« Il faut sauver le moindre euro de chiffre d’affaires »

Mathieu Mollière, Directeur Marketing et Innovation du Groupe Frey.

Face à la crise sanitaire, le groupe Frey a mis en place un fonds de soutien à destination de ses locataires et pousse pour une réouverture rapide des commerces.

Mathieu Mollière, en réaction au premier confinement et pour venir en aide à vos locataires touchés par celui-ci, le groupe Frey a mis en place en avril un fonds de soutien doté de 15 M€ ? De quoi s’agit-il ?

Peu après l’annonce du 1er confinement par le Gouvernement, le 16 mars dernier, nous avons décidé d’accompagner nos commerçants – locataires afin de traverser au mieux ensemble cette crise sans précédent. Nous avons créé un fonds de soutien de 15 M€ afin de neutraliser le poids de leurs loyers non seulement pendant la période de fermeture, mais également durant les trois mois suivant leurs réouvertures. De manière pratique, grâce à ce fonds, nous avons pris en charge l’intégralité du loyer des commerçants pendant les fermetures du 1er confinement. C’est un acte fort qui traduit bien l’état d’esprit solidaire que Frey cultive avec ses enseignes partenaires depuis de très nombreuses années. 

Près de trois locataires sur quatre y ont recours, comment cela se traduit-il dans les faits ?

Tous les commerçants n’étaient pas « éligibles » pour bénéficier de ce fonds pour la simple et bonne raison que certains d’entre-deux sont restés ouverts pendant le confinement. C’est le cas des commerces dits « essentiels ». 

Quels accords sont passés aujourd’hui avec les locataires dont les commerces sont fermés ? Que pensez-vous de la proposition de Bruno Le Maire d’annuler purement et simplement les loyers ?

Pour ce second confinement, la liste des commerces « essentiels » a été revue à la hausse par le Gouvernement. De plus, de nombreux commerçants se sont organisés pour ne pas fermer totalement et nous les avons accompagnés en leur proposant la mise en place de solutions de click & collect en « drive ». À ce jour 44% de nos locataires ont une activité commerciale. La situation est donc différente. Mais nous ne laisserons personne sur le bord du chemin et nous allons continuer à accompagner ceux qui en auront besoin. Les récentes discussions entre les fédérations des commerçants et celles des bailleurs ont abouti à un consensus sur le principe du crédit d’impôt au profit des bailleurs qui annuleront les loyers de novembre. Nous respecterons cet engagement. 

Cet été vous avez annoncé une « excellente reprise d’activité pour les centres commerciaux de plein air avec une hausse de 16% des chiffres d’affaires depuis le 11 mai ». Vous avez été freiné en pleine reprise avec ce 2e confinement ?

Ce second confinement et la fermeture des magasins sont arrivés au pire moment pour les commerçants, à quelques semaines de Noël. Les consommateurs retrouvaient le plaisir du shopping dans des lieux de commerces physiques, que ce soit en centre-ville ou en périphérie. Et à nouveau ils risquent fortement de se reporter sur les plateformes commerciales digitales, qui elles, sans aucune contrainte, continuent à livrer aux 4 coins du pays des produits « essentiels » ou pas… Cette concurrence déloyale est intolérable eu égard à la crise sans précédent que les commerces physiques traversent. Le moindre mal serait une réouverture des magasins le 27 novembre. Il faut sauver le moindre euro de chiffre d’affaires. 

Comment qualifier cette crise pour un groupe tel que le vôtre ?

Cette crise est inédite et d’une violence inouïe pour les commerçants, au 1er rang desquels les indépendants, et en particulier les restaurateurs. Mais malgré cela, nous restons optimistes pour l’avenir, celui de Frey, mais également celui du commerce physique. C’est dans ces moments critiques qu’un groupe comme le nôtre doit faire preuve de résilience et affirmer un état d’esprit solidaire vis-à-vis de ses partenaires – locataires. Et puis cette crise va sans doute donner aux consommateurs encore un peu plus le goût d’une consommation responsable, favorisant l’économie locale et la création d’emplois. 

Un mot sur la décision stratégique du groupe qui s’engage à investir 35 M€ dans la filière bois française et vise la neutralité carbone ?

Frey s’est imposé depuis sa création comme l’un des acteurs les plus innovants de l’immobilier, faisant du développement durable le principal marqueur de ses projets. Nous décidons aujourd’hui d’aller encore plus loin en adoptant cette stratégie ambitieuse : atteindre la neutralité en émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Pour cela nous allons fortement accélérer la sobriété carbone de notre modèle, de la construction jusqu’à l’exploitation de nos actifs. Le bois va prendre une place primordiale dans le modèle constructif de nos projets. Nous avons donc décidé d’investir massivement dans la filière bois française via l’acquisition et l’exploitation en France de forêts durablement gérées. Nous allons ainsi maîtriser notre approvisionnement de ce matériau bio-sourcé, et alimenter une filière bois française qui doit aujourd’hui continuer à se développer pour rester compétitive à l’échelle européenne. Environ 35 M€ vont être investis par Frey ces prochaines années. Et à ce jour, nous avons déjà fait l’acquisition de près de 600 ha.