« Il ne faudrait pas revivre un après-subprimes »

Président du Conseil national des professions de l’automobile en région Bourgogne Franche-Comté, Bernard Guyot est aussi président du groupe Guyot, que son fils, Camille Guyot, dirige aujourd’hui. Il représente les marques Renault, Dacia, Infiniti, Fiat et Mitsubishi sur l’ensemble de la Côte-d’Or.

Après deux mois d’arrêt, le marché de l’automobile reprend. Un plan de relance a même été adopté pour aider l’ensemble de la filière, de la construction à la distribution. Un effet d’aubaine pour le secteur qui espère que certaines mesures comme le chômage partiel persistent pour éviter d’avoir à licencier en cas de nouveau ralentissement.

«Par rapport à toutes les crises que nous avons pu vivre, que ce soit la crise du pétrole, le Koweit ou encore les subprimes, qui avaient déjà beaucoup affecté l’automobile, cette dernière crise est la pire de toutes celles que nous avons eues pour la simple et bonne raison que pour la première fois de l’histoire de l’économie, nos propres entreprises de distribution – donc la filière en aval de l’automobile – se sont trouvées paralysées pendant deux mois », observe Bernard Guyot, président régional du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Malgré son optimisme légendaire, qu’il dit d’ailleurs raisonné face au contexte actuel, l’ancien chef d’entreprise énonce des chiffres en baisse sur le premier trimestre 2020, tout en évoquant tout de même un plan de relance « efficace » et « immédiat ».

Sur le marché de l’occasion, les ventes ont en effet chuté de 78,11 % en avril en Bourgogne Franche-Comté, contre 76,91 % au niveau national. En mars déjà, les ventes avaient baissé de 35,43 % (- 34,21 % en France). « C’est dommage, estime Bernard Guyot. Parce que le marché du véhicule d’occasion était plutôt bien orienté sur les deux premiers mois, avec une croissance à deux chiffres, autour de 10 % ». En cumul sur les quatre premiers mois de l’année 2020, le marché de l’occasion a perdu 25,36 % (- 24,35 % en France). « Quant aux ventes de véhicules neufs, nous avions déjà un écrasement du marché de l’ordre de 12 %, qui s’est accentué beaucoup plus en mars (-75,13 %) et en avril (-83,18 %). Ce qui fait un cumul pour la France à -47,99 % quand la Bourgogne Franche-Comté est à -50 %. » Enfin, le marché du petit utilitaire, déjà orienté à la baisse depuis le début de l’année, a continué à chuter, les entreprises étant fermées, pour atteindre – 42,89 % en région et -42,18 % sur le territoire national.

30 % DE FAILLITES

« Globalement, sur la crise, tout le monde s’est bien comporté les uns avec les autres. L’État a rempli son rôle de façon quasi immédiate, nos fournisseurs et constructeurs automobiles ont rempli leur rôle vis-à-vis des concessionnaires que nous sommes en décalant les dates de paiement, ce qui a permis de gérer la crise du “free cash flow”, et nous-même, vis-à-vis de nos clients, avons décalé des règlements », explique Bernard Guyot. Alors que 30 % des entreprises risquent aujourd’hui la faillite, le Président de la République a présenté le 26 mai le plan de relance de la filière automobile. Un plan « complet », selon le président régional du CNPA qui reconnaît qu’il n’intègre toutefois « pas forcément l’ensemble de la filière. Les loueurs de véhicules par exemple, mais aussi le recyclage des véhicules, la distribution de carburant ou encore l’éducation routière ». Entre autres annonces, la mobilisation d’un milliard d’euros en soutien à la demande, avec le renforcement du bonus écologique ou encore l’élargissement de la prime à la conversion aux 200.000 premiers véhicules neufs ou d’occasion, mais aussi la création d’un fonds d’investissement de 600 millions d’euros, d’un fonds de soutien aux investissements de 200 millions d’euros et d’un fonds de 150 millions d’euros consacré au soutien de l’innovation et de la R&D. En bref, un total de huit milliards d’euros d’aides au secteur.

UN EFFET D’AUBAINE

« Les premières semaines du déconfinement, nous avons vu beaucoup de curieux avide de faire des affaires. Et entre temps est sorti le plan de relance. Nous sommes plutôt agréablement surpris de voir le trafic qu’il y a dans les affaires, confie-t-il. Nous n’avons pas encore suffisamment de recul, mais nous pouvons dire que la vente de véhicules d’occasion a plutôt bien repris ». Une reprise qui a entraîné certaines modifications dans la manière de travailler. « Par exemple, à chaque fois qu’un véhicule conduit par un client arrive dans un de nos ateliers, nos collaborateurs ne peuvent le toucher avant même de l’avoir décontaminé. Et une fois qu’ils l’ont décontaminé et qu’ils ont travaillé dessus, il leur faut le re-décontaminer avant de le rendre au client. »

Sur le marché de la mécanique, une longue période sans utilisation d’un véhicule génère des besoins d’entretien, sans oublier les contrôles techniques qui n’ont pas pu être fait. Quant à l’activité carrosserie, s’il y avait encore des encours non traités, pendant les deux mois de confinement, l’accidentologie a fortement diminué. « On s’attend donc à un ralentissement de cette activité et il faut organiser nos ateliers pour qu’on puisse continuer à bénéficier du chômage partiel pour éviter d’avoir à licencier des collaborateurs. L’idée serait qu’on utilise, tant que faire se peut, les moyens qui nous sont donnés pour ne pas avoir à subir ce qu’on a subi après les subprimes, où nous avions licenciés et lorsque l’activité était repartie, nous ne trouvions plus de main-d’œuvre », estime le président régional du CNPA. Une interrogation persiste concernant les 200.000 premières voitures qui bénéficieraient de la prime à la conversion. « Deux cent mille voitures, ça peut partir vite, note-t-il. Le marché automobile national est de l’ordre de 2,3 millions de véhicules vendus par an ».

Aujourd’hui, Bernard Guyot observe un marché dopé par le plan de reprise. « C’est une bonne aubaine pour les consommateurs, les constructeurs et les distributeurs. Toutefois, alors qu’on annonce une baisse du PIB de l’ordre de 10 %, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Cette crise va avoir des répercussions. Historique- ment, on sait qu’à chaque fois que nous avons eu un plan de relance, il y a eu, après, un tassement des ventes de l’ordre de 20 %. Donc, nous ne pouvons pas nous attendre à des niveaux futurs qui soient très positifs », conclut-il.