« Il n’y a qu’un seul notariat »

« La loi pour la croissance nous a rappelé que rien n’était acquis », a souligné Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat.

Alors que le 115e Congrès des notaires battait son plein en juin à Bruxelles, avec l’international comme thème unique et prégnant, Jean-François Humbert, le président du Conseil supérieur du notariat, est revenu sur les actions de sa mandature. Au nombre de ses priorités, à l’aune des effets de la loi Croissance avec la refonte des offices notariaux : l’unité de la profession, son développement et son avenir.

Quelles sont les priorités du président du Conseil supérieur du notariat ? Les chantiers en cours ?

Dès mon élection, j’ai désigné trois grandes priorités. La première, l’unité de la profession. Il y a qu’un seul notariat. Notre profession met en œuvre des actions pour aider l’installation des notaires issus de la loi Croissance. La deuxième, le développement. Les notaires doivent diversifier leurs activités, dans le respect bien sûr de leur identité, et renouveler leur gamme de services et la manière de les rendre. Une étude fonctionne uniquement si elle a des clients. Il est donc légitime qu’ils soient au cœur de nos priorités. La médiation, comme mode alternatif de règlement des conflits, est une piste intelligente de développement.

Enfin, la troisième, préparer le « notariat de demain » en mettant l’accent sur la formation. Une première étape vient d’être franchie avec le regroupement des instituts de formation existants au sein d’une seul entité : l’Institut national des formations notariales (INFN). Il est nécessaire que nos programmes soient attrayants, et surtout qu’ils répondent aux besoins de nos futurs confrères et de leurs collaborateurs. Nous devons agir pour les préparer pour les prochaines décennies aux évolutions de la société.

La profession des notaires est en pleine transformation ; quel est le premier bilan de la loi Croissance, notamment de la refonte de la carte des offices notariaux ?

Il est un peu tôt pour établir un bilan de cette loi Croissance. Si je suis très attaché à l’unité de la profession, je suis également vigilant au maintien du maillage territorial afin qu’il n’y ait pas de « désert juridique ». Or, nous constatons que les nouveaux offices se concentrent, se déplacent près des zones urbaines, au détriment des zones rurales. Le risque d’une France juridique à deux vitesses est réelle. L’actualité récente prouve que c’est périlleux. Il faut veiller à ce que la couverture géographique soit uniforme. Enfin, il est important de ne pas aller trop vite dans les tirages au sort. Il n’y a pas d’obligation de faire de nouvelles vagues d’installations tous les deux ans. Soyons responsables, la priorité est l’intégration des nouveaux notaires. C’est l’une de mes priorités.

Comment le CSN aide-t-il les notaires à suivre ces réformes et à faire évoluer la profession ?

Tout d’abord, je le répète, en veillant à l’unité de la profession, c’est essentiel. Il n’y a pas les anciens contre les nouveaux. La profession « joue le jeu » et se mobilise pour accueillir les nouveaux. Le Conseil supérieur du notariat a, très tôt, fait en sorte qu’ils disposent de tous les outils et conseils nécessaires au développement de leur activité. Tous les éléments matériels ont été mis à leur disposition (kits d’accueil, etc.). Pour la deuxième année, un Forum leur a été dédié les 4 et 5 juillet – plus de 2000 notaires étaient attendus. Leur apport est utile à l’évolution de la profession.

Comment le CSN appréhende-t-il le numérique pour moderniser l’exercice de la profession ? Quelles sont les démarches entre- prises ?

Le numérique est une réalité pour le notariat depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui, 85 % des actes sont numériques et 95 % des offices sont équipés. Nous venons de signer le dix-millionième acte authentique électronique. Nous allons encore plus loin avec le déploiement d’une solution d’acte authentique à distance. D’ici la fin du mois, 80 % des offices seront équipés de systèmes de visioconférence sécurisés permettant de signer une vente à distance. Aider l’équipement numérique des offices, particulièrement en zone rurale, est l’une de nos missions actuelles.

Le thème du 115e Congrès est l’international. Comment le notaire français devrait adapter l’exercice dans un contexte international de plus en plus empreint par des problématiques extraterritoriales ? Est-ce un nouveau challenge ?

Jamais les Français n’ont été aussi tournés vers l’international… Que ce soit pour des raisons professionnelles, familiales ou tout simplement pour une nouvelle vie au soleil, plus de trois millions de nos compatriotes sont aujourd’hui installés à l’étranger. Désormais, ces sujets se retrouvent et font partie du quotidien des études notariales. Cette dimension internationale soulève des questions de plus en plus fréquentes à chaque moment-clé : mariage, naissance, acquisition, transmission… Le rôle du notaire est renforcé, cela rejoint la notion de conseil que j’évoquais dans la première question. Il doit accompagner son client, le conseiller, l’assister y compris au-delà de nos frontières nationales.

Quelles sont les activités et les échanges du CSN à l’international ? Pouvez-vous citer quelques exemples ?

Le notariat français est une référence à l’international. Il est donc naturel que nous signions ou poursuivions des accords de coopération internationale avec les autres notariats en Europe, mais également en Russie, en Amérique du Nord et, bien entendu, en Chine dont le ministre de la Justice était récemment l’invité d’un déjeuner au Conseil supérieur du notariat. Je reviens sur les nouveaux notaires : ils ont, par leur jeunesse, leur maîtrise des langues étrangères, un rôle à jouer pour faire rayonner le notariat français.

L’avenir de la profession devrait- il se construire aussi à l’échelle européenne et comment ? Verra- t-on un jour des offices de notaires européens ou internationaux, à l’instar des cabinets d’avocats ?

Dans un monde hyperconnecté qui s’internationalise… Tout est envisageable, bien sûr, mais il reste de grands obstacles à franchir en terme de réglementation, de législation. Cela dépend également de la volonté des pouvoirs publics. Pour autant, le notaire, officier public, agit au nom de l’État qui l’a nommé pour dresser un acte et lui conférer l’authenticité. Ce caractère national demeurera pour les actes notariés. En revanche, dans son activité de conseil, d’assistance, de renseignements, le notaire ne connaît effectivement pas de frontières et peut exercer ses talents bien au-delà de son cercle géographique immédiat.

Que diriez-vous, en tant que notaire, à l’usager français mais aussi européen ? Et aux futurs députés européens de la France ?

Le congrès de Bruxelles va démontrer que le notariat européen est en ordre de bataille, sait répondre à toutes les demandes de nos concitoyens. Il y a 22 pays dans l’Union européenne qui possèdent un notariat. Il nous faut poursuivre nos coopérations entre notariats, pour répondre aux besoins des clients dans leurs activités internationales. Le notariat français est également un élément de rayonnement diplomatique, qu’il faut entretenir, valoriser, amplifier. Faire entendre la voix de la France au parlement est donc important.

Propos recueillis par Boris Stoykov,
Les Affiches Parisiennes pour RésoHebdoEco
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