Préfet des Ardennes, Sébastien Lamontagne, fait le point sur la situation économique du territoire. Il compte sur le plan de relance gouvernemental et le Pacte Ardennes pour optimiser le réveil du département.
Lors de la propagation du Covid-19, combien d’entreprises ont mis en place le dispositif d’activité partielle ?
Sébastien Lamontagne : 3 759 sociétés locales, soit 62 % d’entre elles, ont eu recours à ce dispositif leur permettant de ne pas avoir à payer leurs salariés pendant ou au-delà de la période de confinement. Cela a permis aux entreprises de traverser cette crise sanitaire sans trop de casse et à l’économie ardennaise d’éviter le pire. 34 054 salariés Ardennais sous contrat ont été concernés. Au 28 août, 1 068 entreprises appliquaient encore cette mesure. Une décrue qui illustre une reprise positive de l’activité. Ces mécanismes puissants et coûteux estimés à 46 millions d’euros ont permis aux entreprises de tenir. Il n’y a, à ce jour, ni plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ni d’activité anormale au tribunal de commerce. Le prêt garanti par l’Etat (PGE) s’est aussi avéré être un outil puissant, les PME disposant ainsi d’avances de trésorerie dans l’attente d’une reprise.
Espérez-vous une reprise progressive de l’activité économique ?
Tout l’enjeu de cette période de reprise est de voir si l’activité repart par ses ressorts naturels, notamment la demande des consommateurs. C’est précisément l’objet du Plan de relance qui vise à stimuler cette reprise dans tous les domaines, en allant aussi vite que possible dans la mobilisation des sommes colossales annoncées sur trois grands axes : l’écologie, la compétitivité et la cohésion.
Quelles sont les actions purement locales lancées dans le cadre de ce Plan de relance ?
On se mobilise au sein des services de l’État pour identifier, au sein des 68 mesures du Plan de relance, celles qui nous paraissent les plus pertinentes pour les Ardennes. Il faut donc prioriser et diffuser rapidement les modes d’emploi aux acteurs économiques et aux collectivités locales. On va leur donner toutes les informations nécessaires au dépôt des dossiers afin de les accompagner par des financements. Pour répondre au mieux à la crise économique, il faut faire en sorte qu’un maximum de projets ardennais puisse bénéficier de ce Plan dans les meilleurs délais.
À ce jour, ce qui démontre que les choses vont vite, cinq entreprises locales ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt pour l’automobile et l’aéronautique et bénéficieront du plan de soutien. Bourguignon-Barré à Hautes-Rivières, spécialisée dans la forge et l’usinage, sera la première à être soutenue pour un investissement débouchant sur la création de deux emplois. La Fonte Ardennaise, Estamfor, Hanon System, Faurecia qui a fourni deux dossiers et Arden Plast (positionnement du groupe au niveau national), AFS Sedan et Gestamp Prisma (reconversion de pièces pour châssis de camions électriques) se sont elles aussi positionnées. Et quatre d’entre elles seront aussi aidées.
Où en est-on dans la future implantation d’Hermès sur la zone industrielle de Tournes ?
C’est un projet qui avance bien puisque le permis de construire doit être déposé début octobre. Des réunions ont eu lieu durant l’été pour s’assurer que les sujets de réglementation à caractère environnemental soient en passe d’être réglés. Le calendrier poursuivi par l’entreprise pour être opérationnelle en 2023 est suivi sans retard particulier. Tous les clignotants sont donc au vert pour ce dossier emblématique de 250 emplois. D’ores et déjà, des recrutements ont été effectués et l’entreprise continue de former en interne des artisans à un savoir-faire particulier. Cinq promotions successives sont programmées sur le pôle de la Vence avec, à chaque fois, 40 à 50 stagiaires.
Et le projet de prison à Donchery ?
L’annonce en a été faite par le gouvernement fin 2019. Les discussions se poursuivent entre Ardennes Métropole, la commune d’accueil et avec l’expertise technique de l’APIJ (agence pour l’immobilier de la justice) sur la localisation précise de l’établissement. Un comité de pilotage doit être créé avant la fin 2020 parce que l’enjeu, au delà de la construction de l’établissement en 2022, est de concevoir une offre de formation aux détenus en mobilisant les PME locales et tous ceux qui concourent à la formation professionnelle. Il va falloir proposer des stages à l’intérieur ou dans les environs de la future prison. C’est la caractéristique du projet Insere qui doit aboutir à la bonne réinsertion des détenus en fin de peine.
Où en est-on de la démétropolisation d’emplois de finances publiques à Charleville-Mézières ?
Le principe a été acté par le Ministère de l’action des comptes publics mais ni le calendrier, ni le nombre précis d’agents délocalisés dans les Ardennes ne sont encore connus. Au départ, il y avait sept candidatures ardennaises sur ce dossier, celle de Charleville-Mézières a été retenue dès la première vague parmi cinquante communes. Les Ardennes ont donc déjà été bien servies mais d’ici la fin de l’année, il doit y avoir une deuxième vague d’annonces par le gouvernement et on espère que Sedan, Vouziers, Revin, Givet ou Bogny-sur-Meuse qui restent en lice puissent à leur tour en bénéficier de cette politique de démétropolisation.
Lors d’une récente visite que vous avez effectuée à la fonderie PSA, le directeur du site a évoqué ses projets d’ici 2025.
Il nous a présenté une démarche très intéressante consistant à programmer la fin des moteurs classiques pour préparer la montée en puissance de l’électrique. Dès à présent, le premier employeur privé champardennais a pris conscience qu’il fallait amorcer ce virage vers l’électrique en faisant petit à petit évoluer une production actuellement centrée sur des pièces alimentant des moteurs thermiques vers un développement progressif de nouvelles fabrications. C’est plutôt réconfortant de voir nos entreprises se consolider en se projetant en amont vers de nouvelles technologies.
Alors que le projet Cevital semble fort compromis, à l’inverse d’autres dossiers vont bientôt aboutir…
D’abord, on reste à l’écoute des porteurs du projet Cevital pour essayer de concrétiser cette implantation majeure. C’est à eux de boucler leur plan de financement. Sinon, d’autres projets intéressants vont effectivement voir le jour. L’arrivée d’Agronutris à Rethel est en très bonne voie. Au titre de la recherche et du développement, cette start-up a bénéficié d’un million d’euros de financement sous forme d’avances remboursables de la part de Bpifrance et de la Région Grand Est. Les demandes d’installations classées ont été déposées ; donc ce dossier est bien lancé. Autre perspective intéressante : le groupe Lactalis a fait savoir en juin qu’il allait installer une nouvelle ligne de production et une tour de refroidissement sur son site de Rouvroy-sur-Audry. Des projets de méthanisation sont aussi bien avancés puisque le guichet unique mis en place pour aider des investisseurs à monter leur business plan recense environ 25 projets sur le territoire.
Quels autres plans industriels pourraient bénéficier d’un coup de pouce dans le cadre du Pacte Ardennes ?
À l’intérieur de ce dispositif, toute la filière des énergies renouvelables va être développée. Un déploiement raisonné des champs éoliens va être poursuivi mais de façon raisonnée. Cela passera pour éviter la saturation visuelle de certains secteurs géographiques par la révision du schéma paysager éolien qui date de 2007. De grands parcs photovoltaïques devraient aussi être créés à Douzy et Regniowez. En matière d’hydroélectricité, Helliogreen pourrait connaître un développement avec un produit intéressant. Pour redynamiser le territoire, on va aussi se pencher sur le potentiel touristique. Dans les prochains mois, il faut en tout cas s‘attacher à poursuivre la dynamique enclenchée par le Pacte Ardennes tout en restant à l’affût des opportunités.