaborateurs, pour une certaine durée. Mais cela n’est pas une solution de remplacement. Ce n’est tout simplement pas possible. Tous les chefs d’entreprise s’accordent à le dire, parce que c’est compliqué à gérer en terme de management. Cela doit être utilisé au bon endroit, au bon moment par les bonnes personnes. »

Pour la directrice d’Arthur Loyd 31, au fond, la seule question qui vaille « c’est, est-ce que l’activité économique va redémarrer ? » D’où des inquiétudes à plus ou moins brèves échéances notamment dans le nord-ouest de l’agglomération où les professionnels redoutent des libérations de surfaces en fonction des réductions d’effectifs annoncées. Pour autant, précise-t-elle, « on ne résilie pas comme ça. Pour rendre des mètres carrés, lorsqu’on ne se situe pas dans la période de résiliation, il faut que les propriétaires le veuillent bien. Et ils ne sont pas idiots. Ils préfèrent négocier et trouver un accord plutôt que d’aller au casse-pipe. L’avantage, si l’on peut dire, de cette crise, c’est que nous sommes tous concernés. Il n’y a pas d’explication à donner. Tout le monde l’a intégré. Les propriétaires pourront, comme on l’a vu dans le commerce, octroyer des reports ou des baisses de loyers pour ne pas d’avantage fragiliser les locataires. »

ATTRACTIVITÉ

Ce climat d’incertitude ne devrait pas pour autant détourner les investisseurs de la place toulousaine. « Ils restent très opportunistes, pointe la présidente de l’OTIE. Si on leur propose un bail de 12 ans ferme, dans un immeuble neuf, ils y vont. De fait, la pierre reste une valeur refuge. L’immobilier est le meilleur support pour gagner de l’argent, et l’immobilier d’entreprise l’un des supports les plus pérennes. Aujourd’hui, l’investisseur SCPI a beaucoup d’argent à placer et il étudie Toulouse, aussi bien que Bordeaux, Lyon ou Londres. Après le T3 qui nous a redonné un peu d’optimisme, on espère vraiment que le T4 confirmera le maintien d’activité, sachant que, mis à part le T2, nous sommes au même niveau de repli que les autres grandes métropoles françaises. Nous n’avons pas à rougir », assure la présidente de l’OTIE.

L’offre certaine engagée en cours de construction ou dont le chantier va démarrer s’élève au T3 à 54 000m2, contre 36 000 au premier semestre. Soit une dizaine d’immeubles à livrer d’ici 2022. Faut-il craindre une situation de suroffre ? « Non, depuis 20 ans, en centre ville, nous sommes en sous-offre et puis cette offre est bien répartie sur le territoire. Ce qui est bien, c’est que nous avons de l’offre neuve à proposer tout de suite. Elle va pouvoir séduire et stimuler la demande. Ensuite, elle arrive de manière phasée, pas tout d’un coup, immeuble après immeuble. Il n’y a pas trop d’offre. Elle est au contraire bienvenue, parce que c’est une offre neuve, donc de qualité », conclut Julie Pasques.