Il se mouille pour la pierre sèche

Le métier de murailler est reconnu comme métier d'art rare depuis 2016. (Photo: JDP)

Bruno Schneider est murailler. Ce métier, il l’a choisi à la suite d’une reconversion. Il est aujourd’hui un artisan-militant de la filière de la pierre sèche.

C’est à Ladoix-Serrigny, dans le vignoble côte-d’orien, qu’on rencontre Bruno Schneider. Cet artisan a créé son entreprise de murailler spécialisé dans la pierre sèche, il y a trois ans à Selongey. Le chantier du mur de soutènement sur lequel il œuvrait à Ladoix-Serrigny a duré près de huit semaines. « L’objectif, précise Bruno Schneider, était de bâtir deux murs afin de conforter un talus près d’une vigne ». À cet endroit, le dénivelé est de près de cinq mètres et l’on mesure, par la quantité de terre qu’il faut retenir, tout l’art de la réalisation d’un mur en pierre sèche.
Ici, tout n’est question que d’ajustement de pierres, chacune est calée et ces murs dont l’épaisseur varie entre 60 centimètres et plus d’un mètre sont le résultat d’un empilement savant et surtout pas empirique. Bruno Schneider s’est spécialisé dans ces murs qui ne comportent ni liant, ni mortier. Tout repose sur un savoir-faire millénaire, qui aurait bien pu disparaître, en France, après la révolution industrielle et les deux guerres mondiales, si quelques artisans tels que lui n’avaient pas maintenu le « feu sacré ».

« Depuis 20 ans, poursuit l’artisan selongéen, les constructions en pierre sèche reviennent au goût du jour, grâce à l’action de muraillers du sud. Aujourd’hui, on tente de reprendre et de diffuser ce savoir-faire. Il faut savoir que 15 % des ouvrages d’arts sur les routes nationales sont faits en pierre sèche et nous circulons tous les jours dessus avec nos lourds véhicules ». Des constructions comme le mur de soutènement cité précédemment entrent totalement dans l’esprit du classement des Climats de Bourgogne et les donneurs d’ordres qui font appel à des artisans tels que Bruno Schneider pour les entretenir ou les rénover peuvent bénéficier d’aides sur le plan financier.

RÉSERVOIR DE BIODIVERSITÉ

Mais au-delà de cet aspect, notre artisan est aussi de plus en plus sollicité parce que les gens ont conscience de la durabilité d’un tel ouvrage (qui peut tenir 150 ans sans problème) mais aussi parce qu’un mur de ce type est un outil, indirectement, qui participe au maintien d’une certaine biodiversité, par les multiples abris qu’il apporte, dans ses nombreux interstices. Ils sont autant d’espaces à occuper par la faune et la flore dite « pionnière ». Autre intérêt d’un chantier de pierre sèche: l’absence de déchets. « Les pierres que nous utilisons, spécifie Bruno Schneider, proviennent souvent du site où l’on travaille mais, de manière générale, on essaie de trouver des pierres à moins de 30 kilomètres du site». Bruno Schneider intervient parfois auprès d’associations afin de réapprendre à faire les gestes liés aux constructions en pierre sèche. Pour lui, ce métier est d’abord une reconversion. Passionné de minéralogie depuis l’enfance, il travaillait auparavant, au niveau national et européen, pour des bureaux d’études en environnement. Après une année sabbatique, il s’est formé et a créé son entreprise. La reconstruction de vieux murs fut d’abord pour lui une sorte de hobby avant, parvenu presque à la cinquantaine, de décider de ce virage dans sa vie. Il est membre de l’association des laviers-muraillers de Bourgogne, chez qui il s’est formé. « La pierre, conclut-il, vous la dirigez très peu : c’est elle qui vous emmène…»