Caroline Flaissier est la directrice générale Entreprises et Collectivités au sein d’Engie. De passage à Dijon, elle est revenue sur la stratégie de développement de l’énergéticien, qui témoigne d’une volonté de proximité envers les clients, selon un schéma très décentralisé, et avec l’ambition de faire émerger une large palette de solutions, en lien avec les marchés du gaz et de l’électricité.
RésoHebdoEco: Vous assumez la direction Entreprises et Collectivités d’Engie depuis mai 2018. Qu’est qui vous a attiré chez Engie?
Caroline Flaissier: J’ai rejoins le groupe Engie en mai dernier pour de multiples raisons. Une en particulier a beaucoup compté : la volonté de décentraliser les niveaux de décision, afin d’accompagner le mouvement général de décentralisation de la production d’énergie. Isabelle Kocher, la directrice générale du groupe, a mis en place cette stratégie de décentralisation, il y a trois ans. Cette vision, je l’ai retrouvée à mon arrivée au sein d’Entreprises et Collectivités. Notre force, c’est vraiment le local, le régional, avoir la force d’un grand groupe avec l’agilité de la proximité. La raison de ma venue à Dijon, c’est la possibilité de rencontrer les équipes, les clients et mieux comprendre comment les idées se mettent en place sur le terrain. Chez Engie Entreprises et Collectivités, nous sommes convaincus d’une chose : nous avons tous un rôle à jouer et pour cela, il faut être proche du terrain. Nous avons 39 sites en France dont les trois principaux, à Saint-Ouen, Lyon et Nantes.
Une des ambitions d’Engie, c’est de devenir leader en matière de solutions énergétiques. Dans ce cadre, vous proposez des offres conçues avec les clients. Comment cela a-t-il été réalisé ?
Nous considérons que ce que nous mettons en place pour le marché doit se construire avec nos clients. Nous avons par exemple lancé l’application Sam-E l’été dernier. C’est une solution qui permet à nos clients de fixer leur budget d’achat d’énergie quand ils le souhaitent. Les prix du gaz ou de l’électricité évoluent sans cesse et cette application leur permet d’acheter du gaz ou de l’électricité en leur donnant un accès à des prix de salle de marché, de manière transparente. Ils peuvent voir ce qui se passe chez nous et, de notre côté, nous avons une meilleure compréhension de leur fonctionnement. On a construit cette application pour eux et avec eux mais aussi avec nos collaborateurs. Avec celle-ci nous sommes aujourd’hui les seuls à proposer de fixer des prix gaz et électricité. Nous avons également lancé une offre régionale d’électricité, pour l’instant sur deux régions pilotes (Nouvelle Aquitaine et Occitanie). Nous avions des clients qui nous disaient qu’ils croyaient énormément aux circuits courts, au régional, au local, et qui voulaient disposer d’une offre d’électricité produite chez eux. Cette offre fonctionne aujourd’hui très bien avec des industries agroalimentaires, des hôtels, des commerces… Acheter une électricité produite dans leur région a vraiment du sens.
Ce modèle est-il déclinable sur toutes les régions françaises ?
Il faut d’abord que nous ayons une demande locale que nous pouvons ensuite étudier. Nous travaillons beaucoup sur le « Corporate power purchase agreement (CPPA)» (un contrat long-terme d’achat d’énergie signé entre un producteur et une entreprise consommatrice NDLR), qui consiste, par exemple, à réserver des capacités sur une centrale solaire et l’on sait donc d’où vient l’électricité qu’on consomme. Décliner le modèle sur d’autres régions est tout à fait faisable. Nous sommes très à l’écoute de la demande.
Avez-vous eu des demandes émanant d’autres régions ?
Nous avons des demandes de municipalités qui sont très intéressées et le CPPA répond bien à ce type d’attente. En Bourgogne Franche- Comté, nous commençons à avoir des sollicitations sur des possibilités de circuits courts, de la part d’entreprises, notamment dans l’agroalimentaire.
Dans cette stratégie globale, quelle place donnez-vous aux énergies renouvelables ?
Nous voulons aider à accélérer la transition énergétique. On constate que les clients ne veulent plus seulement du gaz ou de l’électricité. Beaucoup d’autres choses font sens à leurs yeux, et le renouvelable en fait partie, tout comme l’autoconsommation. En fonction de la maturité du client sur les questions de transition énergétique, nous avons des demandes qui varient énormément. Nous proposons une palette de solutions en renouvelable et cela nous incite aussi à en développer de nouvelles. Par exemple, nos clients peuvent, aujourd’hui, acheter de l’électricité « verte », produire eux-mêmes leur électricité. En termes de développement, le renouvelable occupe aujourd’hui une grande place chez nous.
Vous accordez beaucoup d’importance à la donnée et vous même avez toujours été très impliquée dans les problématiques liées au digital. Quelles utilisations Engie peut-il faire de la data à l’avenir ?
La data, c’est, pour nous, quelque chose qui doit être créateur de valeur pour le client. La data, ce n’est pas nouveau chez Engie Entreprises et Collectivités parce que nous avons toujours eu des clients qui consommaient de l’énergie, on est habitué aux profils de consommation, on travaille sur la prédiction, on dispose de données météo pour mesurer l’influence du temps, etc. Maintenant, nous voulons aller plus loin, notamment dans le conseil. Par exemple, lorsque le client reçoit sa facture d’électricité, il n’est pas toujours en mesure de savoir s’il a vraiment optimisé son tarif d’acheminement. Grâce à la data, on va pouvoir lui proposer des évolutions sur cet aspect. Nous avons aussi des clients qui seraient intéressés pour produire leur propre électricité, et notre capacité à pouvoir analyser une grande masse de données peut nous permettre de leur proposer la solution la plus optimale et adaptée.
Comment se comportent aujourd’hui les marchés des entreprises et des collectivités ?
Sur la partie gaz, une compétition saine s’est instaurée et nous avons une très bonne compétitivité au niveau des prix. Sur l’électricité, en revanche, on a vu un marché très tendu en fin d’année dernière. On conseille à nos clients d’anticiper au maximum leurs achats en matière d’énergie. Les marchés de l’électricité sont complexes, c’est pourquoi il est important, localement, d’avoir des collaborateurs capables d’expliquer les choses aux clients. Sur la partie entreprises-collectivités, on constate qu’il y a de plus en plus de compétition. Je suis très optimiste pour la suite. Sur le gaz, les choses ont évolué au bénéfice du client, il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement sur l’électricité.
Sur le marché des collectivités, ressentez-vous des difficultés particulières liées aux contraintes budgétaires fortes qu’elles rencontrent?
Notre difficulté n’est pas dans le fait de trouver des projets, car il y en a, mais de trouver des équipes suffisamment transverses, au sein de ces collectivités, en face de nous, en mesure de respecter une réglementation lourde. Mais dans ce secteur, je ressens un grand dynamisme. Cela dépend beaucoup des convictions des personnes qu’on trouve dans ces équipes, à leur vision du monde pour demain.
En octobre, vous avez créé avec le groupe de grande distribution Casino une co-entreprise destinée à promouvoir l’autoconsommation solaire. Quel est l’intérêt et quels sont les buts de cette co-entreprise?
C’est typiquement l’illustration de la manière dont nous construisons les choses aujourd’hui. Au départ, Casino était un client et un partenaire. Nous avons eu envie d’aller ensemble sur le terrain de l’auto-consommation et des circuits courts en prenant le meilleur des deux univers : l’expertise d’Engie, notre connaissance des marchés de l’énergie, et l’agilité de GreenYellow, filiale du groupe Casino créée il y a dix ans autour de l’efficacité énergétique. Dans la co-entreprise, nous avons aujourd’hui une trentaine de personnes basées à Marseille. Le marché les accueille très bien. L’idée c’est de développer un projet par jour. Localement, il y a justement des projets qui ont émergé, avec le golf de Norges, ou avec Aéraulique Construction, à Chevigny-Saint-Sauveur.